Enfants, robots et bugs en monochrome

Premier jeu des polonais de Juggler Games, My Memory of Us m'avait fortement tapé dans l'oeil à sa sortie. Sa direction artistique monochrome ainsi que sa volonté de situer l'action au cœur d'un contexte historique original me laissaient augurer d'une chouette expérience à découvrir. Malheureusement, dans les faits, le jeu souffre de bien trop de petits défauts comme pour convaincre.

En 1939, l'Allemagne Nazi débutait son projet d'invasion de l'Europe en occupant la Pologne. Un an plus tard est ouvert le getho de Varsovie, ou vont être enfermés toutes les personnes d'origine juive de la ville. C'est dans ce triste contexte que prend place l'action de My Memory of Us. Le jeu s'évertue cependant à faire passer son propos avec douceur. Les soldats Allemands sont ici représentées par « l'armée de robots » (dirigés par le roi Robot) et les juifs deviennent « le peuple rouge », des personnes portant des habits de couleur à la différence des autres habitants habillés en noir et blanc. C'est à travers les yeux de deux enfants, parmi eux une petite fille du peuple rouge, que le joueur sera amené à découvrir cet univers oppressant.

Si j'ai au début craint que cette candeur dans le traitement d'un sujet aussi grave finisse par nuire à la narration, j'ai rapidement été rassuré. Cette prise de distance avec le contexte historique permet au jeu d'être abordable par toutes les tranches d'âges. L'intrigue en elle-même n'a rien de foncièrement révolutionnaire. La narration du jeu se rapproche pas mal de ce que pourrait offrir une série télé, chacun des dix-huit niveau étant une petite aventure : aller libérer des prisonniers, s'infiltrer chez les robots, récupérer des médicaments... L’intérêt de My Memory of Us se trouve avant tout dans l'univers et la mise en scène. Il y a une réelle volonté de la part des développeurs de représenter ce qui a pu se passer à l'époque et cela passe par plein de petits détails, en parallèle à notre progression. Traverser une maison ou l'on voit un officier robot glisser une œuvre d'art sous le bras, être enfermé dans un « train de la mort », s'infiltrer dans un café interdit au peuple rouge, bricoler une radio pirate avec un résistant, coller des affiches de propagande... Toutes ces petites scénettes font écho à une réalité historique ayant vraiment eu lieu et on sent qu'il y a eu un grand travail à ce niveau là.

La pâte graphique derrière le titre est également à saluer, tellement elle est réussie. Vous ne trouverez dans tout le jeu que trois couleurs : le blanc, le noir et le rouge. Un parti pris graphique audacieux et qui permet au titrr de sublimer son contexte et son message. Le mélange entre les décors en 2D et les personnages en 3D est également du plus bel effet. Mais c'est surtout du côté du chara-design qu'il faut saluer le jeu. Que ce soit les décors ou les personnages, tout est du plus bel acabit et il est difficile de ne pas être hypnotisée devant certaines scènes (comme l'entrée des robots dans la ville). Mention spéciale au design des robots et plus généralement des machines en général, tous très bien réussis.

Mais alors, pourquoi simplement 5/10 ? Certes, le jeu est une grande réussite visuelle et dispose de tous les atouts nécessaires pour séduire au premier coup d’œil. Par contre, une fois la manette en main, le tableau est bien différent. Le level design est très peu inspiré et se résume généralement à quelques énigmes simplistes, dont même les plus jeunes viendront rapidement à bout. On surmonte constamment le même type d'obstacles, à base de leviers, élévateurs et objets à pousser. Les phases d'infiltration ne sont pas bien folichonnes non plus, se limitant généralement à simplement se cacher derrière une caisse en attendant que les gardes aient le dos tourné. Il y a bien quelques variantes dans le gameplay comme une phase en moto, quelques puzzles ou encore un combat en shoot them up. Mais ces petites phases variées et innovantes, qui auraient du constituer l'intégralité du gameplay, sont beaucoup trop rares comme pour être véritablement mémorables.

Je pourrais aussi parler de la lourdeur du gameplay, les deux personnages étant extrêmement pénibles à contrôler. Les déplacements sont lourds, peu fluides et surtout très très très lents. Cela ne poserait pas de problème si le jeu, de part sa conception, ne forçait pas le joueur à multiplier les aller retours pour progresser (trouver un objet, le rapporter à tel endroit, etc.). Mais ce qui agace par dessus tout, c'est le manque de finition du jeu. Je pense n'avoir terminé aucun niveau sans avoir auparavant rencontré un bug. Ceux-ci pouvaient être plus ou moins gênants : en partant du bas de l'échelle on avait les textures qui oubliaient d’apparaître jusqu'au mécanisme qui refusait purement et simplement de s'actionner. Je me suis plusieurs fois retrouvé en face de bugs contre lesquels je ne pouvais tout simplement rien faire et ai du, à trois reprise, redémarrer ma console pour pouvoir continuer. Si j'ai tendance à plus facilement pardonner cela sur un petit jeu que sur un gros triple A, nul doute que ce gros manque de finition fait tâche, surtout sur un jeu se voulant un peu « arty ».

My Memory of Us est avant tout une vitrine graphique. Très beau, avec un univers original et une chouette direction artistique, il ne parvient cependant pas à convaincre sur toute la partie ludique, la faute à de nombreux bugs, un level design peu inspiré et une progression très rigide. Pour autant, je vous conseille quand même de vous pencher un peu sur le titre, rien que pour son message et sa volonté de ne pas laisser tomber dans l'oubli une sombre période de notre histoire.