La critique plus fluide avec images ici: http://lamalledemanji.blogspot.fr/2015/10/retour-sur-mgs-v-le-mal-aime.html
Pitch du jeu: 9 ans après les évènements survenus dans Ground Zeroes, le prélude à ce Phantom Pain, Snake reprends du service dans sa lutte contre Zero ou plutôt Cipher. A l'aide de Kazuhira Miller et de Revolver Ocelot, Venom Snake prends la tête des Diamond Dogs et se lance dans plusieurs opérations de mercenariat en Afghanistan. Son point de chute: une plateforme militaire située aux Seychelles...
Après ce pitch laconique et candide voir presque digne d'un résumé de film façon Télé 7 Jours préservant l’innocence du joueur non averti, j'aime autant prévenir les fous qui se risqueraient à lire ces "quelques" lignes que je vais spoiler à tort et à travers pour parler de ce jeu, ou plutôt de son traitement scénaristique, évoquer ces faiblesses mais surtout mettre en avant son audace et ses qualités. Pourquoi une telle démarche alors que je n'ai pas écrit sur les jeux vidéo depuis des années (et jamais en ces lieux d'ailleurs)? Et bien sûrement parce que je suis las de lire les avis négatifs des "vrai fans" de la série quand leurs arguments reposent uniquement sur leurs attentes personnelles ou leur vision "biaisée" de ce que doit être tel ou tel opus de la saga. Internet a au moins profité à une chose: l'égo (non pas la firme Danoise). Ça tombe bien MGS V y fait référence de même que l'un de ses sujets clef est le parasitisme. Je me demande d'ailleurs s'il existe un parasite plus féroce que le fan qui va se nourrir d'une série (peu importe le média) et par extension d'un auteur jusqu'à exiger, consciemment ou non, que ce dernier se plie à ses désirs jusqu'à "désapproprier" ce même auteur de sa création (le désir l'emportant souvent sur la raison) en révisant l’œuvre originale, en rejetant toute nouvelle expérimentation ou pire en statuant que l'auteur ne fait pas ce qui doit être fait. Je lisais encore il y a quelques temps ceci: "j'attendais autre chose de ce MGS. Un MGS4 bis? Certainement." ou encore "Où sont Gray Fox et Sniper Wolf? C'est pas le jeu que je voulais!" Le serpent se mord la queue (preuve que Snake n'a aucune leçon à recevoir en matière d'onanisme)...
Attention, je ne charge pas tous les fans avec ces propos, et si j'ai écris ces lignes ci-dessus sur le coup de la colère, la lecture de forumeurs censés et réfléchis (salut Thorongil, Murcielado et autres) m'a quelque peu apaisé même si je ne suis pas toujours d'accord avec eux sur certains points... J'aimerais dire aux autres que l'on peut ne pas aimer un parti pris, un arc scénaristique tout en comprenant sa démarche. On peut même mettre en évidence les scories de tel ou tel épisode de la saga (et il y en a dans ce MGS V comme dans tous les autres opus) mais il est important de se souvenir qu'une œuvre, si elle s'inscrit dans une saga, doit aussi avoir une identité propre en adéquation avec un propos, de même qu'un scénario ne doit pas être réduit à une "histoire", c'est plus que ça. J'ai pu lire tellement de discours réducteurs sur le jeu qu'il est important de replacer certains éléments dans leur contexte et de rappeler pourquoi ce dernier opus de la saga MGS est loin d'être un "navet"...
Rafraichissons d'abords les esprits engourdis par le froid automnal avec quelques faits. Si on entend parler du projet MGS V depuis quelques années déjà, les joueurs ne sont pas sans savoir que tout ne va pas bien entre Konami (l'éditeur) et Kojima (le game designer). Cela se traduit par une première amputation: MGS V: Ground Zeroes. En 2013, la presse spécialisée révèle que MGS V sera scindé en 2 parties et c'est en 2014 que sort Ground Zeroes qui apparait comme étant le prologue de TPP (un peu comme le tanker de MGS 2 ou la "Virtuous Mission" de MGS 3). Sur le papier, Konami prétend faire patienter les joueurs, dans les faits il s'agit d'avoir une rentrée d'argent "intermédiaire" pour amoindrir le coût gargantuesque de MGS V. Pour Kojima, il s'agit de placer un "épisode pilote" ou un épisode "test" avant la sortie de la saison complète de TPP, pardon du jeu complet. La manœuvre divise mais Kojima glisse quelques "cadeaux" qui récompenseront les joueurs qui migreront sur TPP... Mais à l'échelle d'une œuvre (car n'en déplaise à certains on peut considérer le jeu vidéo comme un "produit artistique") qui tient le discours de TPP, c'est un "sacrilège" qui brise certaines implications du récit (Ground Zeroes aurait fait une introduction onirique parfaite avant le réveil de Venom Snake). Tout va de mal en pis et le divorce Konami / Kojima est annoncé. Cependant les fans sont "rassurés", MGS V sortira début septembre 2015 après des années de trailers et de manipulations de Kojima dont celle qui restera peut-être le plus dans les esprits est le "studio Moby Dick" porté par un certain Joakim Morgren (en réalité Kojima sous un habile déguisement que l'on retrouvera dans TPP). Attention je ne suis pas là pour faire le procès des uns ou des autres, ce n'est pas le sujet (même si j'ai clairement un parti pris quelque part, ce qui est mal).
Arrive Septembre 2015 et du côté de la presse vidéo ludique le jeu remporte un certains succès et atteint la barre des 94-96/100 sur Meta Critic (pour ce que ça vaut, hein). Les joueurs commencent à s’approprier le jeu et l'extase est totale, jamais un MGS n'avait offert un gameplay aussi exemplaire et un moteur graphique aussi efficace. Mais au fil des jours, une frange (de plus en plus importante) de joueurs commence à montrer leur mécontentement. La guerre civile éclate. Les uns dénigrant les autres, le travail de Kojima est traîné dans la boue par quelques uns (souvent adeptes du "lol") et seuls quelques égarés s'interrogent sur le sens de ce dernier Metal Gear estampillé A Hideo Kojima Game (ou même dernier tout court, c'est beau de rêver)... Pour jouer avec cette saga vidéo-ludique je reprendrais l'un des cartons d'introduction de MGS 3, une citation de Naked Snake (futur Big Boss), en le parodiant avec la situation actuelle: "After the end of MGS V: The Phantom Pain, the fanbase was split into two - Lovers and Haters. This marked the beginning of the era called the Kojima War."
Il est donc temps de jeter un œil à ce que vaut vraiment ce The Phantom Pain. Ici pas d'interprétations fumeuses, juste de l'analyse (ma formation oblige) adaptée aux codes du genre. Les rares fois où je pourrais extrapoler, cela sera sur des faits quasi avérés mais, quoiqu'il en soit, jamais infirmés dans mes 2 runs et mes 250 heures de jeu...
Retour sur The Man who sold the World.
Il est temps d'aborder (enfin!) la trame narrative du jeu et les thèmes abordés (et forcément les choses qui fâchent). On retrouve dans ce jeu toute les obsessions de Kojima: la mémétique, l'écriture de l'Histoire, les menaces "invisibles" (le nucléaire, certes mais pas que. On pense aux épurations éthniques, la disparition des cultures), la désacralisation des icônes et même les rapports œdipiens, tout ça saupoudré de références littéraires et cinématographiques bienvenues pour la plupart (1984, Moby Dick, Kagemusha, Sa Majesté des mouches, Pontypool, Terminator...). On ne pourra pas dire de ce jeu que ce n'est pas un MGS (et oui je sais que vous le dîtes vous là-bas). Vous entrez à présent dans la spoiler zone comme jamais auparavant...
