Je suis un homme faible...
Oui, je suis un homme faible. Parce qu'à 27 ans, je devrais être mature, distancié et circonspect, et être capable de garder mon self-control quand quelque chose d'aguicheur et sexy vient se frotter contre ma jambe.
Pourtant, je suis tombé dans Mass Effect 2 à pieds joints, en prenant mon élan, et en faisant trois salto et un saut carpé. Mass Effect, ses guerres galactiques, ses gros flingues, ses mecs musclés, ses alien inquiétants! Les années 90 auraient du me vacciner contre les héros couillus-anciens-des-forces-spéciales, et je devrais être blasé des space-opera convenus...
Il faut croire qu'on est tellement habitués à ce que ces space-opera soient des merdes que dès que l'un d'entre eux est fait correctement, on tombe amoureux de suite. Et Mass Effect 2 a été fait très correctement.
D'abord, le sujet qui fâche. Oui, Mass Effect 2 est un jeu de tir lors de ses phases de combat. Oui, les stats n'ont plus une énorme importance lors de ces combat. Là, je vais parler pour moi, mais ça ne m'a gêné à aucun moment. J'ai toujours considéré les combats comme les aspects les plus faibles d'un rpg, comme des moments où l'histoire se met en pause le temps d'une partie de dés. Qu'on choisisse de raboter cet aspect-là du gameplay m'en touche une sans faire bouger l'autre.
Tant qu'il y a du dialogue. Tant qu'il y a une histoire. Tant qu'il y a plusieurs façons de faire évoluer cette histoire, même si la fin reste la même (ceux qui disent qu'un jeu de rôle doit obligatoirement pouvoir se finir de plusieurs façon différentes n'ont jamais joué avec un MJ dirigiste.)
Et du dialogue, dans Mass Effect, il y en a. Et il est bien écrit, et bien joué. C'est déjà rare dans le cinéma, c'est exceptionnel dans un jeu vidéo. C'est aussi indispensable à un rpg agréable.
L'histoire, elle est là. Oui, elle est cliché à fond. Et les scénaristes ont accompli le tour de force de la réussir quand même. Mettons-nous une bonne fois dans la tête : s'attaquer à un cliché, ou un genre (comme le space-opera ou l'heroic fantasy) est ce qu'il y a de plus dur en écriture, parce que les plus grand y ont déjà tracé leur route avant vous. Réussir à leur survivre, à ne pas faire une oeuvre ridicule, c'est une gageure.
Sur Mass Effect, l'histoire, bien que simple, est cohérente, et laisse évoluer des personnages construits, avec leurs motivations, leurs personnalités, leurs tics de langage, leurs style. Leurs péripéties sont attendues, prévisibles ? Aucune importance. La façon dont le joueur choisit de les surmonter, les personnages dont il choisi de s'entourer, et le spectacle de ses personnages dans l'action est la seule chose qui compte.
Et pour servir tout cela, le jeu dispose d'une réalisation aux petits oignons. C'est beau, et surtout, c'est admirablement monté. Comme un vrai film. Alors là, on touche du doigt le reproche qu'on a également fait à Heavy Rain : est-ce que finalement, on ne serait pas plus dans un plaisir cinématographique que vidéoludique ? Bien sûr qu'on l'est, et c'est normal. C'est la nature même de ce que doit être un rpg vidéo. De même qu'un jeu de rôle papier, dans sa narration, se rapproche de la littérature ou du théâtre, le rpg vidéo tend naturellement vers le cinéma, vers l'art du spectacle sur écran. C'est normal, bénéfique, et honorable.
Le danger, c'est d'évoluer vers du pur narratif, et une diminution de la liberté des joueurs au profit de concentrés de scènes cinématiques. Cette tendance se voient dans beaucoup de jeux (et laisse deviner un complexe d'infériorité des artistes du jeu vidéo qui rêveraient de faire du cinoche, mais c'est un autre problème.)
Mass Effect 2 n'a pas ce problème. L'histoire, bien que dans des rails solides, a suffisamment de souplesse pour que le joueur aie la sensation de décider de la façon dont la faire avancer. Après tout, un bon MJ sait amener ses joueurs où il veut sans même que ceux-ci ne s'en aperçoivent...