Final Fantasy XVI
6.6
Final Fantasy XVI

Jeu de Square Enix (2023PlayStation 5)

Il est temps de vider mon sac. Je n’ai pas aimé Final Fantasy XVI. Le jeu fait et continuera à faire couler de l’encre c’est certain. Pourtant je me vois mal me ranger du côté de cette phrase qu’on entend un peu partout « c’est un bon jeu mais un mauvais Final Fantasy », à peine quelques semaines après l’avoir entendu également sur Zelda Tears of the Kingdom (qui est effectivement, un mauvais Final Fantasy). Penser et dire cela, à mon sens, est une absurdité. Déjà parce que ça relève d’un véritable manque d’ouverture d’esprit, refusant qu’une saga, quelle qu’elle soit puisse évoluer. D’autre part, parce que Final Fantasy est une série de jeux qui a, tout au long de son histoire, constamment changée. Alors, certes on retrouve certains éléments d’un épisode à l’autre : des chocobos, le personnage de Cid, des cristaux, et des Primordiaux, mais en termes de gameplay depuis au moins le 7 chaque épisode est différent. Et je ne parle même pas des spins off qui ont déjà basculé du côté de l’action depuis un bon moment sans que personne ne soit venu se plaindre. Non, Final Fantasy XVI n’est pas un mauvais Final Fantasy sous prétexte qu’il est devenu un jeu d’action. C’est juste un mauvais jeu, point.

Pour une version illustrée et mieux mise en page, c'est par ici.

Woah Max, vas-y mollo, voyons ! N’y a-t-il rien à sauver de ce titre ? Bien évidemment que si. J’avais même placé pas mal d’espoirs quand j’ai appris que c’était Naoki Yoshida qui supervisait le jeu, le sauveur de FFXIV qui a manifestement su donner immédiatement une direction claire pour FFXVI. Un soulagement, après le développement chaotique du précédent épisode canonique (que j’aime énormément malgré son aspect un peu cassé). Les premières images donnaient le ton : ce Final Fantasy serait plus sombre, plus dark fantasy, plus sanglant et infiniment plus action que ses prédécesseurs. On aurait droit à des combats dynamiques inspirés de « character action » tels que Devil May Cry, mais aussi des affrontements de boss titanesques entre les primordiaux. Pour cela Square Enix est allé chercher des développeurs venant de tous horizons. Il y a des membres venant de Platinum Games, de Capcom pour Devil May Cry et Dragon’s Dogma, accompagné à la musique par Masayoshi Soken, le compositeur de 250 musiques formidables de FFXIV… Une dream team pour mettre l’accent sur des combats jouissifs et mémorables. Un système plutôt réussi dont découlera quasiment tout ce qui ne va pas avec l’aventure.

On est face à du beat’em all. Si les compétences de base sont très limitées (attaque au corps à corps, à distance et esquives), il y a tout de même la possibilité d’agrandir un peu ce panel avec des combos très simples. Rien de très marquant pour autant et les premières heures ne sont pas les plus plaisantes. Cela change avec le déblocage des pouvoirs des Primordiaux, cependant. En effet, tout au long de l’aventure, Clive, le seul et unique personnage principal jouable, pourra acquérir des compétences des différentes invocations qu’il croisera. De base, on a ceux de Phénix, et par la suite, on obtiendra ceux de Garuda, Ramuh, etc. Cela donne des compétences plus puissantes, plus spectaculaires aussi, qui feront soit des dégâts de zones soit focalisés sur un ennemi. Sachant que les boss et les mini-boss ont aussi une jauge, disons, de choc à briser pour le mettre à terre, il faudra utiliser ses pouvoirs à bon escient selon si l’on souhaite optimiser le fait de le mettre rapidement au sol ou l’attaquer un maximum quand il l’est. Ce système est sympathique. Relativement anecdotique face aux petits adversaires, il prend son sens face aux mini-boss et boss et peut se révéler très satisfaisant quand on combine efficacement ses pouvoirs pour en finir rapidement. Globalement le feeling est très bon, et la prise en main très simple. Le titre ne demande aucune réelle précision sur les combos, mais requiert quand même des réflexes pour l’esquive parfaite. D’ailleurs, les compétences se rechargent uniquement avec des cooldown ce qui ne me parait pas être le système le plus intelligent pour du character action. De plus, on ne peut équiper que 6 attaques de primordiaux et 3 compétences spéciales qui leur sont liés (un dash, un grappin, un bouclier,…). Pendant les 12 premières heures, alors que Clive n’a que 2 ou 4 compétences de Primordiaux à disposition, on n’a donc pas encore l’impression d’en profiter au maximum. Par la suite, quand on aura nos 6 cependant, on finira par toujours jouer de la même façon, activer les compétences dans un même ordre efficace, et ne jamais changer. Cela peut donc devenir redondant sur le long terme. Et Final Fantasy XVI, loin d’assumer son statut de jeu d’action, hérite d’une durée de vie de J-RPG de 35 à 40h minimum.