Déjà, (re)balançons le twist final avant de bien mettre en avant que derrière le scénario simple (pas simpliste) de ce TPP, de nombreux thèmes propres à toutes la saga sont mis en place bouclant ainsi bel et bien la boucle, non pas forcément par des "faits", mais bel et bien sur le plan de l'idéologie. Le twist donc... A l'instar d'un MGS: Peacewalker (considéré comme le 5 à l'époque, de l'aveu de Kojima), TPP nous propose d'incarner "Big Boss" dont le nom de code est à présent "Venom Snake" (vous pouvez même rajouter "Punished" avant si vous aimez jouer cartes sur la table) aux prises avec une histoire plus simple (plus digeste diront certains) que MGS 1, 2 ou 4. Cela fonctionnait déjà à merveille avec PW où l'intrigue se recentrait sur l'élément humain (ah la "trahison", les désillusions et l'abandon du bandana de The Boss...) tout en innovant sur le gameplay, "la touche Big Boss" quoi. Rebelote donc pour ce MGS V (prononcez MGS Vi pour montrer que vous avez tout compris au jeu avant même de lire cet article) avec une bonne vieille croisade vengeresse loin des complots et des twists à répétition de la saga. Quoique... Le joueur à l'écoute du jeu découvrira assez vite, du moins s'il ne croit plus au Père Noël, que quelque chose cloche avec "son" Snake (ce n'est pas sale, à priori). Bien sûr il y a la chanson "The Man who sold the world" de David Bowie ou plutôt la reprise de Midge Ure, il y a tout ces personnages qui ne semblent pas vraiment reconnaitre Big Boss ou encore des élément de game design qui poussent le joueur à s'interroger sur l'identité de ce Snake mais surtout il y a le traitement du personnage, TOUT SIMPLEMENT. "Big Boss" est quasiment désincarné dans ce jeu et je trouve aberrant que certains fans imputent la responsabilité à l'acting de Sutherland. Oui, Sutherland est peu loquace, monolithique (et encore) et usé car c'est ce qu'est le personnage de Venom Snake. Une coquille pour la légende: ce n'est pas Big Boss que l'on joue mais un anonyme (ou presque puisque Venom c'est vous, oui vous et vous aussi, sympa le Kojima! Pas forcément au début, on reparlera plus tard d'évolution, d'envol), un homme de confiance qui sert la légende mais surtout un homme de l'ombre sacrifié sur l'autel de l'Histoire. En effet, ce brave "médic" qui semblait apparaître déjà dans Peacewalker (ce premier soldat adepte du CQC qui appelait Snake "Vic Boss") va subir un reconditionnement total à base d'hypnose durant son coma pour profiter de l'expérience et des souvenirs de Big Boss puis profiter de quelques opérations de chirurgie pour devenir le portrait presque craché du soldat légendaire (oui, pour ma part il y a des différences physiques entre les deux visages). Mais tout cela suffit-il à faire du médic / joueur, un leader aguerri? Souvenez vous l'une des premières phrase de Venom à Kaz: "Dis moi ce que je dois faire. Guide-moi comme tu le faisais avant!" On se retrouve donc avec une créature sans repères, presque un homoncule quand on y pense (gueule couturée, bras bionique, corps à fonction de réceptacle), livrée aux mains de ceux qui écrivent l'Histoire: Big Boss qui reste loin et le joueur qui est sur le terrain. D'ailleurs, quand on y pense, Big Boss dans sa vision libertaire de l'existence (faussée certes par son rapport à The Boss et à Zero) ne sera jamais contrôlé par le joueur. Dans MGS 3, il s'agit de Naked Snake, dans Peace Walker, il s'agit de Snake tout court jusqu'au propos final "From now on Call me Big Boss!" référence direct à Snake Plissken, le héros "nihiliste" de Escape from New York (et jugé dangereux par son propre créateur, ici Carpenter)... Revenons à nos moutons (et dieu sait qu'il y en a dans ce jeu). Venom sort d'un long coma de 9 ans. Il n'en sort pas vraiment de son plein grès, mais est réveillé par Ocelot et Big Boss qui maintenaient Venom dans un coma artificiel (oui il faut écouter les 152 cassettes audio qui servent à comprendre le scenario - et ces cassettes audio ont un plus par rapport aux codecs: on peut les réécouter, alors faîtes le comme Travolta dans Blow Out, il n'y a que 6H de bandes) pour mener à bien un projet initié par Zero avant que celui-ci deviennent un légume, dernier acte d'amitié sincère pour Big Boss (ce qui permet au joueur de comprendre qu'au final Zero n'est pas le pire des salauds). Venom n'en sort pas vraiment en grande forme de ce coma vu qu'il a "pris cher" lors de l'explosion de l’hélicoptère (souvenez vous, Paz, Ground Zeroes, tout ça, tout ça...).
Bien sûr, il y a le bras manquant, le gauche en l'occurrence, mais loin de s'improviser David Chiang dans La Rage du Tigre, Venom troque son handicap contre une prothèse cybernétique Hi-Tech offrant tout un champ de possibilités de gameplay bienvenues mais très loin de proposer une vision idéalisée du transhumanisme, loin de là. Il est amusant de noter que les couleurs de ce bras bionique renvoi plus au schéma de couleur du Serpent corail qu'à celui du bras de Zadornov dans PW (à moins qu'il ne s'agisse du schéma du "faux serpent corail", un serpent qui se fait passer pour un autre...). Il y a aussi cet éclat de shrapnel logé dans le lobe frontal du simili soldat légendaire. Indélogeable, ce corps étranger entraine une dégénérescence des capacités de Venom ainsi que l'éventualité d'être victime d’hallucinations de toutes sortes. Enfin, le corps de notre héros est parasité par de nombreux éclats d'os et autres fragments de dents, 108 en l'occurrence, un chiffre cher à nos amis Orientaux symbolisant à la fois les notions de néant, d'individualité et de totalité et qu'on retrouve dans un nombre d’œuvres incroyable (le premier auquel je pense est le monument qu'est Au bord de l'eau mais on pourrait citer Hokuto no Ken et même Suikoden, prestigieuse licence de Konami justement). Ce chiffre 108 n'est donc pas anodin, il symbolise le "refus" de soi, la négation de l'ego pour arriver à une forme d'élévation extatique et c'est peut-être ça qui fait que Venom est un homme "meilleur" que Big Boss (il n'utilise pas les enfants pour faire la guerre, il n’exécute pas les traitres...). Ce 108, c'est nous les joueurs dans notre globalité qui nous incarnons tous ici dans un seul corps, celui de Big Boss en négation de celui de Venom et c'est "Nous" qui le rendons meilleur (la fin secrète sur le nucléaire en témoigne mais on verra ça après): 1+0+8. Venom est donc un être diminué et composite sur lequel se calque une projection de Big Boss. Officiellement, par le biais de l'hypnose, officieusement par le biais de la vision des joueurs qui semblent ne pas comprendre, dans un premier temps, que leurs visions et attentes du personnage (de Big Boss) n'apparaissent pas chez ce Venom...
Les fans voulaient voir Big Boss devenir un démon, pourtant le jeu ne nous sert pas ce plat là, il n'y a pas de transition, de cheminement véritable, juste un fait: "Kaz, I'm already a demon" dès la deuxième mission. Depuis Peace Walker déjà, Big Boss est entré dans une démarche belliciste qui a atteint un point de non-retour. Dès lors que l'homme devient ressource quantifiable et "qualitatifiable", qu'une sélection "naturelle" s'instaure et que le joueur commence à abattre des soldats plutôt que de les extraire, il n'y a plus de question à se poser. Et je ne parle même pas de l'expérimentation propre aux joueurs et dont les soldats seront invariablement victimes (cela me fait penser que je n'ai pas encore testé le lance-flamme de mon D-Walker). D'ailleurs c'est à ça que sert l'élément de gameplay connu sous le nom de "points de démon" (oui on se casse le cul chez Kojima Prod), ce compteur secret qui vous pénalise à chaque mauvaise action et dont l'impact visuel se traduit par une corne disgracieuse de plus en plus imposante (brisant encore une fois le rapport d'identification au vrai Big Boss et en cela c'est déjà ultra punitif) et avec un faciès couvert de sang ne partant plus au lavage, design qui renvoi plus à l'Oni Japonais (créature rouge et cornue très agressive) qu'au démon au sens occidental du terme, le Kanabo japonais, sorte de masse en métal, devenant le bras de Venom. Les Oni sont des créatures protectrices mais altérées par leur concomitance avec les ténèbres, ce qui les pousse vers la voie de la destruction (ça ne vous rappelle pas quelqu'un?). Aussi c'est encore une fois toute l'évidence de la vie de mercenaire (et donc de "Oni") qui se traduit par cette mécanique car plus vous jouerez, plus vous "sélectionnerez" qui doit vivre et mourir, plus vous "expérimenterez" sur des soldats mêmes pas réellement aux ordres de Skull Face (armée Russe, milices Sud Africaines) et plus vous perdrez de votre humanité (toute proportions gardées bien entendu). Le temps (de jeu) renverra alors aux 11 ans qui sépare ce TPP de Metal Gear 1 sorti sur MSX. Vous l'aurez donc bel et bien votre créature déshumanisée par un conflit sans fin mais j'y reviendrais également.
