Découvertal Gear : 6/11


Mettons de côté Naked Snake un instant et concluons l'arc de son fils cloné.

Eh oui, Solid Snake a beau être le personnage le plus emblématique de la série, il n'est jouable "que" dans la moitié des épisodes canons et n'est plus apparu depuis 2008. Il y a toutefois une très bonne raison à ça : MGS4 se passe quelques mois avant sa mort, alors que Snake a le corps d'un octogénaire.

Etant le clone génétique d'une personne née 40 ans avant lui, ses cellules ont dégénéré entre MGS2 et MGS4, et alors qu'il aspire à une retraite bien méritée, il est renvoyé une dernière fois sur le champ de bataille, pour abattre son rival Ocelot une bonne fois pour toutes.


Vous vous souvenez de la deuxième bande-annonce de Smash Ultimate, où Snake apparaît à l'écran avec les mots "Everyone is here" ? Eh bien Kojima avait 10 ans d'avance puisqu'il semble s'être donné le défi de ramener tout le monde dans cette ultime aventure. Et honnêtement, ça ne me plaît pas.

Le jeu devait repartir sur le cliffhanger de MGS2, où l'on apprend qu'une organisation secrète tire toutes les ficelles de la politique depuis des décennies. Mais vu que ce jeu a été très mal accueilli à l'époque, cet objectif n'est plus du tout central dans MGS4 et on part donc sur une simple mission contre Ocelot-le-ridicule, qui a recruté Vamp-le-malaisant et Naomi-la-traîtresse ; tandis que Snake est aidé par Campbell-le-sugar-daddy, Otacon-au-coeur-brisé, Raiden-le-torturé et tout un tas d'autres personnages que vous aviez probablement oubliés (la gamine d'Olga, le mec qui gardait la cellule de Snake dans MGS1…), en allant même piocher un peu du côté du cast de MGS3. L'intégration de certains personnages comme Mei Ling ou même Psycho Mantis (il a beau être mort dans MGS1, il passe faire un petit coucou, ce n'est pas du tout parce qu'il est ultra-populaire, veuillez circuler Monsieur) est faite au chausse-pied, mais le pire c'est que ça empêche le jeu d'avoir sa propre identité, quand tous les personnages majeurs sont issus d'un précédent épisode. En plus, j'admets ne pas être un grand fan du casting des MGS, donc j'aurais vraiment préféré voir plus de nouvelles têtes. La seule qui ait une certaine importance, c'est celle du vendeur d'armes, un seul nouveau personnage important c'est très peu sur tout un jeu.


Le pire, c'est que certains personnages sont gâchés. J'aimais beaucoup l'évolution de Raiden dans MGS2, qui commençait comme un petit con vantard mais qui finissait par devenir un vrai héros et s'autorisait à aimer sincèrement sa copine. Sauf que là, on apprend qu'après MGS2 c'est devenu un pochtron qui a totalement délaissé sa femme enceinte, et on le retrouve avec une mentalité de dark-Sasuke qui devait faire frémir de malaise tout le monde déjà en 2008 ("Je n'ai pas de passé, je n'ai pas de famille, je vis dans l'ombre…", putain mais ta gueule quoi). Je sais que le personnage n'était pas ultra-populaire, mais avait-on vraiment besoin de l'enfoncer plus bas que terre ? Heureusement, Snake reste attachant et on a franchement pitié de ce grand-père qui a passé sa trop courte vie sur le champ de bataille et qui manque d'y mourir de vieillesse (ou d'arthrose).

Autre élément gâché : les deux premiers chapitres voient s'affronter deux à trois factions différentes, Otacon nous conseille d'essayer de les monter les unes contre les autres pour nous faciliter le passage, mais globalement c'est très dur à faire puisque les ennemis semblent préférer attaquer Snake s'ils l'aperçoivent, même au beau milieu d'une échauffourée entre parties. Une bonne idée gâchée donc, et qu'on ne revoit plus après la moitié du jeu.


