Metroid Prime Remastered
8.2
Metroid Prime Remastered

Jeu de Retro Studios et Nintendo (2023Nintendo Switch)

Possesseur d’une copie GameCube depuis 2003, je n’étais simplement jamais parvenu à voir le bout de Metroid Prime malgré de nombreuses tentatives avortées pour différentes raisons : j’étais trop nul, je m’étais perdu et ne comprenais plus comment avancer, différentes épreuves scolaires puis universitaires… Bref, la fin me semblait une arlésienne que je ne connaissais que vaguement par des speedruns. Or, si j’ai récemment acquis une Switch flambant d’occasion, c’est pour jouer à sa version remasterisée en priorité. J’ai sonné le cor et maintenant, je tiens ma revanche, Samus a enfin triomphé après 15 heures de jeu ! Il faut dire aussi que la saga Metroid c’est quand même un vrai morceau, il n’y a quasiment rien à jeter (hormis l’odieux petit spin-off sur 3DS). Metroid Prime, c’était Athéna qui sortait du crâne d’Héphaïstos à sa sortie, il avait été conjointement distribué avec une GameCube gris-métallisée d’ailleurs, et c’était un de ces jeux qui devait prouver que la machine en avait dans le ventre, et que Nintendo n’impliquait pas que mignonnerie et jeu pour enfants trop aisés (un procès perpétuel fait à cette console par Sony et Microsoft).


Concernant la diégèse du jeu, nous incarnons une Samus Aran, chasseuse de prime, qui revient de la planète Zèbes, pourchassant les Pirates de l’Espace (un nom soooooooooo 80’s) dont un de leur vaisseau à l’agonie est stationné à proximité de la planète Tallon IV. Après une incursion malheureuse dans ce vaisseau où notre héroïne perd son équipement, elle part en catastrophe en course poursuite des pirates qui se dirigent alors en direction de la planète, là où se déroule donc 98 % du jeu. Tallon IV est une planète jadis habitée par les Chozos, un peuple très avancé qui avait sciemment abandonné la croissance technologique pour s’orienter vers un développement plus proche de la nature, respectueux de celle-ci. Mais alors que le peuple Chozo semblait prospère, un météore qui transportait du phazon, une matière radioactive et poussant aux mutations, a empoisonné les sols, l’eau et l’atmosphère de la planète. Le peuple Chozo a disparu depuis plusieurs décennies alors, et lorsque Samus arrive dans leurs ruines elle estime que la planète sera absolument invivable d’ici 15 années. Pourquoi ne la quitte-t-elle pas alors simplement ? Si tout est condamné ici, qu’aura-t-elle à y faire ? Dans un premier temps, elle trouvera de quoi ragaillardir et même fortement améliorer son équipement. Puis, elle apprendra que les Pirates sont à l’origine de cet empoisonnement généralisé de la planète, dans l’intérêt de mener différentes expériences scientifiques, et qu’un laboratoire important a été implanté à proximité du cratère d’impact du météore pour exploiter le phazon qui en émanait. Leur but est de faire muter leurs congénères en combattants plus puissants : on peut être pirate et savoir utiliser un bec Bunsen sans doute, mais il va falloir les arrêter à temps ! Ils ont aussi tenté de domestiquer des métroïdes (les fameuses) qui sont des créatures volantes, dotées de 3 griffes, d’un cerveau, d’une tête en forme de champignon translucide et qui a une fâcheuse tendance à s’agripper à sa victime pour lui pomper toute énergie vitale… Enfin, Samus apprendra aussi que, parmi les nouvelles facultés holistiques qu’avaient développées les Chozos avant leur disparition, ils connaissaient l’art de la divination, et qu’ils avaient écrit une prophétie concernant l’arrivée d’un combattant qui éliminerait le monstre à l’origine du poison et vengerait le génocide qu’a subi leur peuple. Pour synthétiser, on a donc un jeu de 2003 qui évoque avec maturité une catastrophe écologique, et qui est teinté d’un discours fortement critique sur l’eugénisme et sur la construction des races, ainsi que montrant les Chozos comme des êtres sages et raisonnables avec leur environnement. Ok, ça me va bien, je prends ça !