C’est le plus gros problème du titre : sa durée de vie mis face à son contenu de jeu. Final Fantasy XVI a un rythme catastrophique et sa structure répétitive est aliénante. Il ne propose manette en main, rien d’autre que ses combats. Seulement, ça a beau être un jeu d’action, il s’embarrasse donc d’une durée de vie trop longue et d’un héritage J-RPG qui n’a rien à faire là. On se retrouve face à des quêtes annexes inintéressantes et dont la mise en scène ferait passer Bethesda pour Kubrick ; ou un forgeron inutile qu’on retourne voir entre chaque acte pour acheter ou crafter la seule nouvelle meilleure épée disponible. C’est un jeu linéaire au fond, donc sa progression est aussi linéaire, ce qui ne se marie absolument pas à une structure de J-RPG qu’il refuse pourtant de laisser tomber. On avait pourtant vu un Tales of Arise s’en sortir assez brillamment il y a un peu plus d’un an avec un modèle assez similaire.

La structure redondante de FFXVI passées les dix premières heures est flagrante : on va parler aux pnjs dans notre base (dans laquelle il est laborieux de naviguer) pour prendre les quêtes annexes. On se téléporte par-ci par là pour les effectuer (car non ce n’est pas un monde ouvert et le tp est obligatoire, quitte à ce qu’il ne soit pas cohérent avec les évènements racontés). Puis on retourne à la base faire la quête principale. Quête principale qui n’hésitera pas à nous faire occasionnellement perdre notre temps avec du fedex sans mise en scène, ni intérêt (la quête de Mid). Enfin, l’histoire progressera un peu quand celle-ci nous enverra dans une nouvelle région mais STOP, pas trop vite malheureux, il va encore falloir faire une quête anecdotique pour avancer et tiens au passage débloquer quelques quêtes annexes dans le coin. Aux termes de celle-ci, enfin vous aurez accès au niveau de combat de la zone. Des sections de jeu très linéaires dans lesquelles on ne pourra pas revenir, avec des combats soutenus, et un bon enchainement entre mini-boss jusqu’à, en général, atteindre le boss qui offrira à la fois un combat exigeant et une mise en scène jouissive. Seules ces zones de combats se concluant sur un boss sont plaisantes, dynamiques, et je pense sincèrement que Final Fantasy XVI n’aurait dû être que cette succession de niveau, comme les beat’em all dont il s’inspire mais qu’il n’assume jamais. Au lieu de ça, vous pouvez reprendre cette structure et la répéter 4 ou 5 fois et vous comprendrez son côté aliénant. Quand on déplace Clive, Final Fantasy XVI n’est prenant que, allez, un tiers du temps.

Je dis bien « quand on déplace Clive » parce qu’à côté de ces moments de non gameplay Final Fantasy XVI propose des cutscenes. Beaucoup de cutscenes. 17h de cutscenes pour être exact. Est-ce beaucoup trop ? Oui, surtout pour ce que raconte le titre au final. L’aventure a beau faire semblant de faire un titre bien plus sanglant, sans concession au début, qui lui donne honnêtement plus des airs de Game of Thrones du pauvre qu’un écho vraiment mature, elle finira de toute façon par retomber dans quelque chose de très traditionnel pour du J-RPG. Tuer des Dieux, échapper à notre destin, la routine, sans aucun second degré ou petit quelque chose en plus qui pourrait rendre cette histoire plus attachante. L’écriture Japonaise employée ici ne se mariait pas à la dark fantasy voulue donc ce changement de direction n’est pas forcément plus mal mais ça engendre deux énormes points noirs. Le premier c’est que pendant les 12 premières heures, l’histoire ne sait pas quoi raconter. Clive est en quête de vengeance pour trouver l’assassin de son frère dont l’identité est devinée par tout le monde sauf lui-même. La véritable quête ne commencera qu’après une dizaine d’heures et semble balancée comme un cheveu sur la soupe. Ce n’est pas fondamentalement grave mais pour un titre qui passe tant de temps à poser son contexte politique, son univers, ses protagonistes, ça reste dommage, mais ceci illustre bien le plus gros souci de l’écriture. Ce contexte auquel on revient constamment, ces guerres de territoires entre les différents royaumes, on s’en fout royalement. Ou plutôt je m’en fous royalement. J’imagine que certains auront apprécié, mais quand bien même on le trouverait intéressant (ce qui n’est pas mon cas), il ne passera jamais au premier plan. La quête de Clive ne le fait jamais intervenir clairement dans les différents conflits. Difficile de s’intéresser à des tas de protagonistes uniquement montrés en cinématiques quand on ne les croise quasiment jamais dans l’aventure.

Pourtant, il y a des éléments qui me plaisent dans cet univers. Le traitement des pourvoyeurs en tant qu’esclave pour leurs facultés à utiliser la magie est une idée intéressante. De même les émissaires capables de se transformer en Primordiaux et traités différemment selon leur pays donnent plus d’épaisseurs à ces invocations généralement classiques, d’autant plus quand leur utilisation devient une métaphore de la bombe atomique.

