Life is strange est un jeu rare. Une exception vidéoludique. A contre courant des productions actuelles. Life is strange est une œuvre fragile et nécessaire, de celles qui bouleversent et laissent leur empreinte. Une expérience unique qui s’adresse aux gamers comme aux casuals, une émouvante traversée du temps sur laquelle s’épanouissent les émotions les plus pures. Parcourue par des thèmes forts et des personnages profondément humains, Life is strange fascine et s’invite même dans notre quotidien tant son emprise nous submerge.


Pourtant, LIS est loin de tout reproche. Sa réalisation technique est très inégale, les animations sont pour la plupart rigides ainsi que les expressions faciales plutôt sommaires. Le gameplay se contente de reproduire celui instauré par Telltale et ses Walking dead, faisant l’économie des QTE et autres triturages frénétiques du pad. Nos actions se résument à diriger Maxine Caulfield, jeune étudiante à la fac de Blackwell dans la ville d’Arcadia Bay, Oregon. Le principal ajout dont bénéficie le jeu est la faculté qu’à Max de remonter le temps. Simple gadget lors du premier épisode, on découvre par la suite qu’il constitue l’ossature du jeu et que l’intrigue entière repose dessus. Véritable outil narratif aux multiples facettes, l’utilisation du pouvoir amuse, excite, envoûte et terrifie. Simplement utilisé pour éviter qu’une camarade ne tombe dans la piscine, pour évaluer l’impact de réponses différentes lors d’une conversation ou, au contraire, dans l’urgence, pour parer à la mort d’une amie. Remonter le temps devient un réflexe naturel pour modeler l’avenir à notre envie.


Life is strange captive. Rarement un jeu aura fait fleurir les émotions avec tant d’intensité. Au contraire de la quasi totalité des jeux où le joueur s’identifie au personnage joué, LIS va plus loin et laisse le joueur s’incarner dans cette frêle étudiante timide qu’est Max. C’est cette incarnation, ce sentiment de fusion avec Max qui donne le frisson. On se laisse transporter avec délice par sa vulnérabilité, on partage son quotidien et les soucis qui la monopolisent. Par la suite, c’est la rencontre avec Chloé qui va cristalliser toutes les attentions et devenir le leitmotiv principal de l’aventure. Car c’est bien la relation entre les deux filles qui et au centre du jeu et qui procure les émotions les plus fortes. Le personnage de Chloé est envoûtant. Tragique, écorchée, excessive, elle hypnotise car son apparente détermination n’est qu’un artifice. L’investissement des acteurs de doublage donne vie à ces personnages qui existent au-delà de l’écran et entrent en résonance avec nos propres expériences. Il est évident que beaucoup de joueurs ne seront pas réceptifs aux considérations de ce duo et qu’ils passeront à côté du jeu. Je les plains, car sans cette implication émotionnelle l’expérience perd une grande partie de son intérêt.


Life is strange parle d’abandon, de responsabilité et de deuil, trois thèmes extrêmement présents. Si le déroulement et les dialogues peuvent paraître parfois simplistes, il n’en est rien car LIS cache bien sa complexité et sa profondeur. C’est dans l’exploration de chaque recoin, dans la lecture de chaque affiche et dans le dialogue et l’échange avec les autres protagonistes que le jeu dévoile toutes ses saveurs. On se rend compte seulement alors de la complexité de la trame et des liens qui unissent tous les habitants. Chaque détail compte et apporte un éclairage nouveau sur un personnage, un événement ou un lieu. Max nous apporte toujours son point de vue et l’on reste suspendu au fil de ses pensées.


Si l’aspect technique est en retrait, il faut par contre louer la superbe mise en scène. Les plans sont travaillés pour accentuer le propos exposé et la sublime bande son achève les dernières défenses raisonnables, les émotions affluent. Difficile de contenir les frissons et les larmes tant certaines séquences sont bouleversantes. Le character design est inspiré, les personnages respirent la cohérence et à part quelques figurants laissés à l’abandon , il est difficile de détecter des clones ou des Sans Textures Fixes.


Pour certains, LIS est un bête jeu d’aventure mièvre et sans gameplay. Pour d’autres, une expérience unique qui s’impose comme un nouveau parangon en terme d’immersion et d’émotion. L’inconvénient quand vous faites partie de cette deuxième catégorie c’est que les prochains jeux vont vous sembler bien fades. Life is strange est un jeu dont je me souviendrai longtemps et sur lequel je reviendrai sûrement.

Créée

le 12 nov. 2015

Critique lue 1.4K fois

37 j'aime

8 commentaires

Alyson Jensen

Écrit par

Critique lue 1.4K fois

37
8

D'autres avis sur Life is Strange

Life is Strange
Leon9000
9

La Vie est belle

Life Is Strange pourrait être défini de bien des manières mais ce que ma mémoire de joueur retiendra c’est qu’il s’agit du premier jeu vidéo m’ayant donné le sentiment d’être humain. Jamais une...

le 3 févr. 2015

96 j'aime

7

Life is Strange
GagReathle
8

The Walking Dead

A la fin de mon parcours de Life is Strange, si le jeu m'avait laissé une impression positive, celle-ci était malgré tout nuancée par rapport aux divers avis dithyrambiques que j'avais pu retrouver...

le 22 août 2016

65 j'aime

16

Du même critique

La Horde du contrevent
Alyson_Jensen
9

Le 24ème hordier

# Ajen, lectrice Jusqu'au bout. Je n'ai guère de souvenirs de ma rencontre avec la 34ème horde. Tout était dévasté. Ou en passe de l'être. Oroshi m'expliqua par la suite que nous avions survécu au...

le 16 mai 2017

110 j'aime

13

Everest
Alyson_Jensen
4

Les sous-doués passent l’Everest

Everest, le dernier film de Baltasar Kormakur, nous propose une adaptation du récit de John Krakaueur, Tragédie à l’Everest. Basé sur la catastrophique expédition de 1996 qui coûta la vie à 8...

le 14 janv. 2016

73 j'aime

10

What Remains of Edith Finch
Alyson_Jensen
8

La mort vous va si bien

What remains of Edith Finch se présente comme un simulateur de marche comme il en pleut ces dernières années sur nos machines de bourgeois. Développé par le studio Giant Sparrow, déjà à l’œuvre sur...

le 8 juin 2017

60 j'aime

3