Après tout ce temps sans signe de vie en dehors de quelques remakes, que peut-on attendre du retour de Metroid en latéral, alors que la scène indépendante s'est bien emparée du genre Metroidvania (parcours de labyrinthes dont les accès se débloquent à mesure qu'on trouve de nouveaux pouvoirs) et a su parfois se poser en référence ? La fraîcheur n'est plus la même, difficile de passer après un tel héritage et de se distinguer d'une concurrence qui était bien moins présente dans les grandes heures de la série. On aura beau avoir attendu cet épisode, Metroid aura désormais plus de mal à marquer les esprits.
Cependant le contact est très bon : Samus Aran est plus vigoureuse que jamais, son maniement est fluide et nerveux au possible là où Super Metroid pouvait se montrer flottant dans ses sauts. C'est un vrai plaisir de foncer à travers les niveaux, les speedrunners doivent s'en donner à cœur joie et les retours en arrière s'en montrent d'autant moins pénibles. La visée se fait à 360° même en déplacement, c'est vraiment très agréable à manœuvrer. Le rythme est très bon également, le jeu sait nous guider dans ses niveaux pour qu'on ne rame pas trop (voici un thread twitter qui explique certaines techniques des développeurs, attention ça révèle un petit tronçon du jeu : https://twitter.com/ZeKwev/status/1450387888391266311). On progresse à toute vitesse, ce qui rend le jeu assez court (moins de 10h en ligne droite, dans les clous de la licence) mais évite l'effet de lassitude.
L'ambiance n'est pas très mémorable cependant, ça manque d'exotisme et d'oppression. Le développement de la mythologie de Metroid reste très timide, ce qui concerne les Chozo n'est pas très imaginatif et on va nous servir des noms de personnages qui auraient plutôt leur place dans un Lucky Luke. Le scénario n'est pas intrusif donc à défaut d'être un bon point ça ne va pas nuire à l'expérience. Il y a tout de même quelques éléments d'arrière-plan qui peuvent se montrer intrigants pour qui se montre curieux, je pense à certains mini-boss récurrents qui rappelleront des souvenirs aux joueurs des premiers Metroid et dont la présence raconte quelque chose.
Par contre je trouve que cette aventure a du mal à se démarquer des autres. Il y a toujours l'immense plaisir à rendre son personnage toujours plus équipé et à se débloquer ses chemins en se perdant dans une fuite en avant dont on ne sait jamais sur quoi elle va déboucher. C'est pour ça qu'on achète un tel jeu, le contrat est respecté. Il y a aussi quelques petites surprises de temps en temps à la manière de Metroid Fusion, rien de renversant mais c'est bon à prendre. Cependant il manque quelque chose pour que cet opus reste en mémoire et soit plus qu'un nouveau numéro pour nous occuper. J'avais parlé de la manière qu'ont les développeurs de nous mener sur la bonne piste : elle se base beaucoup sur des entrées à sens unique qui nous empêchent de repartir avant d'avoir fait ce qu'il fallait, ce qui évite de louper les passages secrets qui pourraient être nécessaires à la progression. C'est très bien, mais ça a pour conséquence de rendre la progression linéaire même si c'est dissimulé (EDIT : il y a cependant un peu de sequence break pour les plus courageux). On a l'impression de trouver soi même un passage et c'est gratifiant le temps de comprendre qu'on a été mené en bâteau, mais on ne peut pas dévier pour tracer sa propre aventure. Pire, les portes qui se bloquent derrière nous ont l'inconvénient de nous empêcher de repartir chercher des items qu'on aurait laissés. D'une manière générale j'aime bien qu'un metroidvania me laisse chercher mon chemin, d'ailleurs Metroid Dread permet de récupérer une cartographie de chaque niveau qui reste assez imprécise pour nous orienter sans nous gâcher les passages secrets. Au moins les indications de notre ordinateur hérité de Metroid Fusion restent suffisamment vagues pour nous guider sans nous mâcher le travail.
Dernier reproche sur l'aspect purement metroidvania : pas mal de pouvoirs à débloquer se montrent assez inutiles ou sous-exploités. Par exemple les traditionnels missiles de glace vont surtout servir à détruire un type d'obstacle précis mais ne réinventent pas notre manière de nous déplacer contrairement à Super Metroid, je n'ai eu besoin qu'une seule fois de geler un élément pour trouver un bonus optionnel. Le dernier rayon arrive trop tard pour avoir le temps d'être bien utilisé, mais il y a une fois où j'ai cru en déceler une utilisation ingénieuse, je me suis dit "Ah mais oui c'est super malin pour passer cet obstacle même si c'est juste pour du bonus !", sauf qu'en fait ce n'est pas par ce chemin que j'étais censé passer et je me suis donc retrouvé face à une impasse, c'est quand même dommage. Certains pouvoirs sont davantage des clés pour ouvrir des chemins que des éléments de gameplay intéressants à utiliser en soi.
