Critique publiée à l'origine sur Etoile et Champignon.fr
Ce texte se veut un article rapide, façon « prise de notes », sur Little Nightmares, en préparation à notre session sur le second épisode sorti au début de l’année (2021).
Dès les premiers instants, on sent d’où vient Little Nightmares : le jeu de Tarsier est un évident rejeton du génial Inside, du studio Playdead, dont il empreinte de nombreux traits. On y retrouve un même mix de plateforme latérale, d’énigmes douces et de narration scriptée ; une même manière mutique, sans dialogue, de faire comprendre au joueur ce qu’il doit faire, par l’observation de ce qui se trouve dans le cadre – et un peu de die and retry pas méchant – ; une même manière, enfin, de faire s’emboiter nos actions et la réaction scriptée de l’environnement en une scène-somme qui s’enchaîne parfaitement, comme une cinématique jouable, à l’élégance toute simple dont peu de jeux peuvent se targuer.
Little Nightmares, juste un bon émule ? Quelque part, oui, mais on le lui pardonne, et même plus : on pense qu’un jeu peut être bon, satisfaisant, valable comme c’est le cas ici, en se « bornant » à s’inspirer d’un chef d’œuvre (Inside est pour nous un jeu à 10, et l’un des meilleurs titres de la décennie 2010). Il reste toujours de la place pour quelques copies, si pas trop conformes, des jeux les plus inventifs, comme lorsque le sympathique Rime se rêvait en Ico solaire et parvenait à l’être un peu, assez pour nous plaire. C’est cet effet de « bon copiste » qui fonctionne ici à plein.
De Little Nightmares, on aime d’abord ses niveaux intéressants à pratiquer : ses parcours, très légèrement énigmatiques, s’y composent à égale mesure entre franchissements fluide et facile (aucune difficulté « plateformesque » à signaler), et interactions minutieuses avec le décor, telles que grimper des structures, s’accrocher à des cordes, pousser des caisses ou se faufiler aux bons endroits au bon moment. Ces mêmes niveaux sont en outre intéressants à regarder. Les « tableaux » ont l’apparences de pièces gigantesque à l’échelle de notre personnage, minuscule : on y évolue comme une souris perdue au cœur d’une sorte de manoir géant dont on ne découvre la nature qu’à la fin, non sans une certaine horreur, astucieusement déployée par l’avant-dernier chapitre qui est aussi le meilleur.
Un facteur distingue tout de même Little Nightmares d’Inside, et nous fait l’apprécier d’autant plus, c’est son idée pour partie narrative, pour partie esthétique, de grands ogres qui nous traquent, nous joueur-petit poucet, lors de séquences ultra-tendues où le stress de la fuite voisine une horreur typiquement enfantine, celle d’être « dévoré par le monstre ».
On croisera plus particulièrement quatre de ces géants voraces, l’un aveugle à l’ouïe fine, qui farfouillera frénétiquement combles et trous de ses longs bras dès qu’il nous entendra trotter ; et deux autres, cuistots obèses et dégoûtants, qui piailleront d’un grand cri féroce et glouton avant de fondre sur nous d’un pas lourd. Tous semblent venir d’une même race bizarre rappelant le Leatherface de Massacre à la Tronçonneuse : on ne distingue d’eux qu’une seconde peau, manifestement pas la leur, fruit d’on ne sait quel abject dépeçage, utilisée comme un masque mal ajusté sur leur tête géante. Leur vision seule suffit à causer un frisson de dégoût, auquel répondent, ailleurs, d’autres visions (de morceaux de viandes pourrissantes, des prisons croupies, des sacs de cadavres…), ouvrant sur tout un imaginaire de monde anthropophage, faisant planer sur la partie une forte atmosphère de morbidité qui joue beaucoup dans l’inquiétude ressentie, et fait la qualité singulière du jeu. Une autre de ses qualités, plus simplement ludique, tient aux excitantes sessions de cache-cache avec ces ogres, entre faufilages sous les tables, fuites sprintées réussies « à la seconde près » et escalade express des meubles alentours, moments pendant lesquels la disproportion des lieux se retourne à notre avantage et nous fait renouer avec les plaisirs du chat-perché, dans un imaginaire de cauchemar pleinement (et joliment) incarné.
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