Mais si encore ces références au passé se limitaient aux personnages, ça pourrait se comprendre. Mais, dans un des blocages créatifs les plus époustouflants de l'Histoire du jeu vidéo, Kojima réutilise même des environnements. Les chapitres 2, 4 et 5 (soit trois cinquièmes du jeu) se passent respectivement dans une jungle, à Shadow Moses et sur un navire, des environnements déjà visités dans les trois premiers MGS. Ok, ce n'est pas la même jungle et le même bateau, mais le sentiment de redite est bel et bien présent. Etant donné que le chapitre 3 est très court (et que son final repompe une scène de MGS3), je n'ai eu aucun sentiment de prise de risque ou de nouveauté passé le premier chapitre, pourtant très intéressant vu qu'il envoie Snake en plein conflit au Moyen-Orient. Globalement, tout ce qui pouvait faire penser de près ou de loin à Metal Gear a été mis dans un mixeur et a été appliqué sur le scénario sans grand soin. Je pense que la volonté initiale était de montrer que c'était le grand final qui concluait tous les arcs narratifs de la saga, mais franchement c'est très mal fait.


Tiens, même les boss sont victimes de ce traitement. Tous reprennent un alias de MGS1 (Octopus, Wolf, Raven et Mantis) et, puisque l'originalité est décidément portée disparue, on affronte Crying Wolf exactement au même endroit où l'on affrontait Sniper Wolf dans le jeu original. Ils auraient pu nous la faire affronter n'importe où ailleurs, ou nous faire affronter n'importe qui d'autre dans cette arène, mais non, on affronte Wolf là où on affrontait Wolf, parce qu'il ne faut surtout pas prendre le moindre risque de se remettre les fans à dos après MGS2.

Et je ne comprends pas cet état d'esprit d'ailleurs, parce que MGS3 était sûrement le jeu le plus original de toute la série, tant au niveau du gameplay que du scénario (du moins son époque), et qu'il a été très bien reçu, donc on aurait pu s'attendre à ce que son successeur marche dans ses pas ou soit encore plus innovant. Mais non, c'est une grosse régression narrative qui donne l'impression d'un best-of mal présenté.


Pour finir sur les boss, heureusement certaines d'entre elles sont vraiment sympas à affronter. Pas spécialement les deux premières (Raging Raven est même sacrément ennuyante), mais les deux dernières sont vraiment cools et proposent le premier duel au sniper réussi de la série ainsi qu'un bien meilleur combat contre un psychiste que tout ce qu'on a vu jusque-là (la voir contrôler les corps des ennemis est vraiment effrayant).

Ah, et quand on en bat une de manière non-létale, la cinématique qui suit ne la montre pas mourir mais simplement s'endormir. Merci putain, ça n'aura pris que 3 jeux pour proposer des fins cohérentes.


Dommage que, dès qu'elles sont abattues, le jeu retombe dans les travers de MGS1 et nous raconte leurs backstories sans aucune subtilité dans des monologues de 3 minutes (sans aucune mise en scène d'ailleurs), mais bon. Au moins cette fois-ci, on nous épargne les choeurs et les violons.

Et puis le jeu est bavard pour rien mon Dieu, sa cinématique de fin d'1h15 n'a plus à prouver sa réputation, mais je trouve qu'on ne parle pas assez de la cinématique d'une heure entre les chapitres 3 et 4 où il se passe certes des choses importantes, mais qui aurait pu être réduite facilement de moitié. Et globalement, on est tout le temps interrompus par des discussions ou des cinématiques à rallonge, ma partie affichait 16h de temps de jeu, mais je suis sûr et certain que je n'ai réellement joué que la moitié du temps. La série a longtemps eu ce problème de déséquilibre entre le gameplay et la parlotte, mais MGS3 avait fait un pas dans la bonne direction en espaçant ses cinématiques. Là, Kojima n'en a plus rien à battre et réalise le film qu'il n'a jamais pu filmer. Tant pis pour le joueur qui devra assister à l'agonie la plus longue du jeu vidéo dans la cinématique finale, où un personnage met bien 20 minutes avant de rendre son dernier souffle.


Dans tout ça, j'ai très peu parlé du gameplay alors que c'est clairement le point sur lequel MGS4 m'a le plus plu. Chaque nouveau jeu de la branche Solid a amélioré son prédécesseur sur ce point, et cet épisode ne fait pas exception.

Il reprend donc les bases de MGS3, avec une jauge d'endurance à surveiller et même le système de camouflage qui a été grandement amélioré. Plus besoin d'aller dans les menus et d'interrompre le gameplay, la tenue de Snake le camoufle automatiquement dès qu'il est couché et immobile pendant deux secondes.

