Découvertal Gear : 8/11
Kojima est un petit rigolo. Il a eu beau répéter à qui voulait l'entendre que Metal Gear le soulait depuis MGS2 et qu'il voulait passer la main, il a été strictement incapable de couper le cordon de son bébé (du moins, jusqu'à ce que Konami le vire). Pire, lorsqu'une équipe a réalisé un épisode canonique sans lui, son orgueil a été piqué au vif et il a décidé de faire mieux qu'eux et sur la même console, juste pour les humilier.
Et c'est ainsi que Portable Ops a cédé sa place à Peace Walker dans l'inconscient collectif comme le Metal Gear Solid de la PSP.
Episode qui a, pendant un temps, été pensé comme le cinquième jeu principal de la saga. Kojima a finalement contenu cette envie, ne voulant pas qu'un opus numéroté sorte sur console portable. Notez que ça ne l'aura pas empêché de ressortir 18 mois plus tard dans cette version HD.
On ne va pas y aller par quatre chemins, le jeu reprend les bases de Portable Ops et peaufine tout. On y retrouve la même structure en missions, mais qui cette fois-ci peuvent s'étendre sur plusieurs maps au lieu d'une seule ; on peut toujours recruter de force des soldats ennemis mais on n'a plus besoin de les traîner lentement jusqu'à un camion ; on a désormais accès à la marche accroupie de MGS4 (mais ramper n'est plus une option, bizarre) ; les inventaires sont bien plus vastes ; et surtout on peut enfin jouer avec un deuxième stick (du moins dans cette mouture HD), ce qui améliore énormément le gameplay.
Pour enfoncer le clou, le jeu va même jusqu'à reprendre l'artiste responsable des très belles cinématiques de Portable Ops, Ashley Wood, tout en lui offrant la possibilité de légèrement coloriser ses dessins, ce qui leur donne un très chouette effet aquarelle (en opposition au noir & blanc fonctionnel mais fade du précédent jeu).
Le jeu s'ouvre sur un bandeau précisant que les personnages et événements du jeu sont fictifs (notification indispensable vu la précision historique de la série, j'ai failli croire qu'un tanker s'était réellement échoué à New York en 2009 ou que Zanzibar avait déclenché une crise pétrolière en 1999) et se déroule en 1974. On y retrouve Naked Snake menant une armée de mercenaires, assisté par Master Miller (vous vous souvenez de lui ? Moi non plus) et cherchant à établir son propre état-nation pour offrir une protection à ses militaires. C'est alors qu'un universitaire du Costa Rica vient le chercher, accompagné d'une élève, Paz, et lui demande de libérer son pays envahi par des troupes américaines. Il lui promet une plate-forme pétrolière dans les eaux internationales s'il accepte de l'aider, le lieu idéal pour bâtir son empire…
Le fait que l'aventure ait de nouveau lieu en Amérique du Sud fait vraiment redite de MPO, quand je vous dis que Kojima a voulu poser ses couilles en reprenant toutes les bases du jeu, je ne mentais pas !
Abordons rapidement le point qui fâche : la continuité scénaristique. Si on retrouve un Snake meneur de troupes, prolongement logique de son personnage dans Portable Ops, un point majeur du scénario est que celui-ci doute du fait que The Boss ait été fidèle aux Etats-Unis lors des événements de MGS3. Je trouve que c'est complètement con puisque la fin de MGS3 (qui se déroule 10 ans plus tôt) établissait clairement que c'était le cas et qu'elle avait été victime d'un concours de circonstances l'ayant poussée à jouer un rôle jusqu'au bout, et MPO rajoutait carrément l'idée que sa mort était un complot prévu de longue date par un responsable américain. Cette piste est visiblement abandonnée (de ce que j'ai pu lire, MGS5 ne l'explore pas non plus) et on a la désagréable sensation de jouer un Snake qui a skip la cinématique finale de MGS3, alors que MPO se plaçait bien dans sa continuité.
