Lunar: Eternal Blue
8.4
Lunar: Eternal Blue

Jeu de Game Arts et Working Designs (1994Mega-CD)

Le Mega-CD est une extension pleine de surprises, mais de plus en plus obscure pour le jeune public. Dans une décennie il sera un reliquat étrange des années fastes de Sega. Puis il tombera dans l'oubli et ne sera connu que de quelques connaisseurs. C'est dommage et c'est pourquoi il faut lui faire honneur en parlant de ses meilleurs titres.


En effet, malgré un succès "mitigé" (par rapport aux ventes de la Mega Drive) le Mega-CD a accueilli de très bons jeux, uniques au support et surtout d'une qualité de réalisation étonnante pour l'époque. C'est le cas de Lunar Eternal Blue un RPG tout en rebondissements et en mise en scène.


Cette série est née sur Mega-CD avec Lunar The Silver Star et a été l'un des titres porteurs au lancement de la machine. L'on pouvait trouver des cassettes VHS promotionnelles vantant les mérites du Mega-CD. Mettant fortement en avant Lunar et son introduction tout en JPOP de l'époque. L'esbroufe d'une chanson avec des images parfaitement synchronisées à de la musique n'étant pas du bipbip devait sans doute faire mouche. Le support CD et ses pistes audio allaient conquérir les consoles à cartouche. Ça, c'était en 1992 quand le Mega-CD représentait l'espoir d'un certain renouveau technologique.


Lunar The Silver Star fut le premier succès important du Mega-CD malgré ses défauts. Un gameplay primitif au niveau de l'inventaire et des stats, des graphismes dépassés par rapport aux productions cartouche sur Megadrive et des musiques en pistes audio qui rebouclent sans cesse. Toutefois, il restait agréable à parcourir grâce à sa mise en scène et son histoire bien ficelée. Puis le désert durant 2 ans.


C'est en 1994, en fin de vie, que le Mega-CD accueille la suite de Lunar : Eternal Blue. L'histoire se passe 1000 ans après le premier épisode. Les deux années d'attente pour voir une suite ont transformées une série certes agréable, mais banale, en véritable étalon du RPG au même titre que Final Fantasy VI, Grandia ou plus récemment Xenoblade (à la date de rédaction de cette critique).


Lunar Eternal Blue est un RPG très classique par rapport à ce qui se faisait en 1994. Le système de combat et le gameplay subissent un petit lifting, l'ergonomie des menu et des item est revue. On y retrouve les qualités du 1er sans ses défauts, avec même quelques petits plus appréciables comme les magies qui deviennent assez sympathiques à haut niveau. Le système de combat est au tour par tour et vous dirigez 3 personnages plus 1 contrôlé par la console. Il reste similaire à Final Fantasy 6, y compris au niveau de la distribution des points d'expérience qui sont répartis entre vos personnages restant à la fin d'un combat. Lunar 2 était un peu le conçurent de Final Fantasy 6 à plateformes opposées. Tout comme Grandia était comparé à Final Fantasy 7. Même si leur homologue sur la consoles concurrente n'avait pas grand-chose à voir au niveau du gameplay, c'est sur la qualité de réalisation qu'ils étaient comparés, car tous étaient des RPG "triple A".


Coté RPG de haut vol, 1994 est une très bonne année très bien fournie. Shining Force CD, Popful Mail, Live a Live, Final Fantasy VI, Earthbound et… Lunar Eternal Blue. Dans cette flopée de bons titres comment sortir de la meute quand on est un jeu sur un support en fin de vie, qui ne s'est pas bien vendu ? Dur dur. Pourtant Lunar 2 est considéré comme l'un des titres les plus vendus du support, même si sa durée de vie commerciale fut interrompue par l'arrivé de la Saturn et de la Playstation. Eternal Blue s'étant bien vendu au japon, il fut commercialisé aux US où il recevra un très bon succès critique sans pour autant décoller en termes de ventes. Et c'est dommage au vu de la super production qu'il représente.