C'est un changement plus qu'appréciable, mais ce n'est rien en comparaison de la possibilité de marcher accroupi ! Un mouvement qui manquait cruellement à l'arsenal de Snake, et qui permet d'avoir enfin un bon compromis entre discrétion et vitesse. On peut également noter que le gameplay du tir est vraiment amélioré et permet de bouger tout en visant, ce qui peut même rendre plaisantes des runs où on tue tout ce qui bouge (le jeu propose d'ailleurs quelques séquences bourrines qui tirent parti de ces nouvelles capacités)


Le revers de la médaille, c'est que le jeu est très simple. On a deux moyens de récupérer de la santé (de façon passive ou en utilisant un objet), ce qui est franchement à l'avantage du joueur, et l'IA n'a pas l'air d'avoir été améliorée depuis MGS3, ce qui rend les nouvelles méthodes de déplacement complètement craquées. Le fait que les zones soient très linéaires et encouragent peu la recherche de passages alternatifs n'aide pas. Le seul truc de valeur qu'on peut trouver en fouinant partout, ce sont des musiques pour l'iPod de Snake.

Eh ouais, parce que Snake et Otacon sont devenus des hommes-sandwiches pour Apple. En contrepartie, on peut donc trouver de vieilles musiques de la saga disséminées un peu partout dans les décors, ce qui permet de réécouter des morceaux vraiment chouettes. J'ai beaucoup aimé faire des phases d'infiltration en me repassant des thèmes des premiers Metal Gear sur MSX, je trouve que la série a eu beaucoup de mal à proposer des musiques marquantes après cette période 8-bits (j'enchaîne les opinions impopulaires dans cette critique, je crois).


Et globalement, j'ai critiqué l'histoire du jeu (si vous étiez inquiets, l'organisation secrète de MGS2 est bien démantelée par Snake, mais de manière involontaire, son seul objectif de tout le jeu était juste Ocelot) mais je serais de mauvaise foi si je ne citais pas le moment le plus drôle du jeu, celui qui m'a laissé échapper un rire aussi franc que surpris : dans le premier chapitre, un ennemi inspecte un tonneau d'où s'échappent des bruits bizarres. Il le soulève, et on découvre qu'un GI américain se cachait dessous et, souffrant de problèmes gastriques, était en train de couler un bronze. Eberlué, on assiste donc à un face-à-face où deux mecs, surpris de se retrouver dans cette situation et dont l'un d'eux est cul nu, s'observent sans rien dire. Le silence est finalement rompu par un pet gargouilleux.

C'est pile mon type d'humour régressif, rien qu'à cause de ça je ne peux pas descendre complètement le scénario. Et non, cette situation ne m'est jamais arrivée, je ne vois pas de quoi vous parlez.

Ce même GI est d'ailleurs très important plus tard dans le jeu, puisque son refus de s'injecter des nanomachines l'immunise au contrôle d'Ocelot et de Mantis et en fait l'allié le plus fiable de Snake sur le terrain. Ce jeu devrait devenir l'oeuvre de chevet des antivax, c'est moi qui vous le dis !


Mais bon, globalement c'est quand même une expérience compliquée à noter. On a d'un côté le meilleur gameplay de la série, qui rend obsolète toutes les autres ; de l'autre on a probablement le pire scénario, trop bavard et sans aucune prise de risque. Et autant je me fiche du scénario dans un jeu vidéo en général, autant quand il a absorbé 50% de mon temps de cerveau disponible, je suis moins enclin à être sympa.

En tout cas, ce n'est certainement pas un bon jeu si vous voulez commencer la série. N'importe quel épisode MSX, MGS1 ou MGS3 sont bien plus recommandés, MGS4 doit être vu comme la conclusion des six jeux qui l'ont précédé. Le seul jeu qui lui succède dans la chronologie officielle, Revengeance, n'est qu'un spin-off sans Snake qui semble pouvoir être pris indépendamment.


Cela dit, je dois admettre que jouer au jeu avec une bronchite est tout de même une expérience particulière. Vu qu'on incarne un Snake à l'article de la mort, j'ai souvent eu des quintes de toux synchronisées avec les siennes, ce qui m'a rappelé ma propre mortalité. Merci Dieu Kojima.

Sonicvic
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le 7 mars 2024

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