Alors certes, MPO a été partiellement décanonisé et je peux comprendre l'intention de mettre en scène un héros qui n'a pas fait son deuil et reste dans le déni, mais je trouve que ça ne marche pas et pire, ça remet The Boss au centre de l'intrigue, et je commence à en avoir marre de cette série qui tourne autour de deux antagonistes (Ocelot et The Boss) depuis MGS1. Quand tu en viens à ramener un personnage mort mais ultra-populaire via l'excuse bidon d'une IA qui la copie, c'est signe que ta créativité est à bout de souffle. La galerie de personnages de cette série est suffisamment vaste pour qu'on varie un peu les têtes pensantes.
Bref, je trouve que le scénario est le point où Peace Walker se casse le plus la gueule, c'est possiblement le pire de la série juste pour cette sensation de stagnation. C'est le seul domaine où Portable Ops le surpasse, et pourtant il ne brillait pas spécialement non plus. Même le lien avec les Philosophes/Patriotes n'est fait qu'en toute fin de jeu, et aurait aussi bien pu ne pas exister vu qu'il n'aboutit à rien de marquant.
Autre point où je suis circonspect : le tutoriel au début qui dure trois plombes et nous bombarde d'infos. Certes, ce n'est qu'un mauvais moment à passer, mais quel Enfer de se faire interrompre toutes les 5 secondes par un tuto pour t'apprendre à bouger la caméra ou à appuyer sur R1 quand il y a une icône R1 à l'écran. C'est vraiment prendre son public pour des cons.
Le jeu n'échappe pas non plus à la lie des années 2010 : les QTE. Quelques cinématiques en proposent, et c'est juste trop chiant, elles arrivent sans prévenir et ça nous fait visionner les mêmes dialogues 10 fois tant qu'on n'a pas retenu la combinaison parfaite de touches.
Jusque-là j'ai dit beaucoup de choses négatives, donc j'aimerais revenir au positif.
Le jeu reprend le système de gestion de base de MPO et le simplifie grandement puisqu'on a désormais accès à un bouton pour assigner automatiquement les militaires au poste le plus approprié. Finie la gestion des menus qui prend trois plombes ! On peut même recruter Kojima en personne, si vous avez toujours rêvé d'en faire un cantinier, ce jeu est pour vous !
Couplée au nouveau système de recrutement qui n'impose plus de traîner des corps pendant 5 minutes, le gameplay est vraiment épuré et tout est beaucoup plus plaisant et rythmé à jouer. Comme dans le précédent jeu, on retrouve aussi beaucoup de missions annexes, qui sont désormais plus variées (extraction d'un prisonnier, séances photos, destruction de stocks adverses…) et permettent toujours de jouer des soldats random (mais pas des personnages uniques comme Emmerich ou Miller, dommage). Tout n'est pas toujours de bon goût, une des missions annexes consiste à séduire Paz pour qu'elle vous rejoigne sous un carton et que des coeurs en sortent… La gamine a peut-être 25 ans mais elle en paraît 15, donc bon, c'est gênant (et ça sort un peu de nulle part).
Elément de meilleur goût : tirer une seringue hypodermique dans la raie des fesses de vos adversaires les endort instantanément. Ca c'est le gameplay malin et subtil qu'on aime !
Le jeu a aussi une grosse composante multijoueur (comme Portable Ops, d'ailleurs), puisque la plupart des missions peuvent être effectuées en co-op et qu'on peut s'échanger des soldats à la manière de Pokémon. Je n'ai rien testé de tout ça, et je pense que les fonctionnalités en ligne sont mortes depuis longtemps, mais ça valait quand même le coup de le préciser.
