Lorsque Kojima était enceinte de Metal Gear Solid 4, il devait être très inquiet. Après tout, mettre au monde une progéniture pareille est une opération périlleuse, quasi suicidaire même. A peine verrait-il le jour qu'une armée de fanatiques se l'arracherait, morceaux par morceaux, jusqu'à ce qu'il n'en reste plus rien. Et les fanatiques, c'est pas toujours sympa, ça hésite pas à te cracher dessus si tu les contentes pas comme ils veulent.
Finalement, Kojima aurait peut-être voulu que son enfant reste en lui pour toujours, pour que jamais il n'affronte la foule sans pitié.

Il faut dire qu'il n'a pas du être très facile à concevoir ce MGS 4 ! Conçu (initialement) pour être le dernier d'une saga existant depuis 21 ans, il porte sur ses frêles épaules la très difficile tâche de conclure cette longue aventure. Et conclure une telle aventure, c'est loin d'être facile, surtout quand la pression du succès est derrière et qu'on craint plus que l'on aime cette horde de fans sans pitié.
MGS4 porte en plus assez mal son numéro puisque finalement au sein de la saga Metal Gear c'est le sixième épisode, voire même le septième si l'on compte Portable Ops (qui est plus un MGS3-2). En terme d'enjeux, c'est fortement comparable avec Le Retour du Jedi, Harry Potter 7, Lost saison 6... bref, quelque chose de jamais vu encore dans le jeux-vidéo et jamais revu à l'heure actuelle (on en reparlera quand Shenmue 3 sera annoncé... Ou l'épisode final de la saga Beyond Good & Evil même !!... houla je m'avance dans les années futures là).

Oui car comme vous le savez, la saga Metal Gear contrairement aux autres très longues franchises vidéoludiques (Mario, Zelda...) est essentiellement porté par son scénario. Un univers vaste, une petite mythologie dans la réécriture de notre histoire contemporaine, l'ensemble se révélant très efficace, mystérieux et passionnant. Le tout est sublimé par d'incroyables péripéties se déroulant sur cinquante années (1964-2014).

C'est donc tout naturellement que MGS4 se devait d'offrir aux fans le scénario qu'ils attendaient. Un scénario répondant aux multiples questions, un scénario se devant d'offrir la conclusion épique que tout le monde désire, un scénario conservant le talent de narration des précédents opus.

Et pour se faire, Kojima a pris le parti très risqué de changer la structure inhérente à toute la saga : non, il n'y aura plus une seule unité de temps et de lieux. Maintenant, Snake parcourra le monde et les conflits pour réussir son aventure. Simple choix arbitraire ? Absolument pas, cette structure était nécessaire pour rendre compte de l'ampleur qu'a prise la saga : ici, il ne s'agit plus d'une crise localisée, mais une véritable crise mondiale. Et cette idée permet de rendre l'ensemble assurément épique, car on ressent toujours les enjeux et la gravité des situations.
Cependant il y a inévitablement un revers à cette médaille, la structure étant différente change considérablement le rythme de l'aventure. Il est à présent coupé en plusieurs actes, et en autant de pauses brisant l'intensité. Si pour ma part ça ne m'a pas dérangé, je comprends tout à fait que certains joueurs se sentent moins impliqués dans l'aventure que dans les précédents opus.

Le problème du rythme vient aussi d'un autre choix de réalisation : les très longues (très belles) et très nombreuses cinématique du soft. Celles-ci sont un peu le fief de la saga, elle est connue et réputée pour cela, et il fallait tenir sa réputation dans cet opus. Mais de là à nous pondre des briefing de 30 minutes au rythme très lent pour pas toujours grand chose, ce n'était pas obligatoire du tout... J'aime les cinématiques longues, je n'ai pas de soucis avec ça, mais il faut que ce soit véritablement justifié : mise en scène, dialogues importants, qu'importe... Mais force est d'avouer que parfois dans ce MGS4 ils prennent leur temps. En revanche, ça donne un côté assez réaliste à ces dialogues que j'aime bien, car dans la réalité, on ne va pas droit au but en deux ou trois échanges. Mais ça casse le rythme quand même, surtout quand on n'a pas touché la manette depuis longtemps.

D'ailleurs, le gameplay n'a pas non plus échappé aux critiques. En lisant celles-ci, je me suis d'ailleurs demandé si les joueurs n'avaient pas un peu trop idolâtré les opus précédents, au point de les avoir embellis dans leurs souvenirs ? En effet, il est beaucoup reproché à ce quatrième (ou septième) opus de ne pas être suffisamment axé sur l'infiltration, il n'y a que deux actes véritablement basés sur ces mécaniques. Mais cela n'était guère différent des précédents opus... MGS1 présentait quelques zones à infiltrer, mais se révèle être sur une bonne grosse partie une succession de boss et de scènes d'actions bourrines. MGS2 quant à lui est l'épisode où il y a le moins de gameplay, et est lui aussi beaucoup plus axé action dans sa seconde moitié (même si, et c'est une de ses forces, parcourir la Big Shell est toujours une infiltration en soi). Il n'y au final que MGS3 qui peut se vanter d'être un opus principalement axé sur l'infiltration, pimenté par quelques passages actions. MGS4 reprend donc les codes des opus antérieurs.
Cela dit, je ne dis pas que cela excuse tout, car c'est vrai que sa filature est daubée, et que les railshooting sont trop longs. On sent un léger manque d'idée pour renouveler le gameplay.
Mais ses passages d'infiltrations sont parmi les meilleurs de la saga. Tout d'abord, s'infiltrer en pleine guérilla est une idée dantesque, mais elle est surtout très bien exploitée. Dans ces passages, le level design sera très riche et particulièrement réussi, permettant de nombreuses approches, de nombreux chemins à emprunter, et toujours la possibilité d'explorer ces zones assez vastes. Bref, c'est vraiment du bonheur, d'autant que le gameplay a été assoupli et que personnellement je prends un plaisir fou à endormir tout le monde.