Le système de jeu lui se voulait pour l’époque atypique et en pratique, il n’y a pas beaucoup d’autres jeux qui sont dans ce genre-ci, précisément. Nous sommes donc face à un « Metroidvania », grosso-modo, il s’agit d’explorer une carte, se retrouver coincé parce qu’on ne possède pas encore le bon outil, la bonne arme, de trouver où cela se cache, l’obtenir soit en découvrant un secret soit en battant un ennemi costaud, soit les deux et faire donc beaucoup d’aller-retours, de phases de plate-formes, de combats avec des ennemis qui se régénèrent systématiquement à chaque départ de la salle, et en général, un niveau de difficulté progressif qui nous fait passer pour du statut de demi-déesse lorsqu’on a de bons équipements dans les salles du début du jeu, à de simples ficus lorsqu’il manque le nécessaire pour franchir un territoire hostile. Cependant, ce sont aussi des jeux qui ont quand même tendance à bien récompenser la prise de risque et la curiosité pour l’exploration. Les Metroidvania ne sont pas rares du tout de nos jours, et il y en a sans doute un peu trop à mon goût à vrai dire. Mais, l’originalité de Metroid Prime est qu’il se déroule en vue à la première personne, lui octroyant alors le statut de « FPA » (First Person Adventurer). Concernant l’équipement à améliorer, le coeur du jeu, en plus d’augmenter les traditionnelles réserves de vie, il y aura en tout 4 armes pour notre bras-canon, sans principe de munitions : la projection d’énergie, d’électricité, de glace et de lave, qui se découvrent dans cet ordre-là et sont de plus en plus puissantes mais elles n’ont pas les mêmes fonctions et effets, et servent à ouvrir les portes ou à combattre des adversaires spécifiques. S’ajoute à ces 4 armes un lance-missile, avec des réserves qui permettent d’augmenter le nombre disponible mais jamais leur puissance. Ces 4 armes ont un tir rapide, ou un tir chargé, et même un tir combo avec le missile, dont les effets varient pour chacune. À cela s’ajoutent 4 modes de visées, l’un normal, un mode analyse qui permet à Samus d’identifier son environnement, d’enrichir son pokédex… euh, son codex, d’interagir avec certains appareils... C’est en pratique le seul outil de narration, car elle ne rencontrera pas de PNJ pour lui expliquer quoi que ce soit. Les 2 autres modes de visées sont un filtre infrarouge pour les sources de chaleur, et un filtre à rayons-X, ces deux modes vont servir notamment à voir dans le noir, mais certains ennemis ayant la faculté de se rendre invisibles les rendent indispensables régulièrement. Samus aura aussi très tôt dans le jeu, deux très belles épaulettes UN PEU volumineuses (qui font que le costume du tout début de Tallon IV est largement mon préféré) en formes d’hémisphères qui lui permettent de se transformer en boule pour passer dans les conduits, mais aussi poser des bombes, ou poser … des énormes bombes ! Par contre, elle est nettement plus vulnérable dans cet accoutrement, cela va de soit. Pour s’orienter, une carte est incontournable et Samus en dispose d’une, en 3D qu’il faudra consulter souvent ne serait-ce que pour mémoriser au mieux les zones où nous ne pouvons pas encore accéder pour y retourner plus tard. Car Metroid Prime en soit est tout de même un bon jeu de mémoire et de prises d’habitudes.