En effet, ce titre est largement dans le top 3 des jeux qui, techniquement, exploitent le mieux le Mega-CD. C'est une super production dotée de cinématiques hallucinantes et de musiques tout aussi inspirées. Dès le démarrage du jeu vous êtes plongé dans l'histoire. Un énigmatique et gigantesque temple dans lequel trône un cristal. Dans celui-ci une femme toute dévêtue. Elle se réveille, sort du cristal, une vision la préoccupe. Là, générique : un temple aux murs sculptés par une civilisation prospère, des fresques narrant les combats épiques des Dragonmaster, de villes flottants dans le ciel et d'une déesse protectrice. Tout ceci mis en scène et animé sur une musique parfaitement adaptée. Cette introduction rappelle le travail effectué plus tard sur Grandia ou Popful Mail. On y retrouve les mêmes thèmes mystiques, la même mise en scène en emphase. La seule différence : nous sommes loin des introductions primitives des premiers jeux Mega-CD ou de la plupart des titres PC-Engine CD.


L'une des particularités d'Eternal Blue est de proposer une méthode d'animation très proche du dessin animé. Les cut-scènes du jeu ne sont pas des vidéos, mais une animation en temps réel à base de 2D, de tiles et de sprite. Popful Mail et Urusei Yatsura, deux autres titres du même studio proposent aussi ce procédé. Le résultat est convaincant, pas de tramage ou dithering, une image colorée et nette, une animation fluide et surtout un dynamisme dans la mise en scène. Le Mega-CD est fort bien mis en valeur et montre enfin ce qu'il a dans le ventre. Toute les cut-scènes du jeu sont d'une qualité bluffante, autant dans la synchro audio/image que dans l'animation. La mise en scène, et ses qualités techniques, participe pour beaucoup à l'ambiance unique d'Eternal Blue.


Les graphismes du jeu sont fouillés et détaillés sans être surchargés. Les couleurs sont parfaitement choisies et l'animation des sprite, lors des combats notamment, à été plus que soignée. Le dessin fait preuve d'inspiration et chaque environnement a sa particularité graphique. Malgré ses 64 couleurs affichables, les graphismes de la Megadrive ont beaucoup plus de charme que les remakes 32 bits, pourtant plus colorés mais dont l'esthétisme tire vers une plastique assez "cheap". Le jeu se déroule à la façon des Final Fantasy, vous avez une map générale assez détaillée, sur laquelle se trouvent les villages et vos objectifs. Chaque endroit que vous visiterez aura son ambiance, sa musique ses particularités. Eternal Blue, tout comme FF6, est un voyage dans lequel vous verrez du pays tantôt à pied tantôt à bord du "Yatch" de ce cabotin de général Léo. Les similitudes avec FF6 sont nombreuses même si l'inspiration est totalement différente. Et cela y compris pour la musique.


L'autre particularité d'Eternal Blue sur Mega-CD est de proposer une bande son reproduite d'une façon unique. Les BGM du jeu sont lues en streaming, c'est-à-dire que ce ne sont pas des pistes audio CD comme dans beaucoup de titres Mega-CD. Ce sont des fichiers similaires à du "MP3" ou du "WAV" ce fut une première sur Mega-CD et cela a permis au studio d'avoir plus de latitudes pour développer son jeu. En effet, ce type de lecture audio permet au Mega-CD de charger les données du jeu en même temps qu'il lit la musique. Ce qui est impossible avec des musiques en piste audio. L'avantage est immédiat, peu de temps de chargement, les niveaux sont plus fouillés graphiquement, les musiques ne rebouclent pas grossièrement comme c'était le cas dans le premier Lunar. Ça, c'est pour l'aspect technique assez inédit sur Mega-CD. En ce qui concerne les compositions c'est du très bon. Certains thèmes comme le village des enfants, l'introduction, l'arrivé du général Léo, les combats vous resteront en tête longtemps. Globalement la musique d'Eternal Blue fait partie des meilleures BO de jeu vidéo. Elle apporte toute son ambiance au jeu et donne le ton aux diverses situations que l'on vit. Chose intéressante, les versions PSX et Saturn de Lunar Eternal Blue on une bande son en séquence de bien moins bonne qualité que la version originale sur Mega-CD. Certes, l'échantillonnage des musiques Mega-CD est assez bas et le son aliase (grésille) un peu. Mais, les musiques des versions 32 bits sonnent assez mal et semblent sortir d'un synthé bon marché. Sur les 32 bit, les BGM du jeu sont clairement massacrées.


