In the illusion you created, I came to know love

Si mon 10 n’était pas aussi difficile à avoir, Higurashi aurait très certainement cette note. Il est pourtant très dur de réunir toutes les conditions pour “s’amuser” lorsqu’on joue à Higurashi. Il faut accepter l’idée de ne pas faire grand chose en jeu car on ne s’implique pas vraiment – en terme de gameplay je parle attention – et surtout de passer à peu près 150h de sa vie, derrière un écran, à lire. Peu de conditions certes mais ces dernières sont importantes pour pouvoir s’imprégner d’Higurashi et de sa maestria narrative.

Pourtant le jeu est relativement long à se mettre en place et les graphismes ont de quoi faire abandonner la chose. Mais devant de tels encouragements de certains amis je me suis accroché pour finalement vivre quelque chose d’unique. Si vous jouez à ce jeu, quelque part vous allez changer. Comme Harry Potter, qui a accompagné beaucoup de personnes durant leur adolescence, c’est surtout l’ambiance, la continuité et l’histoire générale qui a poussé les gens à lire ces livres. Higurashi c’est pareil. Peu à peu on s’imprègne de l’histoire, des personnages, du mystère glauquissime et de l’ambiance tout à fait dérangeante que dégage Hinamizawa.

Certains ne s’en rendent pas compte mais 150h est un temps de jeu assez incroyable et au fur et à mesure les personnages deviennent de plus en plus réels. Tous merveilleusement bien écrits on va apprendre à vivre à travers eux, ressentir leurs palettes d’émotion et, indubitablement, s’attacher. Tout cela est rendu possible grâce à une histoire sensationnelle et une narration qui tient de la perfection. Il est souvent dit que "sans maitrise la puissance n'est rien", certaines scènes de cinéma par exemple auraient pu être très touchantes si elles n’avaient pas été filmées avec les pieds, et bien ici c’est pareil. Tout est dans la retenu, dans l’émotion fine sans en rajouter des tonnes. Le destin terrible s’acharne mais la narration ne porte pas un regard condescendant envers tous ces personnages. Celui qui transmet ses émotions est, à la limite, le héros, mais sa façon de penser se raccroche à la notre du coup le joueur a souvent l’impression de vivre des événements mais de faire sa propre narration de ce qui se passe.

Ce qui est d’autant plus fort c’est que ce personnage principal est et n’est pas, il ne vit qu’à travers nos yeux et à travers l’identité qu’on lui donne. La nature humaine "in a nutshell" (dans une noix si vous voulez une image, mais l’expression anglaise est plus belle). Du coup on se surprend à rire avec les personnages, à ressentir de la tristesse à leur égard. Entre les sentiments contradictoires qui nous traversent et nous amènent à réfléchir se trouvent tout d’abord une véritable enquête dont la solution n’est malheureusement presque pas trouvable et surtout une réflexion plus profonde sur l’être et la nature de chaque personne. Dans Higurashi, comme dans la vie réelle, personne n’est né ainsi, on se forge, on se crée au fil du temps. A Hinamizawa, on se recrée de A à Z, chaque seconde, chaque dialogue nous apporte quelque chose qui dépasse le simple cadre du jeu, une réalité d’autant plus dure à surmonter quand on est obligé de quitter le jeu. Une vie à travers le jeu, voilà ce qu’on s’invente durant ces 150 heures. On laisse une partie de soi dans ce village, on abandonne un bout de notre humanité sans crier gare, sans presque s’en rendre compte.

Bien sûr Higurashi n’est pas tout à fait parfait, par moment il a des longueurs mais le plus frustrant reste cette énigme insoluble. On pourrait dire que c’est le but, qu’on cherche en vain une réponse qui se trouve ailleurs mais voilà j’ai quand même claqué la langue entre mes dents, déçu de ne pas pouvoir résoudre ce mystère. On pourrait aussi reprocher les graphismes alors qu’en fait ces derniers sont parfaitement adaptés. La dualité entre le côté mignon du chara-design et les horreurs que l’on vit est très immersive et vous fera souvent tressaillir.
Mais qu’importe, le jeu est pardonné pour ses quelques petites errances car il est bien difficile de ne pas s’incliner devant le génie étalé tout du long de ces 150h. Chaque dialogue est pesé, chaque personnage magnifiquement bien écrit et au final on vit une aventure presque introspective. On dépasse largement le cadre du simple jeu où l’on appuie sur une touche pour faire avancer les dialogues, on devient une partie de l’histoire. Higurashi transcende un milieu très (trop ?) méconnu et l’amène dans la sphère des jeux pouvant facilement être qualifiés de chef d’œuvre.

C’est non sans peine que j’ai lu les dernières lignes, c’est avec un désespoir absolu que j’ai fini l’histoire et fermé la fenêtre de jeu. Mais je n’ai aucunement l’envie de refaire ce jeu. Comme un ami à qui j’ai dit adieu en étant sûr de ne jamais le revoir, je préfère me souvenir plutôt que de revivre car l’expérience serait trop différente et sûrement beaucoup moins incroyable.
Ray
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le 10 sept. 2014

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