⚠️ Une maintenance est prévue ce Mercredi 4 décembre de 9h00 à 13h. Le site sera inacessible pendant cette période.

LISA
8.1
LISA

Jeu de Dingaling Productions (2014PC)

Lisa the painful rpg est un jeu de chevet pour moi. Découvert en 2016 dans des conditions de recherches de nouveautés sur les plateformes de vente de jeux indépendants, je n'ai pas tout de suite été conquis. Je sortais en effet d'undertale qui m'avait, pour mon jeune âge de 15 ans, boulversé sur tous ses aspects narratifs, et je ne voyais pas comment ce jeu, que certains qualifiaient de "Undertale dépressif", pourrait me conférer autant d'émotions que son dit comparé.


Ooooooh, comme j'ai été IDIOT.


Déjà il faut arrêter ce comparo sans intérêt, puisque Lisa the painful est sorti 1 an avant Undertale. Et que mise à part l'indépendance totale du produit et la torture mentale qu'il inflige au joueur à certains moments, les deux jeux n'ont franchement pas grand chose à voir. Déjà.
Ensuite, la force de Lisa tient sur bien plus d'aspects que son scénario, Lisa est un chef-d'oeuvre, une errance inattaquable décryptant un univers d'une richesse inouïe vu nul part ailleurs, une société qui ne possède plus une once d'humanité, de la violence à chaque étage, du sexe, de l'alcool, du sang, de la terre, partout, tout le temps...


Mais ça parle de quoi Lisa en fait? L'histoire nous place dans la peau de Bradley Armstrong, un ancien professeur de karaté qui se retrouve avec un bébé, une petite fille sous les bras, et va devoir s'en occuper pendant de longues années. Elle se fera malencontreusement kidnappée, et Brad pour les intimes, devra partir dans les confins de Olath pour aller la retrouver. Looks like a classic scénario de comédie à la Philippe Lacheau me direz vous. Ah, oui, j'ai oublié de préciser un point :


Cette petite fille est la SEULE femme qu'il reste dans le monde.


Des années auparavant, un flash blanc a fait disparaître l'intégralité des femmes du monde, réduisant les hommes à une extinction assurée. Buddy, du nom de la jeune fille, est donc la seule source de lumière restante pour l'humanité. Vous voyez le genre d'univers que ça donne un truc comme ça? Et ouais.
Des pervers, des hommes transformés en animaux assoiffés de sexe qui seraient prêts à tuer quiconque souhaiterait déflorer leur précieux en premier. Des hommes qui ont oublié le sens de l'existence, et qui voient en Buddy une récompense divine pour avoir patienté sans but pendant tant d'années. Seule la violence domine, seul le plaisir intime et la drogue font survivre, à un tel point que la monnaie principale d'Olath, sont des magazines pornographiques, et ces étranges pilule que l'on surnomme "joie". Un univers au croisement du dernier combat de Besson et Ken le survivant. Et si en plus je vous dis que Buddy n'a qu'à peine plus de 10 ans, vous devriez commencer à vous dire que évoluer dans un univers pareil, ça laissera des séquelles, mais quelles fantastiques séquelles.


Déjà révisons tous ensemble nos codes moraux bien instaurés depuis longtemps avec lesquels le jeu joue allègrement comme une peluche qu'on finit par vider de sa laine : qui est le plus éthique? Brad, qui désire empêcher à Buddy, l'enfant qu'il a protégée pendant des années et l'a élevée comme sa fille à l'abri du monde, un viol sauvage collectif? Ce serait condamner le monde, ce serait rudement égocentrique, et bien des personnages dans le jeu lui feront rappeler. Ou bien les derniers êtres masculins qui peuplent le monde, qui commettraient alors un acte effroyable, mais dans l'intérêt de la survie collective? Brad est-il finalement l'antagoniste de notre histoire? Brad est-il trop aveuglé par son passé douloureux, qui a vu son père battre et violer sa soeur devant ses yeux, jusqu'à ce qu'elle se suicide?


Oui, ce jeu ne vous veut PAS du bien.