Un mot sur ce portage HD qui, s'il est sans nul doute la meilleure façon de découvrir cet épisode grâce à son deuxième stick (Portable Ops m'a traumatisé), est quand même un peu feignant sur les bords. Beaucoup de textures ont été à peine lissées, c'est particulièrement voyant sur les différents costumes de Snake (j'en ai porté un pendant toute l'aventure avec le logo "MSF", c'était une bouillie de pixels à chaque fois que la caméra était trop proche). Les modèles 3D étant eux-mêmes relativement cubiques, ça en fait l'épisode le plus moche de la HD Collection alors que c'est le plus récent des trois.
Tiens et d'ailleurs, certains ennemis ont les lettres "PS" sur leurs uniformes, une preuve implacable que François Mitterrand est le réel antagoniste de cette série !
Au niveau du doublage, je tiens à signaler la présence d'Anthony Del Rio, qui jouera Pit de Kid Icarus Uprising l'année suivante, et dont la voix est reconnaissable entre mille, malgré l'accent sud-américain qu'il force. C'était très drôle de voir son personnage se faire kidnapper par un drone, comme quoi, tous ceux qu'il incarne volent bas !
Autre performance notable : une photographe française qui parle parfaitement anglais. Probablement l'élément le plus irréaliste de la série.
On rigole, on rigole, mais on va quand même finir sur quelques notes négatives. Déjà, les boss sont très peu intéressants tout le long du jeu, il s'agit de simples robots avec des designs peu recherchés et qu'on défonce toujours de la même façon : spammer les lance-roquettes et appeler des renforts lorsqu'on tombe à court de munitions. Longs et répétitifs, ce sont plutôt les boss/véhicules du début de jeu qui sont les plus amusants à combattre puisqu'ils sont assistés de fantassins, qu'on peut tenter d'attaquer discrètement afin de voler le véhicule (et l'utiliser dans des missions en ligne). Un défi annexe amusant mais qui n'est malheureusement présent que dans trois combats, donc.
J'ai célébré le rythme du jeu, malheureusement celui-ci perd en intérêt à la fin. Le chapitre 4 est plus axé fusillade qu'infiltration, et comme toutes les séquences de ce style dans la série, ça s'y prête vraiment mal.
Mais, pire que tout, le chapitre 5 est composé de missions ultra-répétitives où l'on doit retrouver un prisonnier en fuite dans 6 zones différentes, chacune ne se débloquant qu'après avoir fait trois missions annexes. Si vous avez effectué les missions annexes en parallèle des chapitres précédents, vous allez juste vous retrouver à refaire en boucle des opérations que vous aviez déjà faites, c'est franchement décourageant.
Et surtout, le boss final ne se débloque qu'après ces 6 missions, un niveau 40 pour votre équipe de renseignement… Et la construction de votre propre Metal Gear, qui elle-même dépend de la manière dont vous avez abattu les boss du jeu. Vous allez potentiellement vous retaper ces combats chiants comme la mort pour que la RNG vous accorde les pièces dont vous avez besoin, alors que cet aspect du jeu ne paraissait être jusque-là qu'une quête annexe pour vous aider en mode multijoueur. C'est vraiment nul à chier, j'ai pas d'autre mot, et je n'aurais jamais deviné tout ça sans guide. Pitié, faites que MGS5 n'ait pas un système similaire…
Pour couronner le tout, le boss final utilise un système de lock qu'on ne trouve nulle part ailleurs et qui bugue une fois sur deux. On ne relèvera même pas l'énorme faute de goût qu'est de nous faire affronter une gamine en culotte aux commandes d'un mécha et sur un fond de J-pop. Je pense qu'il n'y a pas pire moyen de conclure un jeu d'espionnage.
J'ai été critique, mais Peace Walker est globalement un épisode satisfaisant, qui approfondit les bonnes bases de Portable Ops. Dommage que son histoire soit franchement décevante (surtout que jusque-là j'aimais beaucoup les scénarios de Naked Snake) et que sa deuxième moitié soit victime de gros problèmes de rythme et de game-design.
Ca reste un bel adieu de la série à la PSP, qui aura mine de rien eu beaucoup de jeux avec Snake, ainsi qu'un des derniers gros titres de la console.