Le Seigneur des Manoirs

S’il y a une constante dans l’industrie du jeu-vidéo ces dernières années, c’est qu’il y aura toujours quelqu'un pour sortir de nul part avec un jeu qui vient tout défoncer.

Rebelote. Enfin, Manor Lords ne sort pas vraiment de nul part - c'est le produit d'un seul développeur qui taff dessus depuis 2017.

C'est le successeur spirituel de Banished – un city-builder médiéval qui fête ses 10 ans, et qui commence donc gentiment à se faire vieux. Entre ça, le récent Cities: Skylines II qui s'avère être un flop Paradoxien classique, et les derniers Total War historiques qui n'attendent plus qu'on les débranche de leur appareil vital, les conditions sont parfaites pour qu'un projet comme Manor Lords trouve sa place.

La grosse innovation - et l'attrait principal - de ce jeu, c’est son mélange entre le jeu de gestion classique, mais accompagné d'un système de guerre en temps réel à la Total War. C'est une fusion qui était jusqu'ici introuvable à part dans des mods niche comme Crusader Wars, mais ici c'est un ensemble propre et complet.

Le système de combat est impeccable. Les animations sont propres, c'est fluide et réactif.

Les batailles restent relativement restreintes (généralement pas plus de quelques dizaines d'hommes), y a pas tant de profondeur tactique que ça, et c'est clairement pas l'activité principale du jeu. On est pas sur un compétiteur direct à Total War; le cœur du jeu reste dans la construction et la prospérité de sa ville. Mais, le "simple" fait d'avoir ce système de combat donne un vrai plus à l’expérience.

De plus, ça se synergise parfaitement avec l'aspect de gestion de sa ville.

Ça fait quelque chose de savoir que le milicien sur le champ de bataille, c'est Robert le daron que vous avez vu allez chercher du bois pendant des années. Chaque mort se solde par de vraies conséquences : une demi-douzaine d'hommes meurt, et vous allez peut-être manquer de bras pour la prochaine moisson. Et évidemment, il faut produire de A à Z toutes les ressources qui iront dans les mains de vos soldats.

Sur les mécaniques de gestion, rien de révolutionnaire pour le genre. C'est facile à prendre en main si vous avez déjà touché à n'importe quel autre jeu du style. Ce qui est présent est bien géré: l'écosystème des mécaniques est bien pensé, on sent que c'est un travail d'amour qui a fait souffrir de nombreux testeurs QA en arriver là.

Reste que pour 7 ans de développement, y a pas masse de contenu. Ce qui est présent est de qualité, me vois plus le jeu dans son état actuel comme une charpente très solide qui aura besoin de plus de contenu - sinon, ça va vite devenir lassant.

C'est un très beau jeu - surtout pour de la gestion - avec une esthétique bas-médiéval magnifique et une ambiance sonore/OST excellente. Mes screenshots.

Le plus impressionnant, c'est l'attention aux détails: chaque élément du monde (ressource, villageois, animaux...) est visuellement pris en compte. On peut suivre un cerf depuis son troupeau jusqu'à ce qu'il se fasse chasser, ramené au camp de chasse, dépecé, transporté à la tannerie, transformé en cuir, et disposé sur l'étale marchande du coin. Tout est animé en détail, et ça confère un cachet authentique incroyable.

Manor Lords excelle dans un élément essentiel pour tout jeu du genre : pouvoir lâcher sa souris et observer nos lemmings vivre leur vie dans notre création. Cerise sur la gâteau : un mode "touriste" où on peut se balader en troisième personne dans notre village. Le type d'ajout qui lui vaudrait le GOTY si Keighley n'était pas une fraude.

Bref, en tenant compte du contexte (dev solo, accès anticipé), c'est une sortie très propre qui mérite ses 30€. Les défauts présents sont superflus, et le jeu n'attend que d'avoir plus de contenu pour devenir un classique du genre.

La seule question qui reste - la même pour tous les titres en accès anticipé : est-ce que le dev abandonnera le projet, ou utilisera les millions qu’il vient d’encaisser pour le mener à bien ? Sachant qu'il bossait sur son jeu dans son temps libre pendant tout ce temps, et au vu du succès de malade qu'il reçoit, j'ai confiance.

On est quasiment à la moitié de la décennie, et les jeux-vidéos indépendants tabassent toujours les AAA à chaque tournant. Cool!