Pour faire face à une telle créature "spectrale" ou "fantomatique" (car, je l'ai dit, désincarnée), il faut un antagoniste au niveau: Skull Face. Quand je lis les gens sur les forums, j'ai l'impression que c'est le "vilain" le plus mal aimé de tous les MGS ou plutôt le plus sous exploité et pourtant... Rarement un méchant "One Shot" aura été aussi efficace. Attention je vous parle bien d'un véritable "Bad Guy" dont la fonction est d'exister dans un seul épisode (comme Volgin en son temps). Analysons déjà son design formidable issu de l'imagination tortueuse de Shinkawa et Kojima. "Monstre" sans visage et sans passé (on lui a pris les deux), Skull face vit dans l'ombre de Big Boss depuis bien longtemps. Lorsque l'unité FOX brillait sur le terrain, l'unité XOF se chargeait du nettoyage et du bon déroulement des opérations. Un travail ingrat qui laissera une rancœur tenace chez Skull Face envers Zero, celle d'un gosse déçu par son père, le même type de rancœur que nourrit Big Boss envers Zero/Cipher (et plus secrètement envers The Boss qui a "baissé les armes"). L'opération Ground Zeroes est d'ailleurs autant un désir de plaire à la figure paternelle ("faire mal à Big Boss pour plaire à Papa") que de la déstabiliser ("tu l'aimes plus que moi et ben je le tue!"). C'est aussi une rancœur qui fait avancer les choses pour le meilleur et pour le pire et il est dommage que ce "segment" ne soit pas resté collé au reste du "corps". Nombreux sont les gosses brisés qui jouent à faire la guerre dans MGS (Big Boss, Skull Face, Eli/Liquid Snake, Solidus, Ocelot...). L'une des plus belles cut-scenes du jeu y fait référence d'ailleurs. Ce moment improbable entre Quiet et Venom qui jouent tous les deux sous la pluie, à s'éclabousser, comme si le monde ne s'écroulait pas autour d'eux. On peut y voir de la romance mais pas que (la scène improbable d'anniversaire également même s'il s'agit plus d'un simple clin d’œil au joueur). D'ailleurs le plus grand crime de ce MGS, c'est de ne pas pouvoir revoir ces cinématiques optionnelles (et pourtant indispensables) via un menu mais je m'égare.
Revenons à Skull face qui pour témoigner de sa "non-existence" va jusqu'à cacher son identité derrière un masque comble de l'ironie vu qu'il n'a pas de visage ou démarche désespérée de s'inventer une identité, d'exister dans la saga (comprendre être reconnu)? Et il y a bien sûr cette arme qui renvoi tellement au personnage de Venom ou de Kaz (et par extension à leur quête de vengeance) que s'en est fou que personne n'est rebondit dessus sur les forums. Une winchester à canon scié et dont la crosse (sciée également) est fait à partir d'un os humain. Il crache littéralement ce "membre fantôme" à la gueule de ses adversaires qu'il a estropié. Et cette interprétation aux petits oignons de la part de James Horan! Skull Face, un homme dépossédé de sa langue natale et qui prévoit de créer une épuration linguistique (véritable force de frappe plus redoutable encore que le nucléaire, l'Histoire en témoigne), semble placer chaque mot avec le respect qui lui est du. Son débit presque aristocratique et grand guignolesque des phrases témoigne de son obsession. Franchement: "Today is the day weapons learn to walk upright!", tout est dit. J'ai rarement vu un méchant aussi grandiloquent et juste à la fois. On dirait du Ku Feng. Mais non, on lui reproche un faible temps à l'image, l'absence de Boss Fight et une mort anecdotique. Pourtant tout fait tellement sens. Ce personnage appartient au "hors-cadre", Skull Face est passé à côté de sa vie durant toute sa foutue existence, il ira même jusqu'à disparaître des livres d'Histoire comme il l'évoque lui-même (tout comme Venom invariablement: Big Boss dira qu'il a été effacé 3 fois au total - MG1, MG2 et MGS 4, Venom n'existera jamais et si Venom meurt, le joueur est gratifié d'un "game over" pas d'un "Time Paradoxe", forcément la légende c'est Big Boss pas Venom). Le seul "fait d'arme" de Skull Face sera d'avoir rendu Zero débile et incapable de mener à bien son projet par lui-même. Il n'affrontera jamais Big Boss, ni même Venom. Sa mort (excessivement violente pour un MGS) le morcellera littéralement comme pour le disperser aux quatre vents, pour le faire disparaître. Pire, il sera achevé par Huey (le "négationniste émotionnel" du jeu) qui détruit tout assouvissement vengeur possible avec les protagonistes et s'offre ainsi une vengeance aussi vide de sens (pour Huey) qu'anecdotique. Et cette fin ou plutôt cette disparition ne clos rien, n'apporte aucun soulagement et un deuxième chapitre s'enclenche. Les personnages n'y gagnent rien, la douleur fantôme est toujours là, la vengeance est assouvie sans l'être.
Cette fin me fait penser à l'un des plus grands films de l'Histoire du Cinéma à savoir Conan le Barbare de John Milius (qui partage certains points communs avec MGS V du côté de chez Nietzsche mais pas aussi simple que le raccourci du mythe du "surhomme" dont on taxe le film). A la fin du film, Conan décapite Thulsa Doom face à ses fidèles après avoir écouter son monologue sur la quête de vengeance en tant que "paternité" du protagoniste. Pas de grande bataille, de combat contre quelques créatures contrefaites (dirait Robert Howard). Sa vengeance accomplie, le cimmérien s'assoit sur les marches. Il n'y a plus de "moteur", juste un "vide". C'est pareil dans TPP, pas de grandiloquence, de cut-scenes démonstratives et hollywoodiennes (Ocelot nous avait prévenu pourtant dans une séquence "optionnelle"), juste des personnages qui reste "pantois" face à des sentiments qui les dépassent au final. Et pour le joueur, une nouvelle frustration. Il ne gagne rien. Il n'a pas vraiment affronté le "formidable salaud" (violeur, adepte du génocide et de l'expérimentation sur les enfants) qu'est Skull Face et qui ne suscitera peut-être jamais la sympathie malgré son traitement digne des meilleures tragédies grecques. Il est d'ailleurs l'anti-thèse du "gentil" Venom malgré leur quête de "vengeance" qu'ils partagent d'une certaine façon, mais il parviendra à semer quelques idées douteuses dans la tête du doppleganger de Big Boss (et 9 ans avant, c'est carrément un bout de métal qu'il avait "inséré" de façon brutale dans la tête de Venom). Le joueur reste là, gros-jean comme devant, avec sa manette face au chapitre 2, il doit continuer à avancer mais est dépossédé de l'objet de sa quête. Mais cette absence (celle de Skull Face) est obsédante. Les joueurs mécontents en sont les témoins formidables. Ils se plaignent de ne pas avoir assez vu Skull Face et se plaignent de sa mort mais au final son obsédé par lui et par sa mort, tout comme il apparait à Venom sur le pont principal de la mother base après son décès. Mais le plus drôle, c'est que Skull Face, tout comme Venom, n'aura été qu'un outil sans visage (brulé pour l'un, refait pour l'autre) aux mains des "puissants" (Zero et Big Boss). Oh j'oubliais cette scène tant décriée du grand silence (salut Corbucci) dans la Jeep où Venom et Skull Face se dévisagent sans mots dire sur fond de Donna Burke. Elle a souvent été comparé à celle de l'échelle de MGS 3 avec comme propos acerbe qu'elle était ratée. Et pourtant. Dans MGS 3, Naked Snake est mu par sa volonté, il est déterminé: cette échelle c'est une ascension, presque un boss et le joueur accompagne Snake en le faisant avancer. Ici, Venom est "victime" de l'action et de sa condition: il subit et pour le joueur la temporalité est une "agression" (certains vaquent même à leurs tâches sur l'idroid). Venom ne sera jamais maître de son destin. Reste que pour être parfaite, le personnage de Venom aurait du rester plus immobile, les animations de "détente" du personnage ainsi que la possibilité d'utiliser l'idroid nuisent au propos à ce moment du jeu, un mauvais point pour une idée formidable. Kojima aurait du être moins permissif sur ce coup (preuve que tout est loin d'être parfait dans ce MGS V). Enfin je l'ai dit précédemment, Venom / Skull Face même combat du côté des personnages dépossédés à tel point qu'on ne sait plus si l'emblème d'Outer Heaven nait de Venom et sa corne ou de Skull Face et son visage de Faucheuse. Cette fois Kojima ne fait jamais dans le démonstratif (cf MGS3/MGS 4) et c'est au joueur de se creuser la caboche pour tirer du sens et analyser les choix de narrations...