Globalement, je dirais pourtant que l’écriture dans son ensemble manque sacrément de personnalité. Si je dois retenir les personnages marquants, je citerais Clive, Cid (notamment grâce à son doubleur Anglais) et Joshua. Aucun autre n’est marquant et c’est flagrant avec celui de Jill. Amie d’enfance de Clive et potentielle romance, elle l’accompagne pendant facilement les deux tiers de l’aventure sans qu’elle ne devienne jamais intéressante. Son personnage est plat, lisse, comme son design et le scénario a beau forcer une relation amoureuse, ils n’ont aucune alchimie. En termes de narration, le titre ne sait d’ailleurs raconter son histoire qu’à travers les cinématiques, et c’est franchement dommage. On passe un certain temps à traverser des zones d’un point A à un point B, et les rares dialogues qu’auront nos personnages entre eux serviront uniquement d’exposition. Ils ne discutent jamais réellement. Il n’y a aucune subtilité dans l’écriture des protagonistes et ils ne brillent pas non plus par leur charisme. Semblant tous sortir de l’éditeur de personnage de Dragon’s Dogma, ils ne véhiculent aucune émotion.

Ce qui m’amène à un autre problème : visuellement Final Fantasy XVI est d’une tristesse infinie. C’est bien beau de vouloir faire de la dark fantasy inspirée du moyen âge, mais en conséquence la majorité des environnements que l’on traverse est terne et triste : des forêts en veux-tu en-voilà, et des châteaux forts. Techniquement, le titre est pourtant tout à fait convaincant pour un jeu de 2023 et il y a bien un ou deux paysages qui sortent du lot, heureusement, mais dans l’ensemble, on ne sort pas émerveillé par Valisthéa. A l’opposé total d’un jeu de Testsuya Nomura, Final Fantasy XVI se veut sobre, tant dans son character design que dans ses décors. Cette sobriété se transforme en ennui visuel, ce qui m’agace d’autant plus que Final Fantasy XIV A Realm Reborn ne cesse jamais de briller et de se renouveler.

Fondamentalement, la seule qualité qu’on puisse réellement donner à FF16 en comparaison avec son prédécesseur, c’est que c’est un jeu terminé, complet. Je ne peux pourtant pas m’empêcher de préférer l’ambition chaotique du XV qui en a fait une œuvre handicapée que celle du XVI sage, classique et somnolente. Vous verrez partout fleurir les avis enjoués sur les affrontements contre les Primordiaux dans ce titre. Il est vrai que c’est ce qu’on retient le plus : des séquences épiques et décomplexées à l’opposé total de ce qu’est le reste de l’aventure. Elles sont chouettes, mais elles ne représentent rien. Une fraction de ce qu’est FFXVI dans sa totalité. Un Asura’s Wrath noyé dans un océan de quêtes fedex dignes d’un MMO.

C’est dans ces moments que Final Fantasy XVI brille le plus, qu’il s’amuse, et qu’il nous amuse, qu’il fait des folies visuelles et laisse le compositeur Soken se lâcher totalement pour un résultat souvent jouissif. Je sais bien que le titre ne peut pas être constamment au top, ne faire qu’une succession de ces affrontements (même si c’était la proposition d’Asura’s Wrath justement). Mais il y a faire retomber la pression et il y a FFXVI, qui choisit de ne rien proposer pendant des segments de 5 à 6 heures. Un an après Stranger of Paradise, il ne fait que glorifier ce dernier, bien plus décomplexé et riche dans son gameplay tout en mettant en scène un héros qui mettait fin à tous les dialogues superflus. Je n’aurais jamais cru dire cela mais on aurait bien besoin d’un Jack Garland ici.

Final Fantasy XVI n’est pas un monde ouvert, mais il n’assume pas d’être une succession de niveaux linéaires au rythme soutenu. Au lieu de ça il nous permet de traverser des zones un peu ouvertes, très ennuyantes dans lesquelles il ne sait que nous proposer de nous faire accomplir des quêtes annexes mal écrites et ennuyantes.

Final Fantasy XVI n’est pas un J-RPG, mais il n’assume pas d’être un jeu d’action. Avec son arbre de compétences qui se débloque trop lentement et son héritage RPG qui passe par le gain de niveau et un équipement anecdotique, on se retrouve juste face à un titre qui a constamment le cul entre deux chaises.

Final Fantasy XVI n’est pas Game of Thrones. Son contexte politique ne semble jamais se rattacher à la quête principale qui souffre de l’absence de personnages charismatiques et peine à passionner alors qu’elle ne cesse jamais de causer pour tout, mais surtout pour rien.

Final Fantasy XVI n’est pas un mauvais Final Fantasy, c’est tout simplement un mauvais jeu. Autosaboté par son rythme, pas assez profond, manquant d’émotion, c’est un titre sans âme.

TruffeMax
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le 12 oct. 2023

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