Il va vous triturer, va réduire le personnage que vous incarnez à de la pure merde, tuer les personnages que vous aimez un par un, vous offrir des trahisons desquelles vous ne vous remettrez jamais.
Pourquoi jouer à ce jeu dans ce cas, me demanderez-vous? Je ne vois pas d'intérêt à jouer à un jeu qui me fait souffrir tout du long... Ce serait vous tromper, car ce jeu, ça n'est pas tout à fait ce que vous croyez. Car ce jeu, il peut aussi se montrer très drôle.


Oui oui, sans prendre en compte la diversité des chemins prenables aux nombreux carrefours du jeu, vous tomberez extrêmement souvent sur des situations, des personnages ou des dialogues qui possèdent un charme humoristique absolument parfait. Entre autre, un personnage qui raconte sa vie et insulte son ancienne femme dans une série de dialogues interminables, un groupe de power rangers minables dont l'un des membres casse le RP de par sa fainéantise, ou encore mon préféré : un conducteur de tractopelle raté qui a perdu sa femme à cause de ses compétences insuffisantes en drifting. Le jeu possède un côté absurde rafraîchissant dans TELLEMENT de ses éléments, jusqu'aux détails de gameplay, il se permet parfois des parenthèses de rire qui font du bien. Et le plus beau, c'est qu'il sait les doser. Ils ne sont pas omniprésents, ils sont toujours efficaces, arrivent toujours à point nommé, et offrent par conséquent un autre pan de l'univers du jeu, et agrandissent son lore affectif.


Vous l'aurez compris, si vous cherchez un jeu à l'univers riche et atypique, vous avez trouvé votre El Dorado. Le style 2D ne gaspille en rien le potentiel du jeu, bien au contraire : fait sous RPG maker, le jeu matérialise ses personnages d'une manière peu orthodoxe. Leur corps possède une morphologie et une mouvance attrayante et presque burlesque, avec comme cadeau des designs totalement délirants, où toute forme vivante semble mutilée, mais stupidement mutilée. Certains personnages qui d'ailleurs pourront parfois vous accompagner dans votre aventure, ce qui dévoilera en eux une véritable écriture bienvenue. Des moustaches, des coupes de cheveux improbables, des ventres ballotés, esthétiquement parlant, je jeu n'a rien à envier à personne. Dingaling a réussi à transposer aux habitants de son univers un style délavé et mollasson, qui les rend particulièrement remarquables.


Au niveau du gameplay, on fait avec les moyens du bord : de la plateforme 2D et des combats au tour par tour, mais qui ont chacun leur petite particularité. Déjà la mobilité dans le jeu est fidèle à la transposition que l'on veut donner à l'univers : c'est vide, tout du moins vidé. Des montagnes des cavernes et des déserts, pas de grande ville, pas de forêt, juste des plateformes rocheuses qui constituent différents pans d'altitude, et chers lecteurs j'espère que vous aimez les cordes parce que vous allez grimper à BEAUUUUUUUCOUP d'entre elles. C'est un fait, le monde s'est asséché, l'ascension est lente, contemplative d'un pays à l'agonie. C'est fluide, c'est instinctif, c'est trop bon de se mouvoir à l'intérieur.
Pour ce qui est des combats, rien de bien original à en redire. C'est du tour par tour, vous pouvez utiliser des combos grâce aux touches du clavier, il y a des statuts des objets des techniques exclusives à chaque personnage etc. À leur travers, le jeu ne se donne même pas la peine de cacher sa référence principale, à savoir la saga Mother, connue pour ses bagarres étranges et son scénario télescopique. Tiens tiens tiens, notre sujet d'étude semble y emprunter une très grosse partie. La référence va d'ailleurs tellement loin qu'au début du jeu, un personnage blond s'éteint sur un bus accompagné d'un écriteau disant "Lucas est mort", got it? L'interface des combats est d'ailleurs pratiquement la même, qui, passant le fond de bataille fort intriguant, charmera le joueur avec ses animations de combat fortement miniaturisées et...


ET SES MUSIQUES.


SES


MUSIQUES.