Kazuhira Miller, ou Kaz pour les intimes, fait partie des têtes d'affiche. L'opération Ground Zeroes a laissé d’indélébiles stigmates chez ce personnage. Bien sûr, cet "entrepreneur" de l'économie de guerre a perdu une jambe et un bras, s'improvisant véritable Long John Silver (ou capitaine Achab si ce "nom" n'était pas déjà emprunté par Venom), mais sa véritable "Phantom Pain" reste celle de la perte de ses hommes et de son idéal mercantile (qui l'avait déjà jeté dans les bras de Cipher dans PW trahissant ainsi, une première fois, Big Boss). Attention on peut lire à droite, à gauche qu'il aurait perdu ses membres après Ground Zeroes en Afghanistan lors de l'assaut des Skulls. C’est, je pense, une erreur pardonnable (pas de données précises) ou au mieux une extrapolation que je ne rejoins pas. J'ai eu beau refaire la mission "les membres fantômes" et écoutez les cassettes sur le sujet, rien ne dit que c'est en Afghanistan qu'il a perdu du poids. D'ailleurs c'est pas vraiment dans le genre des Russes d'y aller à "l'arrache" comme ça. La fin de Skull Face confirme également que c'est bien dans l'explosion de l'hélicoptère Morpho qu'il a perdu ses membres puisque Kaz, fan de la loi du talion, les arrache littéralement au "malheureux" chef du XOF. Comment pouvait-il être sur le terrain alors? Et bien, il était simplement chargé de former les moudjahidines pas de mener une guérilla (et puis ce bon Miller ne nous accompagne-t-il pas à OKB Zero dans le Peequod?)... Quoiqu'il en soit, c'est un personnage désabusé et rongé par la colère, colère dans laquelle il se conforte (pas de prothèse hi-tech) voir qu'il attise (élimination des alliés potentiels comme Quiet). Mais c'est aussi cette douleur fantôme qui le pousse à créer les Diamond Dogs et a relancer une nouvelle Mother Base près du continent Africain. Il représente ici la haine, la vengeance, la partie "démoniaque" de Venom (Kaz et Ocelot se partageant la morale de Venom - cf scène de la capture de Quiet par exemple avec une troisième inconnue qu'est le joueur) et se lance dans une croisade aveugle (haha) où son jugement est faussé par sa rancœur (oui comme certains joueurs). Kaz est persuadé tout du long de lutter contre Cipher, puis lorsqu'il comprend que la menace est plus complexe (Skull Face est la véritable cible se servant de quelques cellules de Cipher comme d'un outil), il ne comprend pas sa démarche. Ainsi il pense que Skull Face veut imposer la langue anglaise et détruire tous les autres idiomes, alors qu'il n'en est rien, la cible à abattre c'est justement l'anglais (le dialecte pas Terrence Stamp)...
Son tempérament sanguin le pousse à se conforter une nouvelle fois dans une "phantom pain" lorsque le plan de Big Boss lui est révélé par Ocelot et c'est sûrement la chose la plus terrible pour le "mercenaire" qui avait de grands rêves dans le business de la guerre. On ne lui jettera pas la pierre, loin de là. Je reviens sur cette révélation d'ailleurs. Il est difficile de la placer avec exactitude dans la time line du jeu. Elle survient à la fin du jeu certes, mais pour ma part je pense qu'elle a lieu quelque part avant le réveil de Venom et la capture de Kaz par les Russes. Kaz est mis en partie au courant par Zero du retour potentiel de Big Boss. Le patient Anglais (mouah ah ah!) indique d'ailleurs à Miller qu'un vieil ami de Big Boss, Ocelot, sera là pour l'aider à préparer sa nouvelle armée. Cela expliquerait deux choses dont une qui turlupine terriblement les joueurs. La première, la plus citée donc, concerne le manque de réactions de Kaz vis à vis de la corne de Venom. Bien que la cataracte de Miller soit bien avancée, plusieurs scènes laissent sous-entendre qu'il n'est pas aveugle or celui-ci sait parfaitement que c'est le medic qui a reçu un éclat dans le lobe frontal. C'est pour ça qu'il dévisage un moment Venom quand celui-ci le sauve, il comprend que le plan de Zero / Big Boss est en marche. Ce qui nous amène au deuxième point: l'excessive émotion de Miller face à Venom. Ingame, plus les actions des joueurs sont efficaces plus Kaz va encenser Venom par des "You're truly amazing Boss!" ou encore "You're the one and only, Boss!" : il veut croire en la figure de Big Boss et son retour, souvenez vous sa requête lorsqu'on le délivre de sa cellule: "Say the words!". Si le joueur presse la touche d'action il lâchera un "kept you waiting, huh!" célèbre phrase de Ground Zeroes mais pourtant le jeu d'acteur n'est pas du tout le même à ce moment là et kaz semble s'en satisfaire "It's really you!". Kaz accepte de suivre un leurre, un miroir aux alouettes. Mais a contrario les décisions "pacifistes" de Venom mettent Kaz hors-de-lui, celui-ci n'hésitant pas à bousculer celui qui croit être Big Boss et lui tient des propos moralisateurs (quand il n'ordonne pas à ses hommes de braquer l'hélicoptère où se trouve Venom et Quiet). Kaz connait donc parfaitement la vérité (du moins selon mon analyse) et sait qu'il a besoin de ce "double" pour assouvir sa première vengeance (celle contre Skull Face / Cipher) puis sa seconde (celle contre Big Boss) qui le poussera à revenir du côté des Patriots (en participant à la formation de Solid Snake). C'est le personnage le plus touché par la "Phantom Pain" (exception faîte du joueur) et qui sera détruit physiquement et mentalement jusqu’à trouver finalement la mort peu de temps avant MGS 1 des mains de son "rival" Revolver Ocelot, avec qui il doit "coexister" pour ce TPP (ce sont ses propres mots).
