Metal Gear Solid 2: Sons of Liberty
8.1
Metal Gear Solid 2: Sons of Liberty

Jeu de Hideo Kojima et Konami (2001PlayStation 2)

Il est libre Snake, y en a même qui disent qu'ils l'ont vu planer du haut du Pont George Washington

Il y a encore six mois, j’étais totalement étranger à l’univers de Metal Gear Solid crée par Hideo Kojima. J’entendais de la bouche de beaucoup qu’il s’agissait d’un génie sans vraiment comprendre le pourquoi du comment. Enfin voilà, sur un coup de tête, je me suis acheté cinq jeux Metal Gear Solid en une semaine (les quatre premiers et Peace Walker). C’était un risque un peu con dans la mesure où si je n’appréciais pas le premier, j’allais me retrouver avec des suites à foison sans que je veuille y jouer (coucou God Of War dont le deuxième volet n’entrera sûrement jamais dans ma console).


Mais coup de bol, Metal Gear Solid premier du nom fût une jolie claque prise en pleine poire lors de l’été 2019. Des scénarios comme ça, j’en redemandais, mais ce n’est pas pour autant que je me suis jeté à corps perdu sur le deuxième volet. Bien au contraire, il fallait créer l’attente, jouer un peu à d’autres jeux avant de m’y lancer. Bref, six mois plus tard, je me lance dans le deuxième volet en sachant à peine ce qui m’attends.


Car MGS 2, c’est probablement l’épisode dont on m’a le moins spoilé l’intrigue (avec le quatrième). C’est dire, je ne savais même pas qu’on jouait plus Raiden que Snake, je ne savais même pas que Raiden existait en fait. Résultat, quelle ne fût pas ma surprise en comprenant qu’il allait être le personnage principal de ce jeu. Sur le coup, ça m’avait un peu gavé. Comme beaucoup à l’époque, j’avais lancé le jeu pour Snake, pas pour un athlète blondinet en proie à ses névroses et bavardant à tout bout de champ avec sa copine par Codec.


Mais une fois la pilule avalée, il fallait quand même se rendre à l’évidence. MGS 2 est une putain de tuerie. Alors que je considérais le premier comme un chef d’œuvre, ce second volet me force à le revoir à la baisse tant celui-ci est meilleur en tout point. C’est simple, tout ce que j’aimais dans Metal Gear Solid sur PS1 se retrouve amélioré.


Tout d’abord le gameplay. Si certains trouvent que le gameplay du premier a quelque peu vieilli et est aujourd’hui assez rigide, il n’en est rien dans cet épisode. Même si de temps en temps, j’ai eu quelques soucis pour diriger Raiden, il faut admettre que la maniabilité est une des choses les plus réussies du jeu. On parle quand même d’un jeu d’infiltration, il faut donc que cette infiltration soit efficace. Ainsi, on peut agir de façons bien plus variées pour esquiver un ennemi. Bon, étant un bourrin et pas forcément un féru d’infiltration, j’étais plutôt du genre à tirer sur les ennemis, mais le jeu offre tout un tas de possibilités ayant chacune des conséquences différentes. Par exemple, si je tue un soldat au pistolet, étant donné qu’il ne peut plus faire de rapport (parce qu’il est mort, ça va de soi), une patrouille est envoyée pour enquêter et s’ils trouvent un cadavre, c’est la merde. Une autre alternative, c’est de faire un peu de bruit pour attirer les soldats puis les contourner sans faire de grabuge. Bref, c’est tout un attirail de possibilités qui s’offre à nous et crée un véritable sentiment d’infiltration.


Et c’est pour ça que d’un point de vue vidéoludique, MGS 2 c’est déjà une grande réussite. Parce qu’il réussit parfaitement à nous donner le sentiment d’être un espion.


Mais là où MGS 2 surpasse tout ce que j’avais vu auparavant, c’est dans sa façon d’utiliser son gameplay pour servir son propos.


C’est un débat que j’ai souvent avec un ami, je trouve un jeu bien plus réussit quand son gameplay fait écho avec le propos du jeu. Des jeux comme Last of Us ou encore Red Dead Redemption en sont d’excellents exemples. Et c’est aussi le cas de MGS 2 mais je pense qu’on monte d’un cran.
Je parlais plus haut du sentiment de liberté dû aux nombreuses possibilités d’approche dans le gameplay. Et bien justement, Hideo Kojima n’hésite pas à briser le 4e mur pour poser une question fondamentale qui servira de leitmotiv tout le long du jeu : « Suis-je un joueur libre de ce que je fais dans ce jeu ? Et a plus grande échelle, suis-je un homme libre dans cette société ? ».
Et là, on entre dans la zone spoiler, donc si toi, cher lecteur tu n’as pas encore eu la chance de jouer à MGS 2, je t’ordonne de quitter cette critique car ce serait te gâcher l’un des scénarios les plus complexes que l’humanité ait jamais écrit.


