Sorti en 2007 et tiré de l’œuvre de Tolkien, Le Seigneur des Anneaux Online n’a, il me semble, jamais été dans le top de popularité des MMOs, genre aujourd’hui largement sur le déclin à part pour FFXIV et l’éternel World of Warcraft. Puisqu’on en parle, il faut dire aussi que Lord of the Rings Online (qu’on appellera LOTRO) était justement largement calqué sur WoW, mais en arrivant 3 ans après, il n’a pas su se hisser à son niveau. LOTRO ne fut pas un échec pour autant. Le fait qu’il existe toujours aujourd’hui, 17 ans après sa sortie initiale, en est la preuve, quand bien même sa population tourne désormais autour de 4000 à 6000 joueurs quotidiens. A titre de comparaison, à l’heure où j’écris ces lignes, WoW est à 250 000. Désormais en free to play depuis de longues années, nous allons à travers cette modeste chronique nous interroger sur les raisons d’y jouer aujourd’hui. Pour cela, il est nécessaire de faire un court historique du titre, puis d’aborder son aspect véritablement MMO que ce soit dans le gameplay comme dans l’esprit communautaire, et enfin nous attarder sur son univers et si celui-ci demeure un argument de taille pour se lancer dans l’aventure.
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Il a beau être sorti trois ans après son principal concurrent, Lord of the Rings Online est un jeu qui a pris énormément de temps à créer. C’est le studio Sierra On-line qui s’est en premier donné le défi de développer un MMO dans la Terre du Milieu (le continent principal sur lequel se déroule le Seigneur des Anneaux) en 1998. Les droits appartenaient à Vivendi Universal Games, maison mère de Sierra, et furent finalement récupérés par le studio de développement Bostonien, Turbine en 2005 qui éditera directement le jeu, changeant au passage de titre, de Middle Earth Online à Lord of the Rings Online. En Europe, c’est Codemasters qui s’est occupé de la distribution et du système d’abonnement. En effet, comme le voulait la tendance en 2007, pour jouer à LOTRO il fallait payer un abonnement mensuel, jusqu’en 2010 où il est devenu free to play avec bien sûr plein de carottes pour faire passer à la caisse. Une formule par laquelle bien des MMO se sont tournés comme Star Wars The Old Republic ou The Elder Scrolls Online, des jeux qui proposent toujours un abonnement mensuel avec quelques privilèges. De façon traditionnelle, LOTRO a aussi eu droit tout au long de sa vie à de multiples extensions, chacune d’entre elles agrandissant un peu la map. On ne va pas forcément les lister entièrement parce qu’il y en a plus d’une dizaine, mais les premières me semblent quand même importantes. En 2008, sort « Les Mines de la Moria ». Jusqu’ici la map ne couvrait « que » l’Eriador, soit l’Ouest de la Terre du Milieu, du Palais de Thorin à Fondcombe, en passant par la Comté et la région de Bree, et au Nord l’Angmar. Un an plus tard, la zone de de la Forêt Noire est ajoutée. En 2011, l’Essor d’Isengard puis en 2012, les cavaliers du Rohan et en 2013 le Gouffre de Helm me semblent plutôt explicites quant à leur contenu. Enfin, en 2017, le tant attendu Mordor vient plus ou moins conclure le périple de la Communauté de l’Anneau. S’il y a un tel écart entre l’extension du Gouffre de Helm et celle du Mordor c’est parce que de nombreuses mises à jour sont sorties à cette époque pour là encore étendre petit à petit la carte et la quête principale sans sortir un énorme contenu directement. La zone du Gondor arrivera par exemple grâce à celles-ci. La map se sera donc agrandie jusqu’à la région du Mordor en 10 ans, ce qui conclura par la même occasion l’histoire du Seigneur des Anneaux. Par la suite, jusqu’à aujourd’hui le jeu continue d’amener de nouvelles zones, toujours évidemment tirées des écrits de Tolkien mais nettement moins importantes que le Rohan ou le Gondor à mes yeux. Pour celleux qui y ont joué à ses débuts ou comme moi dans les environs de 2010, ça paraissait comme pour les personnages de l’univers, inatteignable. C’est d’autant plus le cas que l’aventure a changé de studio de développement en cours de vie. En réalité, c’est bien l’équipe qui s’occupait de LOTRO chez Turbine qui est devenue un studio à part : Standing Stone Games. Ils gèrent également le MMO Dungeons & Dragons Online.
