Attention spoilers
Comme il est doux, après en avoir soupé d’Assassin’s Creed, Watch Dogs et d’autres de ces produits interchangeables qu’on appelle jeux services, de pouvoir à nouveau parler de jeu vidéo. Ceci n’est pas nier que les jeux Metro sont des produits commerciaux, mais simplement souligner le fait que cette dimension commerciale inévitable ne vient pas s’immiscer dans toutes les étapes de leur conception pour en faire des machines à sous ou à gaspiller le temps.
Au contraire la saga Metro est comme restée hors du temps, insensible aux mutations de l’industrie, fidèle, pour le pire, à un game design éculé: le fps solo narratif, linéaire et scripté jusqu’à l’écœurement. Fidèle aussi, pour le meilleur, à ses qualités fondamentales : une virtuosité certaine lorsqu’il s’agit de mettre le joueur sous pression. Virtuosité qui résulte de la conjonction opportune de mécaniques de gameplay visant à maintenir le joueur en situation de pénurie accompagnées d’un design environnemental et sonore soigné à l’extême. Dans les tunnels du métro, personne ne vous entendra crier.
Wake up, get up, get out there
Metro Exodus viendrait troubler ce tableau par l’ajout d’une nouveauté principale: la sortie du métro, synonyme de décloisonnement des niveaux. Une ouverture qui s’accompagne de nouvelles mécaniques dues à l’introduction d’un cycle jour/nuit, laissant plus de liberté au joueur quant à sa façon d’aborder les missions. Il faut admettre que ça file un coup de jeune à la formule, mais seulement quand elle se l’autorise, les zones ouvertes laissant parfois place à des niveaux dignes du pire d’une campagne solo de Call of Duty.
En vérité, Metro Exodus n’a fait que repeindre la façade. On se rend bien vite à l’évidence que ces zones ouvertes font office de couloirs élargis tant les quêtes et la narration restent d’une linéarité ô combien familière. Le système de choix moraux est lui aussi resté à l’identique, sans grande incidence sur le déroulé du scénario, lui-même sans grande originalité mais parfaitement fonctionnel. L’ouverture des niveaux semble plus dictée par la trame scénaristique puisée dans les romans de Glukhovski que par de nouvelles idées de gameplay ou un changement radical de philosophie. On ne s’y trompe pas, Metro Exodus est toujours Metro, de la tête aux pieds et jusqu’au bout des ongles. Mais avec moins de ces niveaux claustrophobisants à souhait et plus de ciel bleu.
Goodye Metro
C’est pourtant lorsqu’Exodus laisse de côté le grand air et le monde des hommes et nous invite à descendre seul dans des complexes souterrains infestés de créatures mutantes, le masque à gaz vissé sur le visage, à la lueur vascillante d’une lampe frontale ou d’un simple briquet, qu’il brille de tout son éclat. De ce point de vue il est encore meilleur que ses prédécesseurs, plus dégoutant, plus terrifiant, plus viscéral. Et les développeurs semblent en avoir eu conscience en choisissant de clore la saga sur peut-être le niveau le plus mémorable de tous : un retour dans les boyaux du métro. Longue descente aux enfers pour le joueur et ascension glorieuse jusqu’au sommet de son art pour Metro. Après l’Exode, la terre sainte où règnent obscurité, solitude et manque d’oxygène.
A la fois identique à 2033 et Last Light dans ses éléments structurants et un peu meilleur en tout point, porté par de nets progrès en termes de qualité visuelle, Metro Exodus est une belle conclusion, oscillant sans arrêt, à l’image de toute la saga, entre l’affligeant et le brillant, entre le ridicule du fps militaire et la profondeur du survival horror. C’est aussi pour ça que Metro est inoubliable, et ce dans tous les sens possibles et imaginables.