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Life is Strange
7.6
Life is Strange

Jeu de Don't Nod Entertainment et Square Enix (2015Xbox 360)

J'ai un problème avec les jeux vidéos.


Comme pour le cinéma, les séries ou même tout les médiums culturels en fait j'ai envie de ressentir des choses. Loin de moi l'idée de me pavaner d'avoir vu, jouer, écouté ou lu quantité d’œuvres mais juste une lassitude qui se forge à force de voir toujours la même chose. De bonnes histoires mais qui ne vont pas plus loin. De très bons jeux, qui procurent le fameux "fun immédiat" mais qui ne m'interrogeront pas sur ma place sur cette foutue planète.


Je veux ressentir, penser et juste avoir les pieds qui décollent de ce train train quotidien. Ça ne changera pas le monde, ça ne me fera pas devenir un super héros mais depuis que j'ai compris que l'art en était capable, je suis devenu comme qui dirait accro. Je ne déteste pas les jeux purement récréatifs, au contraire ils sont indispensables eux aussi mais il y a tant d'émotions à découvrir qu'il sera dommage de s'arrêter là.


Alors débarque Life is Strange. Un pur produit hipster comme diront certains avec des filtres colorés, un million d'easter eggs et une bande son folk indie. Une fois admis que ces points peuvent effectivement en énervés certains comme ils ont su me charmer allons plus loin.
Avant d'être question de temps, il est ici question de photo, ce qui vous en conviendrez reviens au même.
La photographie depuis ses débuts n'a eu de cesse d'entretenir un lien des plus étroits avec le Temps. Les premières photos de mouvement ont effrayé la population, Raymond Barthes nous disait même qu'on était mort une première fois quand on était photographié. Et voilà maintenant qu'on capture des lignes de lumières, qu'on immortalise des munitions en plein vol et même qu'on imprime définitivement ce qu'il y a au delà des étoiles.


Et à notre échelle de simple humain, nous nous photographions, tout le temps, partout. Il n'est pas tant question d'égo que de survivance. L'oubli est peut-être la seule chose plus effrayante que la mort et il appartient à chacun de laisser sa trace pour les générations futures. A la manière d'un journal Facebook, on organise son passé, on le sublime et on ne garde que les meilleurs souvenirs. Ce besoin de rendre malléable le passé et la mémoire renvoie aussi à un besoin plus profond de pouvoir changer nos actes, effacer nos regrets et avoir la plus parfaite vie possible.


Bon nombre d’œuvres de science-fiction se sont attardées à nous prouver que l'effort est vain tant nos vies sont uniques de par leur impossibilité à être changées. Et Life is Strange mérite sa place dans le Hall of Fame de celles-ci.


En prenant le parti pris de la photo, les développeur de Dontnod, s’accommode déjà de facilités de développement (beaucoup moins de séquences à animées) mais peuvent surtout pleinement étendre leur propos. Max, l’héroïne entretient un lien presque morbide avec la photographie. Rendez-vous compte, même jusqu'au 5ème chapitre où pourtant les choses vont très mal, il sera encore possible de prendre des clichés. Un besoin de capturer l'instant présent dans toute sa beauté ou son horreur, une nécessité de stopper le temps quand, le remonter à l'envers ne sert plus à rien. La spécialité du selfie quand à elle fait directement appel au joueur. Oui, toi, derrière ta manette tu es le reflet de Max, ni plus ni moins. Une bonne alternative au procédé du personnage muet pour permettre au joueur d'incarner pleinement le personnage. On ne customise pas le look de Max mais en regardant au fond de ce miroir on fini par se retrouver soi-même. Le jeu nous précise bien d'emblée que le selfie mis à part le terme, n'a rien de nouveau et que ce rapport à soi a juste été sublimé par l'arrivée de la photographie. Avant, les gens pouvaient simplement tenir un journal de bord.


Car là aussi l'idée est ingénieuse. Si de prime abord, le cliché de la jeune ado qui a un journal intime peut agacer, force est de constater qu'il est déjà magnifiquement illustré. De plus, même si il a essentiellement une fonction de résumé des épisodes, il conserve surtout le ton si innocent et viscéral de cette pauvre fille de 18 ans qui n'avait rien demandé à tout le monde. Tout comme les SMS ou les photos, il saura évoluer au fil du temps et des évènements dans des utilisations toujours habiles.


Les petits français de Dontnod maîtrise donc parfaitement leur sujets. Pas seulement parce qu'ils ont un sacré corpus derrière (voir la liste d’œuvres qui nous est annoncé au début du jeu avec notamment Primer qui est le film le plus jusqu’au-boutiste sur les voyages temporels) mais parce qu'ils ont su utiliser toute les thématiques intelligemment.
Et s'il est toujours rageant de voir comment des oeuvres peuvent s'emmeler les pinceaux avec les voyages dans le temps (et Life is Strange n'est pas exempt de défauts à ce sujet), c'est en général dans leur approche artistique de la chose qu'on les attend. Si un film comme MIB 3 tente de se donner des airs pour au final brasser du vent et utiliser les voyages dans le temps comme un jouet d'enfant, des œuvres comme LiS vont jusqu'au bout du propos tout en étant servies par une direction artistique formidable.