Un autre point souvent controversé concerne les boss. On les juge oubliables, nuls, indignes du reste de la série... A cela je suis obligé de réagir ! Vous souvenez vous vraiment des boss de la saga ? Nan je ne parle pas des boss du premier, tous parfaits, plein d'idées et plein d'histoires. Mais comment critiquer les boss du 4 en comparaison des boss du 2 ? Leur mise en scène était souvent pauvre, ils ne demandaient pas de techniques particulières (sauf Fatman, meilleur boss du jeu selon moi), bref... pas des mauvais boss mais loin d'être excellents. De même, les B&B Corps n'ont rien à envier aux Cobras de MGS3. A l'exception de The End particulièrement excellent, les autres tout en étant de qualité n'avaient rien de vraiment spécial. Ils faisaient le job. Et il en va de même à mes yeux pour les boss du 4. Bon, je préfère tout de même le chara design du 3.

Au final, et à mes yeux, MGS4 est véritablement la conclusion épique qu'on attendait pour clore cette immense saga. Son intensité n'en finit pas de grimper au fur et à mesure que le jeu et le scénario avancent, les péripéties sont absolument folles et proposent des moments inoubliables pour n'importe quel fan de la saga. L'aventure peut sembler moins intimiste car elle concerne plus de monde et car l'on se sent moins isolé que dans les opus précédents, mais elle reste plus que jamais proche de son héros, Solid Snake. Celui-ci est à la fin de sa vie, la vieillesse le ronge, il ne lui reste que peu de temps à vivre. A travers lui, on parle un peu de tout ça, du regard du soldat sur sa vie de soldat, on philosophe un peu, war has changed, tout ça. C'est très réussi, et on sent plus que jamais Snake meurtri par son combat.
La guerre, noyau central de toute cette saga, est elle aussi abordée de manière intéressante. Le délire de Kojima autour des nanomachines et de leurs effets est passionnant. De même, c'est la première fois dans la série que l'on se retrouve véritablement en guerre, et ces scènes servent vraiment leur propos. "La guerre c'est laid" disait Meryl dans MGS1, et quand on voit une IA jeter son arme et s'enfuir en hurlant par peur de combattre, on se sent plus que jamais sur un champ de bataille. La révolte, l'économie de guerre, le contrôle, la liberté, des thématiques toujours aussi fortes qui soulèvent toujours autant de question.

Nombreux sont ceux qui semblent reprocher au jeu son "fan service". En effet, on va retrouver la quasi totalité des personnages que l'on a croisé dans la saga, on va mentionner les morts, faire des clins d'oeil à d'autre (Madnar de MG1 et 2 est cité!). C'est vrai, toute la famille est là, c'est forcément fait pour faire plaisir aux fans, mais pour moi pas seulement. Car dans une telle conclusion, on se devait de réunir les personnages centraux, et même s'ils n'ont pas tous le même traitement dans cet opus, aucun d'eux n'est de trop dans l'aventure. Idem, c'est vrai que la nostalgie envers le premier opus est peut-être trop appuyée, mais je trouve que c'était une ficelle intéressante à utiliser. Visiblement, beaucoup sont sortis de l'histoire à cause de ça, ça casse un peu le quatrième mur c'est vrai. C'est dommage, je peux comprendre, mais heureusement pour ma part ce ne fut pas le cas.

Quand l'aventure se termine enfin, la chronologie de cette saga s'achève également, la vieillesse de Snake n'en symbolise que mieux l'âge de cette histoire. Toutes les réponses ne sont pas parfaites, certains points restent flous et il faudra peut-être lire un peu sur internet pour saisir tout dans le détail. Personnellement, le gros me satisfait amplement, mais j'ai été assez déçu sur un élément en particulier. On peut reprocher essentiellement que le final traîne un peu trop pour appuyer la corde de l'happy ending, ce qui n'en finit pas d'être niais... mais puisque l'on est ému de finir une telle saga, il suffit de mettre cette petite gêne de côté pour tout apprécier.

Quand Kojima a finalement accouché de ce Metal Gear Solid 4, tout le monde ne l'a pas adoré, c'est certain, mais c'était couru d'avance. Conclure une histoire sur laquelle on a basé tant d'attente est la plus grande des difficultés. Mais pour terminer je dirai que pour ma part c'est un pari réussi. Le jeu est bon, peut-être pas inoubliable à jouer, mais l'aventure est épique, intense, touchante, et sa fin reste de qualité même si elle est discutable. Une page de l'histoire du jeu vidéo se tourne, Metal Gear s'en va, l'histoire est terminée... mais on ne va pas s'arrêter d'en enrichir la mythologie.

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