Ah justement Revolver Ocelot, LE personnage de la saga... Lui qui prophétisait déjà les faits de ce MGS V (en rapport avec ceux de MGS 2): "Given the right situation, the right story, anyone can be shaped into Snake.". Troy Baker donne une très bonne interprétation du personnage qui montre cette fois une facette plus "naturelle" du personnage (il ne joue pas double-jeu, consciemment du moins, et participe au développement de la nouvelle "armée" de Snake). Le comédien parvient à jongler avec le côté paisible du personnage dans cet épisode et la théâtralité que l'on retrouvait chez ces précédents doubleurs (Zimmerman en tête). Cependant sa présence laisse les joueurs dubitatifs, il semble être "en vacance" cracheront certains. Ils font bien sûr référence à son côté plus posé, Ocelot est en effet la conscience pragmatique de ce Venom en construction. Il incite le joueur à faire les "bons" choix et veille ainsi à l'accomplissement de la volonté de Big Boss tout en se réservant quelques vices du côté de la torture (la seringue dans la jambe de Huey). Mais son flegme, son apathie diront les mauvaises langues, se justifie de par le fait que, s'il n'a rien perdu dans l'opération ground zeroes, sa douleur fantôme est bien plus complexe. Ocelot est un personnage sans réel passé, tout lui a été pris très jeune par les Patriotes (qui l'ont enlevé et formé pour devenir l'espion ultime) jusqu'à la vie de sa mère, The Boss, des mains de Big Boss, le soldat qu'il admire par dessus tout. Son existence sera toujours fait de faux semblants sans lesquels il n'a de raison d'exister. Les premières cassettes attestent d'ailleurs de ce fait lorsqu'elles évoquent le surnom "Shalashaska" qui est en réalité l'image ou encore l'idée que se font les soviétiques de ce personnage et de sa réputation (les surnoms sont très importants dans cet opus). Sa vengeance est sourde, muette, donc bien plus dangereuse et viscérale que celle des autres personnages. Comble de l'ironie il fait partie (avec Big Boss) de ceux ayant participé à la création de Cipher. Son existence même est sa "phantom pain" et sa vengeance tout aussi auto-destructrice que celle de Miller (si ce n'est qu'elle sert une cause "plus juste") lui fera perdre plus que la vie (son "identité" certes mais aussi sa "famille de substitution" à savoir Big Boss, Liquid et même Venom). Dans ce MGS V, il apparait donc plus sombre (pas au sens "ténébreux" mais au sens "accablé") et plus humain que par le passé (scène de DD, Scène du couteau dans le corps de Venom, entrainement des troupes et citations de Big Boss), ce qui ne plaira pas à tout le monde... Et pourtant, c'est bel et bien un processus d'effacement qui s'opère (d'où cette impression de "banalité" en comparaison de ses fresques des épisodes précédents), l'effacement d'Adam ou Adamska au profit de Revolver Ocelot, au profit d'une cause plus grande, au profit de la réussite de Solid Snake dans MGS 4. Dans cette optique les scènes de complicité entre lui et l'image de Big Boss (voir Big Boss lui même via les cassettes et la très sympathique remarque sur "les Français") sont à chérir autant que les photos de Paz glanées sur les âmes en peine de la Mother Base et qui errent à présent sur le champ de bataille à la recherche de quelque chose qui leur fait défaut.
Et Quiet dans tout ça? Seul buddy à jouir d'une importance certaine dans la trame narrative alors que le personnage a subi les foudres des uns et des autres en raison de son caractère très sexualisé ("objetisé" diront certains). Si on ne peut nier qu'elle participe à chatouiller la libido des joueurs (les Japonais étant moins "prudes" que les occidentaux pour ce qui concerne les choses de l'amour), on ne peut résumer Quiet à cet état car c'est elle qui va véhiculer le message de Kojima sur la "Phantom Pain" de la façon a plus "violente". Plus que le côté scabreux du personnage, c'est son animalité qui m'a frappé, son rapport "bestial" à la séduction (via les postures ultra-provocantes qui sont un appel à la copulation - essayez de regarder ses seins dans l'hélicoptère pendant 10 secondes et vous verrez) qui témoignent ici de la perte d'humanité de Quiet qui est un véritable "nid" de parasites (les scènes de tremblement glauques en rapport aux gouttes d'eau sont assez "weird"). Revenons à la douleur fantôme, Quiet apparait comme un véritable outil de valeur pour Skull Face (assassin de confiance, bombe à retardement via les parasites) comme pour le joueur (le Buddy le plus efficace), elle est une arme silencieuse, elle est "Quiet, the abscence of words", elle se définit par ce qu'elle n'a pas comme tous les autres personnages sont définis par leur douleur fantôme. Son destin tragique s'illustre par sa relative perte d'humanité (parasites, mutisme) et la dualité des sentiments qui la consument (amour/vengeance). Lorsqu'elle parvient à briser les chaînes qui l’aliènent, elle est vouée à disparaître, elle n'a plus sa place au sein de ce groupe de "traumatisés en perdition" et là c'est le drame pour le joueur. Soyons plus clairs. Pour sauver Venom, ironiquement mordu par un serpent dissimulé par un autre (un cobra qui plus est), Quiet va prendre la parole en anglais, par Amour (qui prime donc sur la Vengeance), déclenchant ainsi les parasites des cordes vocales dormant dans sa gorge la transformant en menace pour le monde. Une seule solution pour elle, l'exil et une mort certaine. Son sacrifice se dote d'une notion "héroïque" du fait qu'elle meurt consciemment pour une cause et qu'elle transcende son désir de vengeance tout comme la bienaimée formatrice de Naked Snake et ce n'est pas pour rien que Quiet est liée elle aussi à l'emblème du papillon (comme Paz et The Boss dans Peacewalker). Le joueur verse sa petite larme comme il l'a versé auparavant dans MGS 3 sur la mort de The Boss MAIS là où la "disparition" de Quiet est bien plus douloureuse c'est qu'elle prive le joueur d'un élément de gameplay. Si c'était survenu dans un MGS classique, le joueur aurait fait son deuil et terminé le jeu en enchaînant les couloirs et les cinématiques mais dans un jeu à monde ouvert comme TPP qui ne dispose que d'un seul emplacement de sauvegarde et qui permet d'être apprehendé encore et encore (via les missions principales ou secondaires) l'amputation est douloureuse, terriblement. Certains trouvent cela scandaleux et espère un retour ou un remplacement (Quelques uns réclament même Sniper Wolf alors qu'elle a 4 ans en 1984...) et c'est pour ça que ce choix de game design est audacieux et fait probablement partie des tabous qu'évoquait Kojima quand ils disaient qu'ils pourraient lui coûter sa place (pas de bol, il l'a perdu pour autre chose) dans l'industrie moderne du jeu vidéo. C'est la raison qui m'a poussé à faire un deuxième run (et effacer ma première sauvegarde) car il existe un moyen de la garder un temps indéfini à ses côtés mais là ou Kojima est d'une perversion totale, c'est que vous n'atteindrez jamais les 100% de complétion en la gardant avec vous (pour l'anecdote, je l'ai à nouveau laissé partir car j'avais l'impression de ne pas "vivre" l'expérience comme elle le devait). Et pour bien faire ressentir cette douleur fantôme, cette amputation de gameplay, Quiet laissera au joueur une cassette audio de son fameux (et magnifique) "Quiet's Theme", seul moyen d'obtenir cette chanson ingame, que le joueur un peu fleur-bleue pourra écouter en boucle en abattant froidement quelques communistes en Afghanistan.
Les autres personnages bénéficient tous d'un traitement tout aussi efficace mais plus en retrait (l'homme en feu et ses chimères, Eli et sa généalogie maudite qui incarne la guerre et le conflit perpétuel et qui se borne à faire valoir une identité via son surnom de "White Mamba", Huey et son Metal Gear "inutile" et son bonheur fantasmé) mais je pense que vous avez saisi l'idée que la douleur fantôme est omniprésente chez les personnages... Et il y a bien sûr Code Talker tout droit sorti de Little Big Man. Ce Navajo jouit d'un traitement plus original que le traditionnel rôle de "vieux sage" que l'on donne aux Amérindiens (même si son matraquage sur les "vocal cord parasites" ou autre "Wolbachia" et "The Diné" est insupportable). Scientifique adepte de la parasitologie et des hamburgers, ce vieil homme est pris en otage par Skull face et craint de voir son peuple disparaître (phénomène pourtant irrévocable que le personnage évoque de lui-même, merci la "civilisation", il refuse d'ailleurs son nom "civilisé", Georges, pour conserver le surnom Code Talker)... Tous ces personnages sont pris dans le "Jigoku-Tabi" de Venom, son véritable "voyage vers l'enfer" pour nos amis nippons (notion féodale qui implique d'entraîner ses proches dans une mission périlleuse voir suicidaire) qui fait plus echo dès lors aux interventions de Kojima qu'à sa communication volontairement ambigüe à base de trailers... Mais il est plus que temps d'en venir à Big Boss, le vrai je veux dire.