Oui la playlist est foutrement hipster et j'en suis plus que ravi. Si on m'avait dis qu'un jeu réunirait Breton, Foals, Mogwai et José Gonzales je l'aurais acheté bien plus tôt. Ce n'est pas juste de la facilité pour attirer un public de niche. Au contraire le jeu se permet ce luxe de se teinter de certaines sonorités qui indiqueront tout de suite la volonté des auteurs de faire une œuvre cohérente, à part, et surtout belle. Les musiques trop rares à mon goût (ce qui les rend encore meilleures), sonnent toujours juste lors de leurs apparitions et les choix d'artistes ne peuvent être anodins. La bande son du jeu n'est pas à jeter non plus et tout cet assemblage contemplatif va à merveille à ce jeu qui prend son temps.


Car plus que de voyager dans le temps, il est question de se poser. C'est d'ailleurs une action qui reviens souvent dans le jeu et qui permet au joueur de poser la manette, d'observer les très beaux décors, les personnages qui vivent autour de lui, de laisser Max réfléchir, tout comme lui. Le jeu vidéo n'est pas simplement une question de skills, de scoring ou d'amusement. Comme tout autre art, il invite à s'interroger sur sa propre existence. Et dans un tel jeu où il va vous être demandé de faire des choix atroces, prendre son temps devient cruciales. Certains évènements s'enchainent à une vitesse folle et vous n'avez plus le temps d'y réfléchir sereinement. A part si.
A part si vous vous arrêtez, parlez aux PNJ, lisez les moindres petits tracts ou consultez votre journal intime.


L'univers de LiS fourmille de détails, de personnages et d'histoires en tout genre et l'appréhender uniquement via ce qu'il offre directement serait passé à côté du plus gros morceau. Fort de nombreuses références (La Horde du Contrevent cachée OKLM), easter eggs, secrets et autres, LiS laisse à chacun le choix de vivre sa propre expérience. Et voilà la plus grande force du jeu.


Si toute la partie artistique m'avait enchanté, le vrai coup de cœur s'est produit par rapport à l’expérience de jeu elle-même. Il y a bien le scénario inévitable mais il y a surtout les choix, un nombre faramineux de décisions à prendre qui ne vous feront pas perdre ou gagner le jeu mais qui vous feront vivre VOTRE jeu. Difficile alors de ne pas spoiler mais clairement, la somme de mes regrets est équivalente à l'amour que j'ai porté à ce jeu.
Rien de moins qu'une parabole de la vie, LiS vous accusera en permanance de ne pas avoir fait les bons choix. Il est impossible d'être aimé de tout le monde et surtout ll est impossible de sauver tout le monde. Quand bien même le pouvoir permet de changer certaines situations, ses limites offrent au scénario de sacrés retournements de situation. Là où certains y verront des cliffs prévisibles et un peu trop tapageurs, j'y ai vu une histoire qui ne me prend pas docilement par la main. Autant un Thriller qu'une bête drama d'ados, il est difficile de ne pas y voir des échos de sa propre vie. On se reconnait (ou l'on reconnait quelqu'un) dans ses personnages brisés, qui manquent d'espoir, qui en ont beaucoup trop, qui subissent les événements ou qui les provoquent.


Ainsi, à mon sens, Life is Strange ne doit se jouer qu'une fois. Il est trop tentant une fois qu'on connaît les tenants et aboutissants (et good lord, le jeu m'a bien mindé), de vouloir recommencer à zéro pour améliorer les choses. C'est trahir le propos du jeu qui est transmis lors du dernier épisode et c'est surtout gâcher le scénario.
Voilà le principal défaut que je pourrais adresser au jeu, nous laisser le choix de recommencer, ce qu'on fait pourtant constamment dans le jeu mais qui fait sens. J'aurais tant aimé voir un jeu à sens unique, qui annonce clairement que nos choix seront gravés à jamais.


L'autre petit point faible qui peut paraître tout bête est l'illustration des clichés. Le jeu a toujours le cul entre plusieurs chaises avec certaines photos bien illustrées, d'autres qui sont clairement de simples effets Photoshop sur de réelles photos et des illustrations de chapitres d'un tout autre niveau. Un parti pris total m'aurait plus convaincu quitte à mettre de réelles photographies pour assumer le propos. A ce titre je trouve que Firewatch s'en sortait beaucoup mieux (même si il bénéficiait d'une direction artistique facilité par l'absence de réels personnages visibles in-game).


Pour en arriver à chipoter sur de tels détails c'est qu'il fallait bien donc que le jeu soit irréprochable. Il sera toujours triste de voir ce jeu rangé dans le catalogue des "ce n'est pas du jeu vidéo" tant l’expérience est forte, dissimulé sous des faux airs de soap hipster. Life Is Strange est un jeu sur la photographie, le temps et sur vous avant tout.

Créée

le 19 mai 2016

Critique lue 322 fois

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Kaptain-Kharma

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