Concernant le gameplay, LOTRO est un MMO relativement old-school. Des titres comme FFXIV ont largement assoupli la formule donc revenir sur un jeu de 2007, ça peut rebuter. Quasiment pas de doublage, pas de cinématique, que du texte, même pour la quête principale, de très grandes maps complètement ouvertes, sans temps de chargement, et surtout la nécessité de faire beaucoup de quêtes annexes pour le leveling (ce qui n’est plus du tout le cas pour FFXIV). Rassurez-vous, en 17 ans, LOTRO comme WoW a aussi largement été simplifié. On débloque les instances sans avoir besoin d’aller physiquement devant les donjons, on acquiert également nos compétences automatiquement, et bien sûr le leveling est aussi plus rapide qu’avant, même si ce fait est à nuancer puisqu’avec toutes les extensions, le niveau maximum est de 140, ce qui prend tout de même une demi-vie à atteindre. Mécaniquement si l’on se penche uniquement sur la partie « prise de niveaux » il n’y a pas grand-chose à dire. C’est vite de la routine. On prend les quêtes à notre niveau dans une région, on les accomplit à peu près toutes dans le même coin, puis on va les rendre en même temps pour voir la barre d’expérience se remplir d’un coup. En suivant la quête principale, celle-ci nous emmènera directement dans des maps de notre level, et vu la quantité de quêtes annexes disponibles, autant se concentrer uniquement sur celles de notre rang plutôt que de tout prendre. C’est aussi sur ce point que le jeu est un peu moins laborieux qu’en 2010. Quant aux combats en eux-mêmes, c’est là aussi du très classique. Une sorte de système semi-dynamique typique des MMO-RPG où l’on choisit nos pouvoirs directement, sans pour autant ressentir le contrôle de notre personnage, exactement comme un WoW ou un Star Wars The Old Republic. Ceci dit, pour la plupart des classes (qui ont aussi été refondues au fil des années) on trouve un système de jauge de compétences. Certaines attaques la font augmenter et il est nécessaire d’en avoir pour en lancer d’autres plus puissantes. C’est tout bête, mais ça rend le jeu peut-être un peu moins lobotomisant que d’autres du même genre, simplement grâce au fait de devoir alterner entre ces deux types d’attaque.
LOTRO se distingue aussi sur sa communauté de joueurs passionnés et bienveillants. C’est un MMO qui a toujours aujourd’hui des serveurs roleplay pour s’immerger totalement dans la Terre du Milieu. Outre son leveling, son endgame et bien sur son artisanat, on sent que les joueurs historiques de LOTRO sont présents aussi pour prendre leur temps, profiter du monde, s’attarder sur les détails. Le fait de pouvoir jouer d’un instrument par exemple a donné lieu à de véritables concerts en jeu, dans des maisons de guilde transformées pour l’occasion en salle des fêtes. D’autres évènements sont organisés directement par les joueurs, comme des pièces de théâtre. La communauté reste un pilier du titre qui continue à le faire vivre, et pas juste d’un point de vue budgétaire. D’après une vidéo du Youtuber MarleMMO, certaines personnes témoignaient avoir passé des centaines d’heures dans le monde sans même être au niveau maximum, ni même avoir vu les mines de la Moria, simplement parce qu’ils préfèrent vivre leur quotidien dans la Comté. A l’inverse, LOTRO propose comme WoW Classic des serveurs rétro pour revivre l’expérience telle qu’elle fut conçue en 2007, ou encore un PNJ qui augmente la difficulté du monde et des affrontements. Là encore, le titre s’adapte en fonction des joueurs, ce qui est tout de même remarquable. A noter d’ailleurs que sur des serveurs normaux, on trouve régulièrement des quêtes à faire en communauté. Ce ne sont pas des donjons (qui existent évidemment aussi) mais bien des objectifs classiques à accomplir sur la carte face à des mobs bien plus résistants. Je trouve le principe plutôt cool et ça renforce l’idée de jouer avec des amis même en dehors des instances. Malheureusement, s’il existe encore plusieurs serveurs américains et européens, le seul véritablement français, Sirannon, est tristement déserté. Je ne comptais pas forcément profiter du titre avec des inconnus, mais le simple fait de ne croiser quasiment aucun autre joueur enlève énormément de vie à l’aventure.
Lord of the Rings Online est donc un MMO extrêmement classique qui a tout de même quelques arguments pour le distinguer de la masse, ce qui explique peut-être sa survie dans une ère où nombre d’entre eux ont fermé leurs portes. Voilà. Sympathique, mais rien d’exceptionnel.
Sauf que c’est le Seigneur des Anneaux.
