L'histoire que je m'apprête à vous raconter prend place à une époque oubliée. Il existait alors une montagne peu commune de par son gigantisme. Personne ne pouvait entrevoir son sommet, car même par temps clair, une épaisse chape nuageuse le recouvrait. Personne n'avait jamais pu escalader ne serait-ce que la moitié de ce pic, tant le mont Grimrock était abrupt et hostile.
Grimrock était le point le plus haut d'un petit royaume prospère, gouverné par un vénérable souverain. On raconte qu'il était d'une grande clémence et qu'il rechignait à prononcer la mort d'un de ses sujets, même du plus abject des criminels. Plutôt que de recourir à cette extrémité, il préférait bannir les hommes et les femmes qui avaient commis les crimes les plus impardonnables. Ils étaient alors emmenés de force au sommet du Mont Grimrock, par la voie des airs, puis jeté dans les abîmes d'une montagne que l'on disait hanté.
Personne n'a jamais su ce qui attendait ceux qui avaient le malheur d'être exilé en ce lieu. Jusqu'au jour où un groupe réussi à sortir, et raconter l'horreur qu'ils avaient traversé ...
Qu'ont-ils pu vivre de si effrayant ? C'est à vous de l'écrire.
Legend of Grimrock est un jeu en forme d'hommage à un genre oublié, les dungeons crawlers. Autrefois très populaire et représenté par une poignée de séries cultes (Dungeon Master, Lands of Lore, Ultima Underworld), ce style de jeu est rapidement tombé en désuétude au milieu des années 90.
Les dungeons crawlers ont causé d'innombrables nuits blanches à une génération entière de joueurs, bien avant l'apparition des MMO. Mais qu'est ce qui rendait ces jeux si addictifs ?
Le principe était globalement toujours le même : une équipe d'aventurier, des niveaux tortueux blindé de pièges et de monstres, des énigmes retors, et beaucoup de murs.
Legend of Grimrock reprend trait pour trait la même recette. Après avoir crée sa petite équipe (choix de la classe, des traits, des premiers skills et surtout du portrait), on se retrouve à arpenter des tunnels lugubres à la lumière d'une torche. Jusqu'au moment où une porte fermée vient bloquer le passage. Comment l'ouvrir ? Non il y'a pas de poignée (enfin pas toujours). Comme dans tout bon dungeon crawler qui se respecte, la réponse à cette question fait intervenir la résolution d'une énigme. Variées, inventives et même parfois difficiles, elles jalonnent les différents niveaux à intervalle régulier. Le jeu n'est pourtant jamais frustrant, car en cherchant bien il y aura toujours un indice quelque part. Un parchemin, une inscription sur un mur, un pilier un peu suspect ... de façon général, un bon sens de l'observation est primordial. Les murs des tunnels de Grimrock sont en effet bourrés de petits détails et de boutons qui révéleront la plupart du temps une porte cachée ou un téléporteur menant vers d'incroyables trésors, de l'équipement et bien d'autres choses utiles pour la suite.
Les explorateurs les plus attentifs seront ainsi largement avantagés, parce que, malheureusement, ces souterrains ne sont pas uniquement peuplés de portes inoffensives et d'énigmes gentillettes. Les combats sont effectivement monnaie courante, et il faudra se tracer un chemin non seulement par la vivacité de notre esprit mais aussi à la pointe de l'épée. Plutôt réussi, à la fois vif et dynamique, avec une petite pincée de tactique dû à la disposition particulière de l'équipe et au mode de déplacement par case. Ce qu'on aura l'occasion de découper au début n'est pas bien original : des escargots géants, des araignées géantes, des crabes géants, pleins de trucs géants plus ou moins dangereux. Le bestiaire est heureusement un peu plus varié qu'une déclinaison démesurée d'animaux communs, même si selon les niveaux on rencontre plus souvent tel ou tel type de créatures.
Crapahuter de longues heures durant dans des tunnels hostiles, en autarcie complète qui plus est (pas de marchands, de villes, ou n'importe quoi d'accueillant d'ailleurs), ça s'accompagne forcément d'un peu de gestion, et je ne parle pas uniquement de l'aspect rolesque du bousin (montée de niveau, points de skills, etc ...). Il va falloir gérer la faim de nos persos (et un minotaure ça engouffre) sous peine de malus, l'énergie de chacun (et un mage ça consomme), les flèches (parce qu'un rogue ... désolé), etc ... L'inventaire est heureusement très ergonomique, sans fioriture, avec une limite de poids qui dépend de la force de chacun. Il y a également un système d'alchimie qui fait la part belle à l'expérimentation, et un système de magie un peu particulier : old school oblige, pas de raccourcis vers des sorts prêt à lancer y'a plus qu'à cliquer. Via un panel de runes, les mages devront composer leurs sorts en temps réel, pendant le combat. L'exercice nécessite un peu d'entrainement et une bonne mémoire des différents sorts (la combinaison de runes donnant naissance à une boule de feu par exemple n'est pas mémorisé) sans que cela représente une véritable difficulté. Et là encore, il est possible d'expérimenter pour découvrir de nouveaux sorts, les plus communs figurant sur des parchemins trouvés ça et là.
Techniquement, le jeu est plutôt joli. Les effets de lumières sont excellents notamment, tout comme les effets des sorts et certains monstres. Je dis bien certains, car d'autres sont assez moches, avec un effet plastique désagréable. Les textures sont propres et détaillés, y compris les murs (même si les décors, au nombre incroyable de 3, finissent par se répéter). La partie sonore rempli son office avec brio. En réalité, il n'y a tout simplement pas de musique (enfin il y'en a 2, le thème principal et celui des crédits) mais l'environnement sonore, que ce soit les bruitages, des cris lointains, le crépitement des torches, le vent qui s'engouffre par on ne sait où et les crissements de patte de ces putains d'araignées, fait que, vraiment, on s'y croit. Avec un bon casque, on prend vite la mesure du travail effectué sur l'ambiance sonore, à couper le souffle.
A propos de l'ambiance d'ailleurs. C'est sûrement le point le plus réussi du jeu. Étouffante au point de rendre claustrophobe, ce serait un euphémisme de dire qu'elle est réussi. Que ce soit les jeux d'ombres et de lumière ou l'environnement sonore, tout a été fait pour que le joueur s'immerge et finisse par vivre l'aventure au côté de son équipe.
Legend of Grimrock est un savant mélange de ce qui faisait la gloire des dungeons crawlers d'antan. Le rythme est maîtrisé, alternance d'énigme, de combat et d'exploration, il y a des loots, des passages secrets, des trésors en pagaille, une ambiance prenante et cerise sur le gâteau, une technique solide. La petite équipe derrière Grimrock a su créer un jeu à part entière, qui ravira probablement les nostalgiques mais plus encore les novices, ce qui est un tour de force. C'est à peine si on peut lui reprocher un certain manque d'originalité par rapport aux ténors du genre, une relative répétitivité, et une durée de vie assez faiblarde ... bien peu de choses face aux formidables qualités du titre.
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