Enfin, la mise en scène. Elle est le point fort du jeu, son socle autour duquel toute l'histoire s'articule. Ce qui fait la force de cette mise en scène, pourtant assez clichée en matière de RPG, ce sont les liens avec l'épisode précédent, The Silver Star. Vous irez de surprises en surprises en redécouvrant des lieux et des personnages issues de l'ancien Lunar. La cité flottante de Vane, ville où vivaient et étaient formé les plus grands magiciens en est un bon exemple. On la retrouve 1000 ans après dans Eternal Blue. Telle la cité de Midgar envahie par les plantes dans FF7. On y fait aussi des rencontres surprenantes, des personnages tantôt drôles, tantôt charismatiques ou provenant du premier épisode de Lunar (un des moments fort du jeu)… Si Eternal Blue est souvent comparé à FF6, c'est justement parce que sa mise en scène est faite de twist, de découvertes étonnantes, d'histoires d'amours et de trahisons et de beaucoup d'humour. Mais surtout, chaque personnage a sa place, sa personnalité bien marquée, car à ce niveau Eternal Blue est quasiment le calque de Final Fantasy VI. Avec en plus des cinématiques extraordinaires de technique et de mise en scène. Aucun, je dis bien aucun jeu sur Mega-CD n'arrive à la cheville de Luner Eternal Blue. Si vous en connaissez un, alors dépêchez-vous de lâcher son titre dans les commentaires. Je serai honoré d'y jouer.


Il y aurait bien un défaut à ce jeu, celui d'être la suite de Lunar The Silver Star. En tant que suite il en reprend beaucoup d'éléments. Certains pourraient ne pas être compris par les joueurs n'ayant pas terminé le premier opus de Lunar. Premier épisode qui pourra leur sembler laborieux sur pas mal de points, car Lunar The Silver Star n'est pas toujours agréable à jouer. Il a mal vieillit. Pourtant, pour apprécier totalement l'histoire d'Eternal Blue il faut avoir fait et vécu l'histoire de Lunar The Silver Star. Dans le cas contraire, certains rebondissements tomberont à plat. Pour mieux apprécier la série, je vous conseil de faire le premier Lunar sur Saturn (version Complete MPEG) ou PSX (Complete), puis de jouer à la version Mega-CD d'Eternal Blue. A noter que le jeu doit être joué en 60Hz uniquement. En 50Hz de nombreux bugs de synchro audio/image viennent pourrir les cut-scenes.


Quoi qu'il en soit, Eternal Blue est un très grand jeu. Doté d'une des meilleures réalisations technique, il fait honneur au Mega-CD et à la Megadrive en exploitant ces supports au mieux de leurs capacités. Chose étonnante, la version Mega-CD se trouve être même mieux lotie que ses remakes sur Playstation 1 ou Saturn. Seul les cut-scènes pourront vous paraitre plus "réalistes" sur les versions 32 bits puisque ce sont des vidéos en dessin animé. Le jeu vidéo n'est pas un produit périssable, Lunar Eternal Blue est l'un des titres qui vérifie cette règle. Un jeu que l'on joue avec plaisir quelque soit le poids des années. L'histoire que raconte ce jeu, sa façon de la mettre en scène et en musique et, bien sur, son final en fait une aventure intemporelle. A l'image des récits de dragons, de trésors et de magie teintée de mysticisme et de légendes. Alors si vous étiez un adepte des histoires du soir, que vous rêviez d'aventures et de mondes à découvrir avec des potes, Lunar Eternal Blue pourra combler ce manque. Bien confortablement installé dans votre canapé, papa Mega-CD et maman Megadrive vous raconteront cette histoire. Après tout, ils se sont mariés pour vous offrir plus de spectacle, et c'est ce qu'ils font avec Lunar Eternal Blue.

Dr_Wily
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le 27 mai 2014

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