Si Eidos Montréal s'étaient vu confier les clés pour une suite à la série Mass Effect, je ne suis pas certain que ces derniers auraient fait les choses différemment.
Guardians of the Galaxy à beau être une production à l’ambition plus mesurée en termes de longueur et avoir une composante RPG inexistante, ces deux œuvres partagent néanmoins un grand nombre de similarités, qui manette en main, procurent une nostalgie fortement plaisante et un sourire qui n’en finit plus de grandir au fil de l'aventure.
Tout d’abord et c’est la première chose qui vient obligatoirement à l’esprit, c’est l'amour pour le space opera qui ressort de Guardians of the Galaxy, tout comme Mass Effect le faisait magistralement en son temps.
Le space opera est une extension de la science-fiction, mais l’intérêt que l’on peut y porter repose cependant sur des sensations plus ou moins personnelles, découlant généralement de la capacité du joueur, lecteur ou spectateur à mettre de côté le réel pour s’immerger dans un univers tourné essentiellement vers l’espace. Ainsi, l’appétence de chacun à ce qui se trouve au-delà de la ceinture de Kuiper, influencera grandement le plaisir que l’on peut y trouver.
Ce genre propose généralement des enjeux complexes, un lore développé, tout en gardant une cohérence physique dont le but final est souvent la sauvegarde de la galaxie.
La trilogie de Bioware est passée par là avec brio, Guardians of the Galaxy ne fait que reprendre une partie du flambeau si on reste dans le cercle du jeu vidéo.
De mon côté mon péché mignon, c’est de toucher du doigt une recherche anthropologique riche en adéquation avec une touche de hard SF pour rester dans un schéma de l’ordre du possible, mais je m’égare.
Si on cherche tout ceci, Mass Effect raisonne logiquement dans la tête de beaucoup d’entre nous.
Avec Guardians of the Galaxy, j’ai revécu à nouveau cette sensation et ce pendant près de 20 heures, qui m’ont paru malheureusement bien trop courtes au vu du voyage grandiose que Eidos Montréal nous ont offert. Une traversée de plusieurs galaxies, au détour de paysages tous plus inspirés les uns que les autres, sublimés par une direction artistique sans fautes.
Nul besoin d'expliquer ce que sont les Gardiens de la Galaxie, le MCU s'étant chargé de mettre en avant cette licence totalement inconnue du grand public avant la sortie de la trilogie de films de James Gunn.
Eidos Montréal n’ont pas voulu se baser sur les films pour en faire une adaptation bête et méchante, bien heureusement. S'il est évident que ceux-ci ont eu une influence sur le ton employé tout au long du jeu, nombreuses sont les facettes de l'œuvre d’Eidos qui diffèrent des films.
Pour commencer, l’équipe est différente, que ce soit les acteurs ou les voix, on repart avec un nouveau groupe de bras cassés prêt à se mettre sur la tronche à n’importe quel moment. Le jeu étant une sorte “d’origin story”, l’équipe est encore très fragile et la tension est palpable durant une grande partie du scénario. Malgré le casting tout à fait honnête des films, j’ai trouvé son pendant vidéoludique largement supérieur à l’équivalent cinématographique.
C’est ici qu’on retrouve une autre connexion à la série des Mass Effect, le groupe que l’on constitue au fil de l’aventure et le développement individuel de chacun des membres est une pierre angulaire du récit.
Malgré sa durée de vie sans commune mesure en comparaison au mastodonte qu’est Mass Effect, Guardians of the Galaxy réussit à donner au joueur toutes les clés et la profondeur nécessaire pour se sentir investi et connecté à chaque représentant du groupe, cette réussite s'expliquant de manière très simple, l’écriture réussie du titre.
Eidos ont placé la barre très haute en ce qui concerne le développement de leur univers et de chacun des protagonistes qui le compose, principaux comme secondaires.
Quand le rideau se referme, c’est nécessairement avec une pointe de tristesse et le souhait d’en voir plus tant le voyage à travers ces galaxies a été passionnant, fascinant et à certains égards touchant.
Ceci est aussi lié au fait qu’ils ont décidé de faire les choses comme nul autre triple A. On dit souvent de ce type d'œuvres qu’elles sont “story driven”, l’avancée n’étant présentée et justifiée que par le scénario, mais le résultat qui en résulte ici est bien plus courageux mais pourrait en rebuter certains ou en surprendre d’autres.
En effet, l’action est pendant une écrasante majorité de l’aventure placée au second plan, et cela encore une fois nous rappelle Mass Effect premier du nom ou l’exploration des lieux, nouveaux mondes et toutes interactions possibles tenaient une place au moins aussi importante que les échanges de tirs.
Guardians of the Galaxy dans un format beaucoup plus ramassé et linéaire présente la même ADN, et il ne sera pas rare en début de partie de jouer une bonne heure et de n’avoir tiré que quelques cartouches, le remplissage étant souvent une promenade sur différents mondes et des tonnes de discussions avec le reste de l’équipe.
Ces conversations, animées par un doublage français presque parfait me rappellent les meilleurs moments de cette industrie ou fut un temps, le doublage français n’avait rien à envier à la VO, merci Eidos pour les efforts sur ce point.
Très organiques et naturels, les échanges entre les membres de l'équipe n’en restent pas moins très (trop ?) nombreux, vous êtes prévenus. Certes, la qualité de ces derniers m'a paru excellente, mais il arrive régulièrement que cela parle sans coupures, comme si vous n’aviez pas revu votre meilleur ami depuis quinze ans.