Tous les jours, je lis des commentaires acides sur Big Boss et sur sa prétendue lâcheté. Quand je lis ce genre de message ("Big Boss n'est qu'un trouillard, une merde qui se cache."), je me demande comment ces même joueurs peuvent porter aux nues MGS 3 et MGS 4. Leur attitude semble prouver qu'ils reçoivent les informations sans prendre le temps de les digérer et sans les replacer dans le contexte (pourtant très riche et non-manichéen de la saga) comme s'ils s'arrêtaient à The Boss a trahit les U.S.A pour l'U.R.S.S ou Liquid Ocelot est "trop méchant". Alors oui le plan de Big Boss de sacrifier son meilleur homme (et probablement ami) peut paraître plein de couardise dans un premier temps, mais John, à ce moment là du récit, a vécu un véritable trauma avec la perte de ces hommes des Militaires Sans Frontières dans Ground Zeroes (souvenez vous le hurlement de colère et la frénésie de carnage stoppée par la maigre contenance de son chargeur) et il décide donc de passer au cran au dessus de la stratégie, de tirer les ficelles dans l'ombre et de se doter, pour une période indéterminée, d'un Kagemusha, un double, qui sera son "image" auprès des hommes sur le terrain et auprès des politiques du monde entier, lui permettant de construire Outer Heaven, sa véritable nation-soldat au dessus des gouvernements corrompus du monde entier. C'est une manoeuvre classique de L'Histoire (Japonaise bien sûr mais surtout universelle) dont la "perversion" (plus que l'ingéniosité) est très bien évoquée dans le chef d'oeuvre de Kurosawa: la psyché de la doublure s'efface et cette dernière devient une créature qui existe uniquement par le biais de la projection de l'identité d'un autre sur soi. Cette technique à un prix et bien sûr la médaille a le revers que l'on sait: Solid Snake, sous l'égide des Patriots, renversera Venom Snake qui était chargé de diriger Outer Heaven. Est-ce que Big Boss sacrifie ses hommes? Non du moins pas plus que les MSF. S'il avait été à la place de Venom, ceux-ci l'auraient suivi tout autant. Est-ce qu'il est indifférent à leur sort? Absolument pas. Rejouez la scène de mise à mort de Skull Face sans tirer de votre plein grès et avec votre avatar créé pour l'occasion. Lorsque Kaz "force" Venom a tirer, cette action fait apparaitre, ou plutôt convoque, non plus l'image de Venom Snake / du joueur mais bel et bien celle de Big Boss (le vrai) comme il apparait dans Ground Zeroes. C'est par ce biais de la mise en scène que Kojima prouve que Big Boss cherche toujours la vengeance. A contrario si le joueur tire, il convoquera l'image de Venom comme il apparait dans l'hopital chypriote. D'ailleurs tout le personnel de cet hopital, des hommes fidèles à Zero (cf Cassettes) sont eux aussi "sacrifiés" pour une cause "noble", c'est moche mais mourir pour son seigneur est une tare très (trop) japonaise. La guerre c'est moche, c'est inique et c'est comme ça que kojima la représente. D'ailleurs il n'hésite pas à banaliser l'horreur de la guerre plutôt que d’assommer le joueur avec une morale évidente, c'est pour cela que la présence des enfants soldats et des charniers en Afrique peuvent sembler anecdotique pour certains alors que l'horreur des conflits est "anecdotique" et fait partie du paysage. Alors oui, Naked Snake n'est plus l'homme de terrain qu'on connaissait, oui il embrasse son statut de "leader militaire" (qui bien souvent est un fardeau comme en témoigne la mission 43 de TPP), oui il entre dans les pantoufles de Zero mais il suffit de revoir la fin de MGS 4 pour voir que Big Boss n'est pas "la lopette" que certains voient à la fin du jeu et évoque lui-même ses erreurs (je ne dis pas qu'il n'a pas filé un mauvais coton, hein. Mais MGS est tout sauf manichéen). Est-ce que le mythe est égratigné? Evidemment, et c'est une démarche logique dans le leitmotiv Kojimien de désacralisation des icones qui passent par la réécriture (parfois considérer à tort comme du retcon) de l'Histoire, par le retournement de situation (Big Boss qui se dote d'une part sombre en employant des subterfuges) et par l'usage ingénieux de la mémétique (car utilisée dans le média vidéo-ludique). Ceux qui ont fait MG 1 et MG 2 voyaient dans le personnage de Big Boss un véritable héros déchu, "le soldat légendaire" mais MGS 3 nous apprend que ce bon vieux Naked Snake était un "brave type" mais que son titre de Big Boss (Victoire sur The Boss) est usurpé car mis en scène, Peacewalker nous apprend que l'autorité de Big Boss ne pèse pas lourd face à la menace nucléaire, MGS 4 nous apprend que la légende de Big Boss est faîte d'exagérations et de mensonges construits par Zero et MGS V nous confirme les propos d'Eva sur la "légende" Big Boss. Mais c'est bel et bien grâce (à cause) à cette légende que les hommes se rassemblent autour de Venom, des Diamond Dogs puis de Outer Heaven se dévouant à son idéal, sa cause, ses erreurs. L'affiche "Big Boss is Watching you" en témoigne; Bien sûr il y a encore une référence à 1984 et l'oeil averti des joueurs verra que le personnage sur cette affiche est bel et bien Big Boss et non Venom: le cache-oeil est différent et il n'y a pas de corne. Les personnages, Venom Snake et même les joueurs sont dépendants du spectre de Big Boss qui planent sur eux: les personnages du jeu dépendent de la croisade de Big Boss, les joueurs de ce qu'ils projettent sur lui (une idôlatrie proche de celle d'Ocelot) et de l'expérience de jeu qui en découle. Il est abérrant, d'ailleurs, que la musique "Here's to you" (qui colle à Big Boss depuis MGS4) et qui est présente dans Ground Zeroes ne soit pas disponible dans TPP tant le propos de celle-ci colle au destin de Venom, de sa disparition, de son sacrifice pour l'Histoire. Enfin, je pense également que le degrès de rancoeur envers Big Boss vient de l'implication du joueur dans ce nouveau corps vidéo-ludique qui lui est proposé d'endosser à chaque mission (via un habile mouvement de caméra qui loge le joueur dans la tête de venom)...
Rien à voir mais le joueur frustré de ne pas jouer Big Boss peut se consoler en développant la tenue de biker pour son Venom Snake, il aura alors tout du cultissime Terminator de 1984 puisque cette tenue est quasi la copie conforme de celle de Schwarzy dans la deuxième moitié du film (même bottes, même futal, mêmes gants et quasiment la même veste).
Et j'arrive alors à la démarche de Kojima et de ces nombreux trailers. Pour ma part, c'est toute sa "propagande" qui me semble être le lien le plus direct avec le fameux 1984 d'Orwell. Dans le bouquin, le peuple (du moins la masse comme on l’appelle parfois) est asservi par une forme de langage qui l'aliène et limite les envolées (les évasions) philosophiques et la pensée étant bridée, il n'y a plus de liberté. Bien sûr les "Vocal Cord Parasites" font référence à la puissance terrifiante du langage et donc de la novlangue de Big Brother mais c'est bel et bien tout le procédé de construction scénaristique induit par Kojima avec ces trailers qui renvoi à 1984 et aux manoeuvres du gouvernement INGSOC. Beaucoup de joueurs ont projeté leurs attentes sur les images et certaines accroches vues dans les différentes vidéos et ont déduit qu'on leur servirait tel ou tel thèmes et/ou scénario. Pour ma part, bien que hypé à mort par les trailers (je reste un fan), j'ai toujours su prendre de la distance surtout vis à vis du montage. Comme disait Brian De Palma, "Le cinéma c'est le mensonge 24 fois par seconde." ici on parle de jeux-vidéo, un média qui vous balance du 60FPS en 1080P. Vous voyez ou je veux en venir? Kojima a manipulé son audience (bullshité diront les plus blessés) et a poussé les joueurs à se préfabriquer une image de Big Boss qu'ils pensaient cohérente 1/ avec la saga, 2/ avec les trailers. Pourtant, je le répète, Big Mama nous avait prévenu dans MGS4: la légende de Big Boss est faîte de beaucoup d'exagérations montées de toutes pièces. Et le plus sympathique dans tout ça, c'est que Kojima, petit futé, transcende toujours son média, ainsi sa démarche manipulatrice s'apparente-t-elle à celle des Patriots qui encore une fois (par le biais des trailers donc) a voulu nous faire croire que Big Boss était bien le méchant dans Metal gear 1 et 2, le démon (je ne dis pas que c'est un ange non plus, attention), celui qu'il fallait tuer (de même que le projet Snatcher, qui n'était qu'un clin d'oeil et une facilité scénaristique de l'époque, apparait comme une manipulation douteuse de Big Boss ou des Patriots pour justifier la présence de 2 Big Boss). Je suis toujours surpris de voir que peu de joueurs ont réalisé que pendant plusieurs épisodes Solid Snake n'avait été que le pantin des Patriots. Kojima avec cette manoeuvre qui en crispa plus d'un nous rappelle qu'il ne faut pas suivre aveuglement tel ou tel média, idée ou histoire (et surtout pas les jeux vidéo). Et c'est tout le côté post-moderne de la saga Metal Gear Solid qui s'illustre ici par son articulation autour de ce qui entoure un jeu (les trailers mensongers, les retcons "justifiés", la communication qui introduit certains éléments du jeu, les faux studios...). A sa façon, oui, c'est plus que le quatrième mur qui vole en éclat...