Faisons un point sur les différents genres de musique qu'il existe dans le jeu vidéo :
Il y a des musiques tristes, des musiques qui donnent la patate, des musiques qui intensifient l'epiceness, des musiques de calmes, des musiques malfaisantes...
Et puis il y a les musiques de Lisa.
La première fois que vous les écouterez, le sens et le rythme des notes vous sembleront assemblées au hasard le plus complet. Elles ne vous font rien ressentir, elles sont juste étranges. Et puis plus vous les écoutez, plus vous réalisez qu'elles collent à la pure perfection à l'univers. Et vous les écoutez encore, puis vous vous rendez compte qu'elles sont géniales, et vous ne pouvez plus vous en passer. Rien n'égale Lisa concernant ses partitions, rien n'y ressemble, c'est du "Lisa", vous n'avez jamais entendu et n'entendrez jamais telles assemblages de sons. Et passons rapidement sur l'emploi de la trompette qui a un sens absolument symbolique dans la narration.


Car je n'ai toujours pas parlé de mise en scène, mais si nous l'avons vu Lisa brille par son univers, sa réalisation et son scénario sont les deux piliers d'une telle harmonie. Dingaling se divertit à incruster dans ses structures d'histoire des scènes d'une intensité dingue, qui transforment ce qui semble être une scène de background en un ficelage scénaristique sans faille. Les dialogues sont divinement bien écrits, rarement je n'ai vu dans un jeu des dialogues qui paraissent si naturels, si frappants, si vrais... Les relations humaines, bien que décryptées dans un univers fictif, sont rudement réelles jusqu'à parfois faire froid dans le dos.


Je pourrais parler des heures de Lisa, ce jeu qui m'a autant fasciné que traumatisé. Je ne pense même pas que cette critique lui rende hommage tellement j'aurais aimé souligner d'autres points géniaux, comme les séquences de puzzle, les monstres de joie, certaines zones glaçantes... J'aurais voulu aborder toutes les thématiques traitées par le jeu : la violence, le relationnel au corps, Dieu, la vengeance, l'égoïsme, la figure du père, le désespoir, le traitement de la femme, la perte, etc. J'aurais pu vous parler de l'essence de ce qu'est finalement un jeu vidéo, à travers certaines scènes improbables qui font un immense doigt d'honneur intelligent à ce qu'est finalement sa structure originelle...


Je pourrais faire une thèse sur Lisa. Jamais je n'ai vu jeu plus cru. Jamais je n'ai vu univers plus parfait. Jamais je n'ai ressenti de telles moments de stase devant une oeuvre. Jamais je n'ai dévoré une écriture plus impeccable. Aucun jeu ne lui prendra sa place de chef-d'oeuvre de mon coeur.

Champari
10
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste Meilleurs JV de la décennie 2010

Créée

le 14 oct. 2020

Critique lue 993 fois

Champari

Écrit par

Critique lue 993 fois

D'autres avis sur LISA

LISA
Lau_M
10

Earthbound: Gaspar Noé edition

10/10, oui, on est toujours plus généreux quand on ne s'attend à rien. Sorti en juin 2014 dans une indifférence la plus absolue et écrasé par la couverture promotionnelle d'un jeu similaire sorti un...

le 24 sept. 2015

10 j'aime

2

LISA
FOxers
10

Did I do the right thing ?

Le sujet principal du jeu je ne l'ai compris qu'à la fin. Et oui Lisa m'a bien caché son jeu. Un jeu véritable drôle qui passe de situation stupide à situation complètement conne. Un jeu fait de...

le 14 avr. 2021

5 j'aime

LISA
MurkyKwak
9

LISA, la tragédie humaine.

Avec l’explosion de la scène indépendante ces dernières années, une nouvelle possibilité de financement a commencé à se populariser auprès des développeurs et des joueurs : le financement...

le 11 nov. 2018

3 j'aime

4

Du même critique

Hades
Champari
8

"I'll be sippin' all the finest brews in hell with my boy Satan"

HADES donc, arrivé comme un cheveu sur la soupe au milieu d'une planète vidéoludique en quête de AAA réellement intéressants, et qui se précipite donc vers le pur jeu d'amusement collectif à grande...

le 14 oct. 2020

LISA
Champari
10

Don't forget about me.

Lisa the painful rpg est un jeu de chevet pour moi. Découvert en 2016 dans des conditions de recherches de nouveautés sur les plateformes de vente de jeux indépendants, je n'ai pas tout de suite été...

le 14 oct. 2020