Spoilers


Au dernier tiers du jeu, on se rend compte que le colonel qui nous disait quoi faire dans le jeu, est en fait une IA au service d’une organisation dirigeant le monde, les Patriotes. On a donc cette idée de contrôle à deux échelles.


Tout d’abord, il y a le personnage de Raiden, celui qu’on incarne et dont on est sensé s’identifier. Puisque le colonel révèle diriger totalement Raiden dans la mission, on comprend qu’il contrôle également notre progression au sein même du jeu. Et oui, puisque chacune de mes actions étaient dictées, je n’ai finalement eu aucune liberté dans ma partie, puisque je ne fais que bêtement suivre les ordres. Non seulement, ça vient poser la question de la liberté au sein du jeu en lui-même, mais également dans tout les jeux vidéo en général puisque le joueur est finalement prisonnier du scénario du jeu. Notamment quand le scénario est ultra directif comme c’est le cas ici (ou encore dans Last of Us). C’est une introspection brillante sur le jeu vidéo que nous offre Kojima puisqu’il nous force à nous demander « qu’est-ce que le jeu attend réellement de moi et qu’est-ce qu’il me laisse réellement faire ».


De cette sorte d’introspection vidéoludique, Kojima va alors s’en servir pour poser la question à l’échelle de l’humanité. Le jeu sort à l’aube d’un monde de surveillance et de contrôle. Vingt ans après sa sortie, le jeu vise juste, je dirai même qu’il a une dimension anticipatrice. Observons notre monde aujourd’hui, l’ère d’internet où chacun de nos commentaires est stocké, où on peut nous surveiller via la caméra de notre ordinateur ou le micro de notre téléphone. C’est exactement ce que le jeu dénonce puisque tout cela vient se mêler à cette idée de contrôle. Le contrôle d’êtres supérieurs qui choisissent qui sera président, qui sera riche, qui sera pauvre. Et le fait qu’à la fin, Raiden arrive à s’extirper de ce contrôle permanent pour devenir l’homme qu’il veut être est une invitation directe au joueur à ne pas se laisser dicter par les ordres et vivre la vie qu’il veut mener.


Cette idée passe également via de nombreuses symboliques. Ce n’est pas pour rien que Solidus Snake, désireux de briser les chaînes du contrôle chute aux pieds d’une statut de George Washington en plein Manhattan ; ou que la dernière image du jeu se trouve être la Statut de la Liberté. Symbole de…la liberté, dans un pays directement dénoncé par le jeu comme étant le leader du contrôle de masse.


Alors après, on peut critiquer le traitement de cette thématique. Il est vrai que dans les vingt dernières minutes du jeu, Kojima enfonce un maximum son message avec un discours ultra libéral prononcé par la voix off lors d’un générique de toute beauté nous montrant des enfants jouer dans les rues de New York. Ça rejoint un peu les critiques concernant les cinématiques trop longues, mais à vrai dire, cette sorte de surenchère propre à Kojima ne m’a pas dérangé tant que ça.


Parce que sincèrement, est-ce que vous avez vu un jeu vidéo qui brasse des thématiques avec autant de complexité ? On parle souvent de MGS comme étant la plus cinématographiques des licences vidéoludiques, mais je trouve ça presque faux. Pour moi, MGS est une des rares licences qui justement, a su prouver que le jeu vidéo est un art supérieur au cinéma. Car le jeu vidéo est très probablement l’art qui offre la meilleure immersion au spectateur/joueur, et donc, qui peut lui offrir la plus grande expérience artistique. Le fait qu’on joue Raiden force le joueur à prendre du recul sur le personnage de Snake au sein même de l’histoire. Si on contrôlait Snake tout le long du jeu, le traitement des thématiques aurait été bien moins aboutit puisque Raiden est à l’image du joueur : complètement manipulé par le jeu/monde. En bref, si on devait me demander quels seraient les jeux vidéo les plus aboutis auxquels j’ai joué, croyez bien que Metal Gear Solid 2 Sons of Liberty sera dans cette liste.


Il ne me reste plus qu’à créer une nouvelle attente pour Snake Eater et m’y plonger avec autant de passion que pour Sons of Liberty.

Créée

le 14 déc. 2019

Critique lue 172 fois

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James-Betaman

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