La frustration d'avoir été en partie manipulé par ses attentes et son rapport à Big Boss laisse parfois la place à des remarques contestataires quand à la vraisemblance du projet de Big Boss (un "simple" médic prenant la place du soldat légendaire, allons soyons sérieux!). Si on ignore volontairement le fait que Venom c'est le joueur et que donc il est tout à fait apte à rentrer dans les rangers de Big Boss (les fans de MGS sont très attachés à leur "lore"), on peut comprendre la grogne de certains. Ou pas. Bien sûr, le mythe s'effondre, le joueur n'a plus rien à quoi se rattacher, on s'est joué de lui et pour la "première fois" il est libre de se dissocier de son avatar fantasmé (Big Boss) pour être lui-même un élément du jeu (et de la saga). On est plus le double de Big Boss au sens où on le protégeait lui et les autres Snake grâce à nos talents de joueurs, Venom est Big Boss et surtout est le Joueur (Bienvenue dans la double pensée évoqué par Ocelot et présente dans 1984). Les joueurs sont un peu le "Mosquito" de ce TPP, un soldat victime de son isolement et de son trauma suite à GZ et qui est persuadé que Big Boss a sacrifié ses hommes et se cache quelque part. Dans MGS 2, Raiden s'émancipait du joueur, il jetait les Dog Tags avec le nom rentré au début de l'aventure, cherchait à reconstituer sa mémoire et il échappait à notre contrôle, dans MGS V, Venom devient le joueur après la mission "Vérité", il s'émancipe de son rapport à la légende tout en continuant à l'incarner. Deux jeux, deux messages différents et pourtant complémentaires qui s'efforcent de dénoncer toutes les formes de contrôle et prônent un existentialisme forcené. Mais les puristes refusent de s'égarer dans ce genre d'interprétations (de branlette intellectuelle, voyez vous). Non, le médic ne peut pas être Big Boss! Et pourtant, Kojima a toujours tenu un discours précis sur l'importance de la mémétique et de l'absence de "héros" (au sens "surhomme") au sein de son oeuvre et l'a même justifié scénaristiquement dans MGS 2 avec le plan S3. Pour les rares un peu perdus, cela implique que n'importe qui peut être Solid Snake (CF MGS 2) ou Big Boss (CF MGS V). La génétique n'a pas d'influence (dans une certaine mesure bien entendu), c'est les schémas informationnels et les contextes (quels qu'ils soient) qui façonnent les "héros" qui dès lors peuvent être structurés par imitation/mimétisme via des manoeuvres neurologiques, psychologiques, cognitives, historiques... Et c'est là qu'on peut encore une fois faire un rapprochement avec Moby Dick. Il est justifié de renvoyer aux références propres à la vengeance (Achab et la déchéance de l'équipage du Peequod, Ici Venom et les diamond dogs, le cachalot blanc / traque de "Cipher" comme motivation insensée et destructrice, la baleine de feu qui est une projection mentale de Venom via Psycho Mantis y renvoi d'ailleurs...) ou au jeu sur la notion de "point de vue narratif" en rapport avec le twist final (et le chapitre 37 du bouquin de Melville) ou encore le fait que Moby Dick est une oeuvre parue sans épilogue à son époque mais j'évoquerais seulement (et rapidement) la notion de "percept" cher à Deleuze (Philosophe et Théoricien que je connais surtout pour ses écrits sur le cinéma) et qu'on retrouve dans le roman de Melville et qui flirte avec la notion de mémétique dans ce MGS particulièrement. Pour Gillou donc, « le métier du philosophe c’est de faire des concepts, le métier de l’artiste c'est de faire des percepts. ». Toute la narration du titre et son déplacement, sa migration (son dévoiement diront les persifleurs) sont autant de percepts pour amener le joueur à repenser son rapport à la saga. Chez Achab, c'est son rapport à l'océan et à Moby Dick (la baleine) qui servent à le définir, il devient percept dès lors qu'il apparait comme une "notion abstraite" pour le lecteur et les personnages. Dans TPP, c'est cette narration par le gameplay et par sa "nouveauté" (monde ouvert, Buddy System, Gestion, FOB) qui va définir ce rapport ténu qu'entretient le joueur avec Venom. Cet ensemble est le stimulus qui va définir la "construction" et la projection du joueur jusqu'au dénouement que l'on sait ("Oni")...
Après le refus de la notion de mémétique vient les interprétations, justifiées pour la plupart par le fameux carton pré-mission "Vérité": "Les faits n'existent pas, il n'y a que des interprétations. Nietzsche". Pour chaque personne défendant les "faits" de TPP (et là bien sûr je pense à la fin), faits avérés par la chronologie je le rappelle, X personnes viennent parler des "incohérences" qui tendraient à prouver qu'il y a plus que le message initial de Kojima. Je respecte totalement leurs visions si celles-ci sont argumentés et indémontables. Pourtant je n'y crois pas et je vais vous dire pourquoi... J'entends, ici et là, quelques penseurs qui affirment que l'on incarne bien Big Boss victime d’hallucinations, de schizophrénie et de moment d’absences aussi dues à ses blessures (la corne!) qu'à son incapacité à accepter la réalité. Ces théories sont justifiés par plusieurs éléments visuels dans un premier temps: Ishmael (Big Boss) n'a pas de barbe sous ses bandages, son sang ne tâche pas ses vêtements et il possède ses deux yeux fonctionnels. Dois-je rappeler dans un premier temps que nous sommes dans MGS? Ce jeu où les personnages nous incitent à presser telle ou telle touche pour faire x actions? Le fameux Ishmael ne nous dit-il pas lui-même de "presser le bouton pour s'accroupir" ou de "presser la touche d'attaque pour tirer" alors qu'il parle à Venom sortant du coma? De ce fait, j'ai du mal à me dire qu'Ishmael n'est pas Big Boss uniquement parce qu'on ne voit pas de poils de barbe et qu'il semble avoir l'usage de ses deux yeux. Surtout qu'invariablement la communication autour du jeu avec ce fameux masque de Joaquim Mogren n'est pas là pour rien et que même ce bon vieux D-Dog peut être doté d'un oeil artificiel. Il faut bien comprendre que c'est toute la mise en scène de la scène de l'hopital qui jouit d'un traitement fantastique, au véritable sens artistique du terme, c'est à dire qu'il s'agit de créer une zone frontière entre réel et surnaturel pour que le joueur perde ses repères en jouant notamment sur la perception des évènements (regardez donc l'excellent L'Echelle de Jacob en passant). Venom sort de 9 ans de coma forcé et quoi de plus immersif pour le joueur que de titiller ses acquis pour lui faire vivre cette traversée de l'enfer, cette évolution forcée du stade de Snake Rampant à Snake Vénéneux? Tout est histoire de métaphore dans cette séquence. A son réveil, Venom apparait comme un Big Boss juvénile et innocent, il rampe, effrayé, vers l'image de l'homme fort qui se tient devant lui dans un univers dont il ne saisit pas encore tous les enjeux, puis il apprend à se tenir debout puis à tenir une arme et invariablement à tuer: une image assez pessimiste de l'Evolution de l'Homme ou du passage de l'enfance à l'âge adulte mais néanmoins assez juste. 11 ans plus tard, il sera un "oni" à la tête d'Outer Heaven... Et puis que serait MGS sans ses faux semblants, ses masques ridicules et ses personnalités multiples?
