Oblivion : un jeu où la police du titre est très réussie.
TROLL.
Je peux pas m'en empêcher. Oblivion, c'est un peu mon parti socialiste à moi : régulièrement, je réinstalle en me disant que c'est pas si mauvais, que correctement moddé ça passera, que passé les premières heures de jeu on fini par s'immerger, et chaque fois les limites du système me reviennent dans la gueule. Oblivion séduit toujours quand on y joue pas tellement ce jeu semblait prometteur. Alors on y joue, longtemps, sans jamais s'amuser, mais en se disant continuellement "allez, je vais visiter un dongeon de plus, ce jeu a tellement de potentiel qu'il va bien finir par devenir fun un moment ou un autre." Mais non. Oblivion ne devient jamais fun.
Oblivion, rappelons-le, était juste le RPG solo le plus ambitieux du monde. Rémémorez-vous les prétentions de Bethesda à l'époque, et le buzz qui s'en était suivi - on flirtait avec la molynerie*. En gros, en plus d'être une tuerie visuelle, le jeu présenterait un espace absolument ouvert et évolutif, peuplé de NPC plus intelligents que ta mère, avec un super moteur d'intelligence artificielle qui gérerait leurs besoin, leurs buts dans la vie, leur vie sociale... Bref. Un vrai monde virtuel heroic fantasy, et épique avec ça, car entre deux massacre de rat dans les caves, il fallait un peu sauver le monde, pour faire plaisir à Patrick Stewart et Sean Bean qui avaient daigné prêter leurs voix à deux persos. Gros argument marketing, à l'époque.
Et puis le titre étant un Bethesda, il faisait la part belle à l'ambiance, aux paysages, aux randonnées en forêt qui durent des heures pour trouver la minuscule entrée du bon dongeon perdu dans la forêt. Et puis il y avait les villes qui parsemaient Cyrodil*, toutes visitables, toutes avec leur style architectural particulier, ou vaquaient à leurs occupations les habitants...
La dizaine d'habitants.
C'était trop beau pour être vrai.
Et puis les paysages, si beaux, si... Si... Un peu plats, quand même... Un peu chiant, non ? Retirez le type à cheval, et foutez du bitume et on se croirait sur la borne d'arrêt d'urgence de l'A13. Pas très inventifs, tout ça...
Oui mais quand même, on sauve le monde, non ? A défaut d'être original, ça motive... On réuni des alliés pour former l'armée des gentils qui vont tuer les démons, ça c'est épique... Ah, l'armée des gentils est constitué de quinze bonshommes, en fait...
Bref, vous voyez où je veux en venir. Oblivion en voulait trop. Oblivion pars dans trop de direction. Et à la fin, rien n'est vraiment satisfaisant. Les combats sont moyens, l'histoire est mauvaise. Les graphismes sont trop inégaux entre de décors splendide et des perso immondes (débaucher Patrick Stewart pour jouer l'Empereur n'était pas nécessaire si c'était pour lui donner le visage de Jeanne Moreau.)
Reste le soi-disant vrai avantage d'Oblivion, à savoir sa liberté d'action et la dimension bac à sable du pays de Cyrodil. J'admets volontiers qu'on atteint peut-être ce qui se fait de mieux dans le genre avec les rpg Bethesda.
Ce n'est pas un compliment.
Pour que ce type d'immersion fonctionne pour un rpg, il y a plusieurs impératifs. D'abord, un impératif d'écriture ; il faut remplir son monde avec des persos, du background historique, des mystères, des systèmes politiques, et des conflits à résoudre. Bethesda, avec les Elder Scrolls, s'acquitte de cette tâche-là honorablement. Mais ça ne suffit pas. L'immersion se heurte ensuite à deux obstacles ; l'un est purement technique, l'autre prend sa source plus profondément dans le gameplay.
L'obstacle technique rejoint mon troll sur l'absence de dimension épique du jeu. Et pour faire de l'épique, malheureusement, et parce que nous sommes dans un jeu vidéo, il faut donner à voir du spectacle, du majestueux, du massacrant, de l'innombrable. Et cela, le moteur d'Oblivion ne le permet qu'à moitié. Il permet de générer le décor idéal, oui, mais rame dès que plus de dix NPC se battent simultanément à l'écran. Nous sommes donc dans un monde au bord de l'apocalypse, envahi par les démons, mais où on ne croise jamais d'escarmouche impliquant plus de trois ou quatre personnages, alors même qu'on vous raconte que d'immenses batailles se déroulent. On du coup juste un peu l'impression que les NPC se foutent de notre gueule.
Ensuite, pour le problème du gameplay, je voudrais parler des histoires d'intelligence artificielle. Celle d'oblivion devait permettre une gestion des npc selon leurs buts, leurs besoins, et leurs relations sociales. De fait, c'est effectivement le cas, de manière très simpliste, certes, mais tout de même. Le soucis, c'est que cette gestion est... totalement invisible aux yeux du joueurs. Les NPC n'ont que trois pauvre lignes de dialogues pour s'exprimer, aucun journal ne garde trace des interactions des npc, il n'y a aucun moyen de comprendre les fameux buts, besoins et relations entre eux, hormis des détails scriptés et expliqués pour les besoins de telle ou telle quête.
Autrement dit, les NPC pourraient déambuler dans les rues complètement au pif, la crédibilité de l'univers de Cyrodil serait la même.
On a donc un monde qui effectivement, peut-être, a sa propre vie... Mais il n'y a aucun moyen de le savoir. Malheureusement, d'un point de vue vidéoludique, avoir la meilleur IA du monde n'a aucune importance si le joueur n'en a aucune compréhension. Il ne suffit pas que l'IA de Totor le Haut Elfe ait décidé de tuer sa femme pour lui voler sa nuisette en cuir : il faut aussi que le joueur puisse savoir que l'évènement est arrivé et puisse en connaître les causes.
Et malheureusement, cet absence de clarté donne aux personnages de Cyrodil l'air d'être complètement cons, alors que le développement de l'IA a absorbé une bonne partie du budget de développement du jeu. L'inanité des dialogues automatiquement enclenchés lorsque deux NPS se rencontrent n'aide pas à augmenter leur charisme.
Oblivion s'est donc loupé sur tous les tableaux où il prétendait briller. De peu, mais loupé quand même. Je ne parle pas des animations hideuses de Bethesda, des dialogues repoussoir, et de l'histoire puérile; tout cela n'est qu'un vernis, pour un jeu bac-à-sable. Un bon mod et c'est fini. Mais les problèmes d'IA et de dimension épique sont, elles, profondément encrée dans l'essence du jeu. Et ce sont ces faiblesses qui font qu'Oblivion est fondamentalement une occasion manquée.
*Comme Peter Molyneux. J'invente des mots si je veux.
** Il y a un double "i" ou un double "y" ou trois "h" ou je sais pas quoi. Mettez-les où vous voudrez, soyez créatifs.