Dans l'espace, personne ne vous entendra crier
Je ne vais pas m'éterniser sur les différences des trois épisodes, je crois que les multiples critiques sur la saga Mass Effect sont assez crédibles, voire passionnantes pour les (re)lire. Les attentes des uns, les déceptions des autres, les surprises chez certains, tout est là, dans les archives du site.
Cependant, je souhaite appuyer mon point sur un élément capital de Mass Effect, qui se distingue fortement des deux suites à ce jour.
Mass Effect fait peur.
Ce n'est pas exactement la même sensation, les mêmes frissons procurés qu'une partie d'Amnesia ou de Silent Hill, mais l'histoire de BioWare, ici, accompagnée des choix artistiques, fait froid dans le dos. Loin des phases de combat relativement monotones, voire désuètes depuis Mass Effect 2, les développeurs ont réussi à disséminer des indices angoissants pendant notre poursuite de Saren, le grand méchant du 1.
Prenons l'exploration. A bord du légendaire ascenseur des montagnes, le Mako, on se met en route vers des planètes inconnues, où tout peut arriver, surtout au dernier moment. Une zone relativement plate peut donner lieu à un Thresher Maw, et se balader autour de lui s'avère être fatal. Une armée geth débarque après avoir actionné un piège ridicule, et sans Tali et Garrus, les boucliers du Mako sont de faible durée. Mis à part ces phases de combat, les planètes sont rigoureusement vides. Et c'est là que la terreur va doucement s'immiscer dans le gameplay. Ces immenses montagnes, ces tempêtes de sable ou de météorites, ces étendues d'herbe ou de roche volcanique... l'environnement apparaît comme hostile à vous. Les planètes et soleils à proximité font office de globes oculaires gigantesques, la course aux 100% rend mal à l'aise à leur regard incessant.
En outre, quelques missions subsidiaires procurent cette même sensation. Le premier exemple en tête est le vaisseau inhabité, perdu dans un système solaire. Peu à peu, on découvre qu'une femme biotique a exterminé son équipage pour protéger son mari, plongé dans le coma, qui devait être débranché sous peu. Lorsque Shepard démarre le dernier enregistrement du capitaine du vaisseau, le radar pointe une entité ennemie de l'autre côté du couloir. Au loin, une silhouette noire, silencieuse, fait son apparition. Si son élimination s'avère être très facile, son arrivée est exécutée avec soin : il aurait bien pu s'agir d'un fantôme doté d'une extrême puissance, condamnant l'équipe du Normandy à lancer le bouton "Charger la dernière partie".
Plus loin, si la reine rachni a été délivrée, il est possible d'entendre sur certaines planètes le chant qui rassemble toutes les unités. Ce cri, comparable aux sons émis par les baleines, laisse penser que la présence de cette soi-disante race éteinte est un subterfuge afin de rester dans l'ombre jusqu'au moment où les rachni pourront dominer à nouveau la galaxie. C'est cette même idée qui émerge lors de la rencontre avec Sovereign, le vaisseau poulpe. Une impression de puissance sans limites, dotée d'une intelligence incomparable, prête à annihiler d'un claquement de doigts toute forme de vie existante.
Le danger, tapis dans les recoins les plus sombres de la Voie lactée, est permanent, il est bien plus angoissant que dans les deux autres Mass Effect. Une crainte de l'inconnu, pouvant éclater toute civilisation à tout moment, qui persiste dès qu'on quitte l'enceinte protectrice de la Citadelle. Même la Lune n'est pas un havre de paix.
Voilà ce que Mass Effect a de différent du reste de la saga. A part le DLC Overlord de Mass Effect 2, la terreur amplifiée par l'imagination n'est plus. L'ennemi est connu et n'inspire plus aucune crainte. On sait à quoi on a affaire, on a seulement envie que ça se termine, et vite.