Oui, parce que j’évite soigneusement le sujet depuis un moment maintenant, mais c’est bien le seul argument qui me pousse à retenter l’aventure depuis des années maintenant : la carte de la Terre du Milieu explorable totalement de la Comté au Mordor, en passant par la montagne d’Erebor ou la Forêt Noire, et ce sans aucun temps de chargement. Il aura fallu plusieurs années pour voir ce monde s’enrichir mais depuis 2017, on y est, et la simple existence de cette carte est un fantasme qui devient réalité. Le problème, c’est que ça demande un véritable investissement de la part du joueur. On n’entre pas si facilement au Mordor, figurez-vous. Rien que la Moria ne sera accessible en ayant atteint le niveau 50, et en ayant assez avancé dans la quête principale. Alors pour aller en Isengard, au Rohan, ou au Gondor, comptez des dizaines et des dizaines d’heures, ce qui n’est finalement pas si absurde compte tenu du matériau de base adapté. Le monde de la Terre du Milieu est grand, tout comme l’œuvre de Tolkien. Les personnages du Seigneur des Anneaux ne se téléportent pas de Fondcombe à Minas Tirith en un clin d’œil comme dans une mauvaise saison de Game of Thrones. C’est le voyage qui compte, l’épopée, et sur ce point LOTRO est non seulement fidèle mais le choix de son genre le MMO est extrêmement approprié. Mais à quoi est-il fidèle ? Eh bien, c’est intéressant, parce qu’à l’époque du développement et toujours aujourd’hui, Turbine puis Standing Stone Games n’ont le droit d’adapter que le Seigneur des Anneaux (et le Hobbit il me semble), mais pas les autres récits de Tolkien, comme le Silmarillion. L’aventure ne se prive cependant pas d’y faire des clins d’œil ou même d’évoquer ces autres œuvres, mais sans les transposer directement en jeu. De même, depuis 2017, l’aventure prend des libertés dans sa quête principale pour amener de nouvelles régions tirée de l’univers mais sans pour autant prendre un récit précis de Tolkien. C’est donc une restriction assez peu contraignante à mes yeux.
Non seulement, le studio a la liberté d’adapter l’œuvre la plus populaire de l’auteur, mais en plus, ils peuvent broder autour. C’est d’autant plus intéressant que dans le paysage vidéoludique des adaptations du Seigneur des Anneaux, LOTRO fait figure d’exceptions puisqu’il ne reprend pas l’esthétique des films de Peter Jackson du début des années 2000. Bien plus naïve, et moins guerrière. Bien sûr, impossible de ne pas y voir certains éléments en communs, comme la représentation de l’œil de Sauron ou carrément la Cité de Minas Tirith, mais ce sont moins des emprunts aux films de Jackson que des inspirations des divers illustrateurs, comme Alan Lee ou John Howe, qui ont auparavant tenté d’imaginer le monde de Tolkien. Ainsi donc, LOTRO se veut bien plus proche des romans et il les adapte avec un soin qui force le respect. Le moindre personnage ou lieu mentionné est présent dans l’aventure. Les clins d’œil sont nombreux mais plus posés par passion et par respect de l’œuvre que par fan-service. Au détour d’un bois, complètement par hasard, par exemple, je suis tombé sur les trolls pétrifiés de l’aventure de Bilbo, sans qu’aucune quête ne me demande de passer par là, ni même que ce soit explicitement noté sur la map. Et j’ai trouvé ça franchement émouvant. C’est un exemple évident, mais il y en a de plus subtils. Dans l’ensemble, ça illustre la volonté de matérialiser le plus fidèlement possible la Terre du Milieu. Les fans du roman seront à ce titre heureux de croiser un vrai Soucolline, ainsi que l’étonnant Tom Bombadil. Cette map gigantesque, ce souhait de prendre son temps et cette attention aux détails font de LOTRO le jeu ultime du Seigneur des Anneaux, n’en déplaise aux réfractaires des MMO. Il faut dire que c’est un peu aussi par défaut. Si l’on compare à une licence comme Star Wars qui en plus d’être prolifique a eu droit à de sacrés bons jeux, le Seigneur des Anneaux fait pâle figure. La plupart des jeux sont tirés des films, eux-mêmes des adaptations après tout, et étaient plus des jeux à licence fais pour surfer sur leur popularité or cela fait plusieurs années que cette source se tarit, malgré des tentatives désespérées voulant maintenant jouer sur la nostalgie (coucou la Guerre des Rohirrim). Oh pardon, c’est vrai qu’on a aussi eu la série les Anneaux de Pouvoir, mais de ce côté il s’agit aussi de reprendre toute l’esthétique des films sans en avoir les droits ni même les droits d’adapter l’œuvre du Seigneur des Anneaux. Ces récentes tentatives ne font que mettre en valeur le parti pris de LOTRO, seule œuvre à réellement se distinguer depuis la trilogie cinématographique.
Au final, après Lord of the Rings Online, comment reprendre le cours de son ancienne vie, comment continuer, lorsque dans son cœur on commence à comprendre qu’on ne peut plus retourner en arrière. Eh bien déjà, en arrêtant d’être aussi dramatique. Ensuite en vous avouant, comme à mon habitude désormais, que je vous parle d’un jeu dont je n’ai fait que gratter la surface tant il est dense. Je ne suis que niveau 60. Je sors tout juste de la Moria, et je ne suis pas près de voir la Cité Blanche. Je ne me suis pas égaré dans la Forêt Noire, ni découvert les trésors de la Montagne d’Erebor. Mais je vais le faire. Je vais porter mon anneau sans pouvoir au Mordor. Parce que LOTRO le propose, avec, certes, des graphismes de MMO de 2007 et une progression pas toujours exaltante, mais c’est le prix à payer pour redécouvrir de façon interactive l’univers de Tolkien. Il y a du bon en ce jeu, et il faut se battre pour cela. Du haut de mon niveau 60, j’ai encore énormément de choses à découvrir mais je peux vous affirmer ceci : ma maison est derrière, le monde est devant.