Cependant le jeu sait aussi ralentir quand il le faut, notamment avec des pauses entre deux visites dans le vaisseau de Starlord. Il servira de hub pour taper la causette plus tranquillement et examiner tout ce qui aura été trouvé durant vos visites. Où simplement écouter un peu Rickroll (l’OST est un sans-faute.) tout en observant l’espace à travers les hublots, cela vous rappelle un autre jeu ? Moi aussi.
Malgré l'action reléguée au second plan pendant les ⅔ du jeu et un rythme plutôt lent, on se sent rapidement comme aspiré et tout cela tient debout grâce, et on l'a vu plus haut, à l’écriture.
Cependant, ce n’est pas l’unique point essentiel, ici les mots ne me suffiront pas, mais la prouesse artistique qu’est cette réinterprétation de l’univers de Marvel m’a tout simplement époustouflé.
Pour éveiller votre curiosité au-delà du raisonnable, je dirai que Guardians of the Galaxy figure sans trop forcer dans un top 20-30 des plus belles DA que j’ai eu la chance d’observer.
Semblant être sortie tout droit d’un Jodorowsky, le jeu nous donne ce que l’on peut espérer de mieux pour un space opera. La variété des lieux, leurs originalités, l'intéressante volonté d’un bestiaire très kitsch, ou encore tout simplement le travail minutieux investi dans des détails insignifiants, mais ô combien importants pour donner vie à ce monde. Cette œuvre respire le talent et avec Eidos ce n’est pas vraiment une surprise.
Il me sera bien entendu difficile de tout lister ici, je partage donc en bas de cette critique un lien vers mes captures d’écran Steam.
J’ai passé beaucoup trop de temps à prendre des photos, le gamin que je suis quand le mot exploration spatiale est prononcé, est resté bien trop souvent béat à observer les étoiles à travers le cockpit du vaisseau.
Reste que Guardians of the Galaxy n’est pas parfait, le gameplay étant par exemple une des faiblesses du titre. Il se présente sous la forme d’un TPS shooter proche d’un Mass Effect survitaminé (encore une fois) où l'on contrôlera seulement Starlord, tout en donnant des ordres à notre équipe. Malheureusement, l’ensemble des possibilités ne sont déblocables qu'en toute fin de partie et ce n’est que durant les dernières escarmouches que le challenge se manifeste vraiment, permettant enfin d’entrevoir un début de richesse qu’il aurait été appréciable d’avoir en début de parcours.
Les choix effectués par Eidos de mettre l’action en avant qu'en toute fin d’aventure, ne permettent pas au gameplay de se développer comme il l’aurait fallu. Deux solutions étaient alors possibles pour améliorer ce point à mon avis. Mettre l’action en avant plus tôt ou rallonger le jeu de quelques heures.
Le level design linéaire et les quelques puzzles redondants ne viennent pas vraiment gommer ce manque de profondeur.
Néanmoins au final, contrôler Starlord reste intuitif et fun, avec une liberté de mouvements sur trois axes qui semble parfaitement naturelle dès le début. Les capacités de nos alliés sont impressionnantes d’un point de vue de l’animation et des effets à l’écran, donnant un sentiment de puissance et d'impact particulièrement gratifiant.
De plus Eidos à su combler cette faiblesse par le cadre des affrontements, qui sont variés et donnent lieu à une mise en scène cinq étoiles.
Petit bonus pour les amateurs de space opera qui sont venus ici, Eidos nous offrent quelques rares phases de shoot à vaisseau, qui si elles n’ont rien de spécial, permettent un effet “wow” des plus appréciables.
Je conseillerai quand même à ceux qui pensent lancer le jeu pour son gameplay de passer leur tour, l'intérêt n’étant clairement pas là.
De même, je souhaite insister encore sur ce point, mais si l’écriture est excellente, les échanges excessifs entre les membres de l’équipe pourraient en rebuter certains. Ici, la différence avec le film n’est pas très grande en termes de type d’humour et d'intensité, heureusement le rythme de l’aventure et ses twists, comme on l’a vu, sont maîtrisés.
Une note généreuse ? Je ne le pense pas, Guardians of the Galaxy est une œuvre avec un cœur et une présentation suffisamment unique pour mériter l’attention de beaucoup d’entre nous l’ayant zappé à cause du marketing douteux de Square Enix.
Le jeu est une pépite d'écriture, est hilarant, attachant et superbe. Bien au-delà de simples textures haute résolution, c’est surtout la proposition artistique marquante que l’on se souvient.
L'affiliation à Mass Effect n'est pas usurpée, je serai prêt à parier que les amateurs de la trilogie de Bioware trouveront ici un plaisir similaire sur de nombreux points.
Un dernier mot sur Eidos, qui a vu après la sortie de ce jeu leur entreprise être vendue par Square Enix puis rachetée par Embracer, pour un résultat qui n’est autre que l’annulation d’un nouveau Deus Ex et le licenciement de 100 personnes en janvier 2024.
Si par chance une des personnes ayant œuvré à la production de ce jeu tombe sur cette critique un jour, sachez que vous avez fait tout ce que vous pouviez et Guardians of the Galaxy restera pour longtemps un “must play” quand l’on pensera à une licence adaptée en jeu vidéo, une belle claque, merci.
Mes captures d'écran :
https://steamcommunity.com/profiles/76561197996627981/screenshots/?appid=1088850&sort=newestfirst&browsefilter=myfiles&view=imagewall