"New Boredom, 1968."
Dire d'un titre comme Mafia III qu'il suscite diverses réactions diamétralement opposées dans ma petite caboche d'homme caucasien de bonne famille... serait une excellente manière de commencer un...
le 22 nov. 2016
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Dire d'un titre comme Mafia III qu'il suscite diverses réactions diamétralement opposées dans ma petite caboche d'homme caucasien de bonne famille... serait une excellente manière de commencer un texte comme celui-ci, en fait, maintenant que j'y pense. (Bien joué, cerveau, t'as mérité ton salaire cette semaine.) J'ai deux avis sur la question. Le premier est assez normatif et tourne autour du fait que je ne suis décidément pas un géant afro-américain ayant survécu à la Guerre du Vietnam et que je n'ai donc que mon imagination pour essayer de comprendre le niveau de racisme que pouvait vivre ce peuple dont les concitoyens pensaient qu'il était assez bon pour mourir en défendant un mode de vie... mais pas vraiment de la bonne couleur de peau pour avoir le droit d'en profiter. Oh, je pourrais vous faire le couplet traditionnel expliquant qu'en tant qu'intellectuel belge planqué dans un domaine d'activité dominé par des français populistes l'on m'a sorti un paquet de quolibets astronomiques sur le fait que j'ai un accent minoritaire. Mais ce n'est pas pareil, hein. Il n'existe pas vraiment d'équivalent anti-belge du KKK. (De plus, j'ai toujours trouvé très drôle d'être insulté par dans un français approximatif par des gens qui se prétendent les défenseurs de la francophonie. C'est cocasse. Comme Jean Roucas.) Le second... est que malgré tous les efforts dont se titre se fend pour me faire comprendre la douleur d'être noir de peau dans l'Amérique du Ku Klux Klan; beh, c'est jamais qu'un jeu écrit par des blancs pour tenter de capitaliser sur le succès de Grand Theft Auto IV. Autant l'admettre.
Ceci dit, je pense qu'il est important de prendre quelques instants pour souligner précisément à quel point il est intelligent d'utiliser le racisme comme mécanisme de justification de la violence dans ce jeu. C'est un coup de génie. Dans beaucoup de tentatives de ce genre l'on se contente de vous expliquer que les gens que vous allez tuer tout au long du titre sont vraiment très très méchants. Parfois, si le jeu décide de jouer sa partition en canon majeur, on vous explique qu'ils sont vraiment très très très méchants. Mais vraiment, hein. Très. Ce sont des gens méprisables. Pas comme nous qui tuons avec dégoût pour tenter de faire triompher des idéaux purs comme l'eau de roche dont nous tirons notre force. Oh que non, ce sont des enfoirés. Des vrais. Des endurcis. Nous, si on démembre des malandrins à la machette c'est pour des raisons éthiques profondes ; hein. Loin de nous l'idée de nous morfondre dans le plaisir gluant de l'hyper-violence. Après tout... nous sommes les gentils. (Sauf, évidemment, quand un twist scénaristique de dernière minute nous apprend qu'en fait, non, on étions les méchants.) Mais... tuer des mafieux sudistes affiliés au KKK? C'est moralement aisé. On ne s'acquitte pas d'une tâche pareille en se demandant si les actions factices que l'on pose dans un produit de consommation courante sont valides d'un point de vue moral. Oh non. On s'en acquitte le cœur en joie tout en chantant quelques classiques issus du répertoire des Temptations.
Maintenant – ceci dit et cela fait – Mafia III n'échappe malheureusement pas aux divers problèmes inhérents à la formule actuelle des jeux open-world. Le titre est fier de ne rien proposer de neuf. Vous avez vos séquences de conduite où vous pouvez admirer les alentours d'un air distrait tout en écoutant l'une des trois chaînes de radio diffusant de la musique d'époque. Ensuite, quand vous descendez de votre bolide, vous pouvez tuer des gens afin d'accomplir les trois mêmes objectifs de manière cyclique lors de votre fameuse ascension à travers l'organigramme des activités mafieuses locales. (Ah, au fait, vous jouez un orphelin nommé Lincoln Clay bien décidé à venger une famille adoptive dont il vient d'apprendre lors d'un assassinat massif qu'elle était plus impliquée dans le domaine du crime organisé que ce qu'il pouvait imaginer.) Vous avez le choix, d'ailleurs. Soit vous les trucidez dans une parodie de jeu d'infiltration où l'on passe son temps à siffler pour attirer l'attention des diverses cibles auxquelles l'on compte faire ingérer une vingtaine de centimètres d'acier trempé... ou vous pouvez tout simplement leur tirer dessus dans une copie conforme des activités balistiques de GTA IV. Quand je dis conforme, hein, c'est le terme idoine. On s'attendrait presque à ce que votre cousin Roman vous téléphone tout d'un coup pour aller faire un petit bowling. C'est à ce point proche.
Ce qui n'est pas forcément une mauvaise chose, d'ailleurs. J'imagine qu'il existe un public pour ce genre de décalques... et cette version est déjà bien moins idiote que ne l'était Watch_Dogs. Pourtant, si l'on fait abstraction des efforts consentis pour s'offrir une ambiance originale, le titre est étrangement générique. En même temps... n'est-ce pas ce que les gens veulent, de nos jours?
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le 22 nov. 2016
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