Mais quid des cinématiques avec Paz (optionnelles encore une fois, c'est un personnage caché dans la mother base) me retorque-t-on à raison? Si elles témoignent en effet des troubles mentaux de Venom et des hallucinations dont il peut être victime (ça et les changements de teintes dans sa vision), je pense que ces séquences sont surtout là pour montrer le trauma de Venom / joueur / Big Boss. Pourquoi ce personnage de jeune espionne compterait-il autant pour ces trois entités regroupés en un "même" avatar? Pour Big Boss, c'était un personnage clef des MSF, oui... Pour Venom, c'est celle qu'il n'a pas pu sauver dans Ground Zeroes, oui... Pour le joueur, c'est le personnage avec qui il a expérimenté la "love box", oui... Mais surtout, Paz c'est la Paix, c'est une évidence. Et c'est une chose qui compte énormément pour tous les protagonistes de MGS même pour le belliciste Big Boss (et invariablement encore plus pour l'humaniste Venom), souvenez-vous de l'icône de Peacewalker qui détourner habilement le fameux "Peace through firepower" en reprenant le B-52 et en ajoutant un "code barre" qui renvoyait à l'économie de guerre: la guerre certes mais avec une optique: la paix. Et quel traitement est réservé à cette paix? Torturée, violée à plusieurs reprises et finalement réduite à néant dans Ground Zeroes, dans TPP elle apparait vidé de sa substance, ses yeux sont vides, elle n'existe que par ses souvenirs, elle est prisonnière d'un marasme dont elle ne parvient pas à s'émanciper et elle porte une terrible cicatrice. Cicatrice qui sera ouverte à nouveau de la plus crue des façons pour y chercher une quelconque réponse à la question "Why peace day never came?". Et bien sûr, aucune réponse satisfaisante...
Mais il existe tout de même dans ce MGS V, un espace qui laisse une grande place à l'interprétation: les dernières minutes de la fin du jeu où Venom fait face à son reflet dans le miroir, croisement formidable entre le cinéma de Lynch, Tarkovski, Kurosawa et Peckinpah (et oui carrément!). Et tout ça renvoi, et je me rapproche de la fin de cet article, au message d'adieu de Kojima. Je ne parle pas ici de son message au joueur (travesti par le biais de Big Boss à Venom) de leur "existence" dans la série (et ce dès 1987 du coup) et de leur importance dans le succès de cette saga mais bel et bien du "C'est fini, la boucle est bouclée!", notion que nombre de joueurs soutiennent mordicus qu'elle n'est pas présente. Cette séquence finale fonctionne pourtant à merveille pour clore la saga et l'usage du plan séquence est des plus justifié: l'absence de cut témoigne d'une migration fluide entre cet épisode de 2015 et l'épisode original de 1987, la forme exprimant plus que les détails "historiques" (on sait ce que deviendra Eli, on sait ce qui se passera avec Gray Fox ou Sniper Wolf)... Pour rappel, dans cette scène, Venom enclenche la face A ("The Man who sold the World") de la cassette que lui a envoyée Big Boss, apprenant alors de la bouche de la légende, qu'on est Big Boss métaphoriquement et "officiellement" (comprendre aux yeux du monde), qu'on a fabriqué notre propre existence (et creusé notre propre tombe) et qu'à partir de ce moment là le personnage disparaît au profit du joueur (comme évoqué précédemment). Venom/le joueur sourit, et c'est bien normal. Après quelques secondes, venom retourne la cassette pour l'insérer, face B ("Intrude N???"), dans un lecteur MSX (autre liant avec MG 1), formidable ellipse visuelle d'une dizaine d'années confirmée par le changement de l'insigne Diamond Dogs en Outer Heaven. Venom fait une nouvelle apparition devant le miroir mais cette fois-ci il porte les stigmates de ces 11 années de personnification de Big Boss: il est devenu un Oni, un démon. Il se regarde un instant dans la glace avant de la briser d'un coup de poing rageur. Le miroir se brise en partie et face au poing mécanique de Venom: un poing humain (celui de Big Boss? de Venom? du Joueur?). Le spectateur, hagard, cherche alors un repère essentiel à sa perception de Venom: la corne. Mais celle-ci n'est pas perceptible (je ne dis pas "pas présente attention") car dissimulée par le miroir éclaté: 1/ le reflet est celui de la partie gauche du visage de Venom 2/ Si c'est Venom derrière le miroir la partie reflétée empêche de voir la corne du Venom qui est au-delà du miroir. Il n'est pas choquant que certains émettent l'idée d'une opposition Big Boss/Venom à ce moment là. La suite pourrait infirmer cette interprétation si une sorte de flash lumineux ne venait pas "altérer" la scène, comme si celle-ci était "rectifiée" pour que la présence derrière le miroir devienne Venom. Ce dernier apparait donc finalement derrière le miroir et Venom disparait dans la fumée autant symbole du chaos militaire lié à l'intrusion de Solid Snake (revoyez la brume du cultissime Ran de Kurosawa) que de la supercherie dont Venom est victime (revoyez la fumée du générique d'ouverture du génialissime Seppuku de Kobayashi). C'est cette scène qui est le plus sujet à l'interprétation, oubliez donc l'hôpital chypriote. Est-ce que c'est Venom qui a construit toute la légende de Big Boss (comprendre "sauver Sniper Wolf & compagnie")? Venom est-il devenu un monstre comme Skull Face (l'apparence d'Oni)? Se sacrifie-t-il pour la cause comme The Boss sen son temps (sa disparition sereine, illustrée par son aspect "nettoyé" quand il disparaît dans la fumée)? La cassette fait référence à Intrude N312 (Gray Fox) ou N313 (Solid Snake)? Big Boss et Venom sont-il en conflit (cette mystérieuse opposition)? Big Boss a-t-il envoyé Gray Fox et Solid Snake pour éliminer Venom (si on répond que Big Boss tendait des pièges à Solid, rien ne prouve que ce ne soit pas Venom vu qu'il utilise une fréquence différente de celle de Big Boss)? Des questions qui restent en suspens car cette fois Kojima ne veut plus noyer l'auditoire sous un flot de détails. Mais ce qu'il faudra retenir, c'est que ce cadeau que nous fait ce game designer formidable (le don de l'identité de Big Boss), il nous l'a déjà repris en 1987 quand le joueur incarnant Solid Snake tue Venom. Dans MG 1, le joueur passera donc par un proxy pour s'éliminer lui-même, détruisant ainsi la liberté gagné dans le dernier opus. Et là la boucle est bouclée et peut recommencer. Le joueur devra alors reprendre les rennes de son existence en passant par les jeux étapes que sont MG2, MGS1, MGS2, MGS3, MGS PW, MGS4 et enfin MGS V. Clairement, la saga est bouclée.
Est-ce que tout est parfait pour autant? Non assurément pas. Déjà Kojima ne sait toujours pas mettre de l'eau dans son vin et après les innombrables cutscenes de MGS 4 et leur accueil mitigé, il joue le retournement de veste et en distille "relativement" peu (5H tout de même). Si dans l'ensemble, celles-ci tombent toujours juste (la mise en scène plus sobre colle au sujet), force est de reconnaître que certaines cassettes audio aurait pu donner lieu à des cutscenes qui auraient ravi les fans et apaiser les esprits. Je pense notamment à la scène où Zero, au bord de la dégénérescence, vient rendre visite à Big Boss alors que celui-ci est dans le coma (avec pourquoi pas en fond sonore le fameux "father and son" de MGS 4 présent pour la scène entre Big Boss et Solid Snake). Le "Wake up soon Jack. If you don't I might not remember you when you do." est de toute beauté, témoigne de la forte amitié de Zero pour Big Boss et méritait peut-être plus qu'une cassette (reste le problème du moment où l'insérer). Le fan service est également assez peu présent (ça n'est pas pour me déplaire), ce qui a frustré bien des joueurs. Bien sûr quelques clins d’œil sont distillés ça et là (via Eli, L'IA de the Boss, Ocelot qui cite Big Boss, Psycho Mantis...) mais cela ne semble pas suffire au fan toujours avide de se remémorer telle ou telle scène des opus précédents. Pire, Kojima, en bon troll qu'il est (jamais un game designer n'aura eu un rapport haine/amour pour ses fans aussi prononcé), glisse quelques features qui convoque l'absence des éléments qu'attendaient certains (skin de Gray Fox, de Sniper Wolf, "Welcome to Outer Heaven" alors que non...) et Konami en remet une tranche en fournissant des costumes emblématiques de MGS3 en DLC payants. On peut aussi reprocher au game designer de facilement retomber dans ses travers de scénariste surtout présents depuis MGS