Je vais maintenant revenir sur la principale nouveauté de Metroid Dread : les E.M.M.I, des robots sentinelles liés à des zones précises. Ils sont invulnérables tant que l'on n'a pas récupéré le rayon omega de la zone et peuvent nous éliminer dès qu'ils nous attrapent à moins de réussir un QTE très serré au timing aléatoire, autrement dit ils nous oneshot avec juste une légère opportunité d'avoir une seconde chance. Ces sales bêtes ont un bon design froid, leurs animations leur donnent une allure rampante de cauchemar et leur environnement profite d'un effet sur les couleurs qui rappelle que la situation ne va plus être à l'avantage du joueur. Les rares moments d'oppression seront donc ceux là, quand on doit esquiver ces machines qui se tortillent dans l'environnement pour nous attraper. Le côté die and retry que certains déplorent est bien présent mais largement acceptable, parce qu'en cas de défaite on est renvoyé à l'entrée de ces zones et que leur parcours est suffisamment court pour ne pas être frustrant. En revanche je trouve ces moments sous-exploités : la rapidité des déplacements de Samus couplée à l'ouïe fine des robots transforme vite ces séquences en courses-poursuites, parfois interrompues par un usage du camouflage optique pour souffler un peu et arrêter l'état d'alerte qui verrouille les sorties. C'est donc nerveux mais jamais angoissant, tout au plus un peu stressant quand on se tourne autour, et ces séquences permettent de varier un peu le jeu mais pas de lui donner une vraie identité supplémentaire vu leur faible impact sur l'expérience. C'est une bonne idée mais pas assez creusée pour qu'on se sente vraiment traqué. Cependant ce n'est pas non plus un ajout gênant pour moi.
Après avoir parlé de mes petites déceptions, évoquons les bonnes surprises : les combats de boss ne sont pas forcément le point fort de la saga mais ici ils sont bons ! Ils tiennent bien parti de l'agilité de notre chasseuse de prime et leur challenge nous fera recommencer quelques fois sans pour autant devenir des plaies. Ils ont de plutôt bons patterns, j'apprécie notamment un mini-boss récurrent qui attaque parfois en deux exemplaires dans des arènes qui offrent des opportunités de s'échapper : ces affrontements là demandent de réagir vite et de ne pas se faire encercler, ils laissent peu de répit et constituent de bons moments d'action, tout comme le boss de fin bien corsé et pêchu. Une autre variété de mini-boss va par contre se montrer trop récurrent avec pas assez de variation pour justifier qu'on se le farcisse aussi souvent. Il y a aussi des ennemis de base qui pourraient être intéressants, mais qui sont gâchés par un usage du contre qui permet de les éliminer instantanément. Néanmoins ce n'est pas trop grave pour ce jeu d'exploration.
Autre bonne surprise pour moi, la manière de trouver certains bonus se montre parfois très ingénieuse. Je ne m'attendais pas à autant de recherche pour certains, il y a des idées vraiment travaillées. Par contre la solution est parfois soit trop perchée, soit trop compliquée à effectuer. Il m'a fallu utiliser des soluces parce que soit l'Accélérateur bien connu des fans avait une propriété que j'ignorais totalement, soit le timing était tellement serré que je renonçais à la bonne solution en pensant que je m'étais trompé. L'Accélérateur est un pouvoir qui se déclenche quand Samus court en ligne droite assez longtemps, mais parfois le jeu ne nous laisse qu'un bloc de marge pour ça et le reste de la manipulation se jouera au dixième de seconde près, c'est trop exigeant. Heureusement que c'est du pur bonus, mais il manque un peu de pédagogie pour comprendre que le pouvoir peut faire telle ou telle chose pas du tout instinctive, et il n'y avait pas besoin de rendre l'exécution aussi compliquée. Cependant c'est justement avec l'Accélérateur que les développeurs ont eu les idées les plus surprenantes, donc un bon point quand même qui mériterait d'être développé pour une suite.
Metroid Dread est un épisode qui ne va pas récupérer la couronne des metroidvania, surtout avec son tarif de jeu Nintendo qui tranche avec ceux de la scène indé qui coûtent trois fois moins cher pour un contenu approchant. Mais c'est confectionné avec soin et tout à fait plaisant à parcourir, de quoi satisfaire les fans à défaut d'être fracassant.