Little Nightmares est un jeu de puzzle sous pression. Il est construit autour d'une succession de puzzles à résoudre. La solution aux puzzles est évidente, mais le joueur doit généralement la trouver en situation de gros stress ; gros stress découlant de la présence d'affreux dans les environs. De ce fait, des puzzles qui, du fait de leur facilité, n'auraient pas eu grand intérêt en temps normal (et dieu sait que ceux de Little Nightmares en auraient eu peu) prennent là une toute autre dimension vu qu'on se retrouve à devoir les résoudre avec des machins cauchemardesques au cul.
Il faut dire que le cœur de Little Nigthmares réside moins dans la satisfaction que l'on peut prendre à la résolution des puzzles que dans l'expérience gentiment horrifique qu'il propose. Sous bien des aspects, Little Nightmares est plus proche d'un survival-horror comme Amnesia que d'un puzzle-plateformer comme Limbo. Le centre dans l'expérience, ce sont les monstres, le danger qu'ils représentent, l’oppression qu'ils provoquent. Les puzzles ne sont qu'un outil, un fort utile outil, dans le bricolage de cette oppression. Notez bien le « fort utile » s'il vous plaît, car c'est chose exceptionnelle que des puzzles participant activement à l'immersion. Généralement, leur principale fonction est de faire en sorte que le jeu ne se transforme pas en ennuyeuse promenade. Je n'irai pas jusqu'à dire que c'est un exploit d'avoir réussi à en faire un ingrédient essentiel à la recette, mais c'est tout de même assez rare pour mériter d'être noté.
Visuellement, le jeu est merveilleux, et pas seulement « artistiquement », comme on dit. Little Nightmares n'est pas qu'un jeu avec de bonnes idées visuelles exécutées avec suffisamment d'ingéniosité – comme pouvait l'être Limbo, Braid, et la plupart des beaux jeux indé – c'est un des jeux qui en fout le plus plein la gueule sur le marché. Il n'y a pas seulement de bons artistes derrière, il y a avec eux des gens de techniques qui connaissent leur boulot et qui ont les moyens de bien le faire. C'est à peu près la même chose niveau son : c'est malin, c'est bien fait, le résultat est grotesque. Cool.
Une autre grande qualité du jeu est sa durée de vie, qui est de trois heures environ. Quand on fait un jeu aussi court, on peut se débarrasser de tout ce qui est un peu faiblard, un peu répétitif. Le jeu a aussi le singulier talent de mettre le joueur dans des situations hallucinantes et grotesques. Quand on y réfléchit, la plupart des jeux tendent à placer le joueur en des contextes parfaitement emmerdants : soit d'une parfaite trivialité, grande spécialité des jeux d'aventure (répare donc cet ascenseur chiant, gros con de joueur !), soit existant à peine, comme dans beaucoup de jeux d'action (où on massacre les trois mêmes ennemis génériques ad vitam aeternam, tel le plus crétin des héros mythologiques). Cela découle d'un manque de créativité, mais aussi d'un besoin de remplissage. Little Nigthmares ne propose presque que des passages uniques. Encore une fois, merci les trois heures (qui aurait peut-être dû durer 2h30, le début n'est pas exceptionnel).
C'est dommage que tout ce talent ne fût pas mis au service d'ambitions plus hautes, à la recherche de sensations plus profondes. Car c'est un jeu terriblement grand public que ce Little Nightmares. Peu difficile, linéaire, simpliste, où le danger n'existe qu'à court terme. C'est un jeu confortable (il faut le dire avec un peu de mépris), spectaculaire et scripté à l'extrême ; mais dans ce genre, c'est un des meilleurs.