En pratique donc, ce système de jeu est riche, incroyablement développé même, mais sur GameCube, le jeu était un peu difficile à contrôler au premier abord parce qu’il était… mono-stick (aujourd’hui cela semble assez aberrant, mais essayez un FPS sur PlayStation 1 avec la manette de base, et ce sera nettement pire). Pour le portage Wii, à mon avis la meilleure maniabilité, la visée se faisait par le mouvement, et c’est sans doute le cas préférable y compris sur Switch. Personnellement, je me suis retrouvé à jouer la majorité du temps en mode tablette parce que je n’étais pas chez moi, et j’ai trouvé les contrôles douloureux : jouer en faisant des mouvements sur un petit écran, c’est mort, jouer en mode GameCube, j’ai déjà eu ma dose merci, donc reste le mode double-sticks. Problème, le changement d’arme a été mappé sur une combinaison douteuse de « X+ une touche directionnelle », alors que le changement de visée est déjà sur une touche directionnelle. Quand rien ne presse, pas vraiment de souci, par contre, quand on a plusieurs ennemis qui ne sont pas sensibles aux mêmes armes (au hasard, des métroïdes), qu’il faut changer de mode de visée, puis d’armes, puis se mettre en boule, puis en ressortir, sauter, rechanger de mode de visée puis de mode d’armes… j’aurais bien aimé ne pas avoir à lâcher les 2 sticks directionnels pour changer d’armes, ça m’aurait évité bien des déconvenues, surtout que les clicks des sticks ne sont pas utilisés et surtout, le tir et le saut sont en doublons sur la manette… Toujours un poil lié à ce problème, le fait d’avoir à changer d’armes pour ouvrir des portes c’est lourd à longue. Je comprends tout à fait l’intérêt d’imposer un certain type d’arme pour une porte la première fois qu’on l’ouvre, cela permet d’imposer une condition pour poursuivre l’exploration, mais une fois que c’est passé, l’intérêt est discutable. Par ailleurs, dans la version GameCube, les portes dissimulaient des chargements car la console ne pouvait pas charger plus de 2 salles à la fois sans crasher. Mais sur Switch non, de fait, était-il nécessaire d’en laisser autant ? Je ne pense pas qu’en en supprimant quelques unes, vraiment de temps en temps, en reliant alors directement des salles mitoyennes, les développeurs auraient cassé la dynamique du jeu, parfois le trop-plein de portes casse l’élan. Concernant un autre point assez ennuyeux, la carte en elle-même est très dans son jus du début des années 2000 : elle ne peut pas être annotée, même par des symboles simples, et les déplacements rapides ça n’existe simplement pas. De fait, les aller-retour qui sont en partie l’essence du jeu semblent parfois abusifs, surtout quand on cherche un peu à gratter les bonus de missiles et de vie. Ensuite, un gros problème pour moi, l’arme de glace a été une véritable torture à utiliser, et je pèse le mot : elle est siiiiiii leeeennnnte !!! Le débit des tirs est trop faible, vraiment, le temps de faire l’attaque chargée semble interminable, et si par défaut, la transition entre le canon et le lance-missile est déjà molle, là c’est facilement plus d’une bonne grosse seconde qui se déroule entre le tir de l’un à l’autre. Les autres armes étant nettement plus réactives, et la dernière étant même à la fois plus réactive et plus puissante, je n’ai pas compris ce choix pour celle de glace qui certes, peut givrer certains ennemis en mode charge, mais même les projectiles semblent flâner tranquillement dans les airs et les ennemis à peine éloignés esquiveront sans aucun mal vos attaques, même les moins mobiles. Le dernier point sur lequel je souhaiterais terminer sur le système de jeu concerne les boss. Ils ne sont pas mauvais pour la majorité d’entre-eux, et même si le Pirate Omega offre un gros pic de difficulté, il en reste assez juste malgré son aspect « sac à PV » et son état de furie finale assez frustrante. Par contre, l’équilibrage des trois derniers est ridicule : Meta-Ridley est très facile pendant les 80 % du combat et après ça devient un truc enragé intouchable qui met des ruines à Samus sans sourciller ; Puis la première phase du Metroid Prime est assez simple mais elle a le mérite d’être relativement équilibrée (même si l’on doit passer par une phase de plate-forme insupportable avec des métroïdes juste avant le combat qui est indigne de la qualité de tout le reste du jeu), et la seconde phase devient absurde à partir du moment où le boss n’a plus que la moitié de sa vie, où j’en suis arrivé au stade de perdre littéralement plus de 200 points de vie en 5 secondes… (durée réelle).


Mais revenons sous un soleil plus radieux : les graphismes. En réalité, dans mon adolescence, Metroid Prime je l’utilisais comme la vitrine technologique de ma console chérie. Je me rappelle fortement la réaction d’un pote qui, à l’époque, ne jurait que par Halo 2 et par sa Xbox et qui en essayant Metroid Prime chez moi, même sur ma TV 36 cm, en était quand même pas mal revenu. Vraiment, le jeu était rutilant ! Eh bien, sur Switch c’est incroyablement beau aussi. Si l’aspect système de jeu ne remet aucunement en cause l’idée qu’il s’agisse d’un simple remaster, le moteur graphique ici a franchement des allures de refonte plus complète. Les textures sont propres et détaillées, que ce soit pour les décors ou les animaux, les plantes et adversaires. Le travail veut pousser vers une sensation de crédibilité et ça fonctionne parfaitement bien, où l’on conçoit sans broncher qu’effectivement un peuple vivait ici, qu’un écosystème assez cohérent s’y est développé. Les effets de lumières sont plus intenses et s’il n’y a pas d’ombres ou de reflets, la composition des décors est perpétuellement exemplaire et immersifs. Il y a beaucoup d’effets justement qui poussent à l’immersion : les gouttes d’eau sur le casque de Samus, les projections de magma, les éclaboussures d’insectes, la buée et surtout, les reflets du visage sur la visière lors d’un flash lumineux. Oui, tout était déjà là sur GameCube, mais tout a gagné en finesse, en propreté, et il y a encore davantage de particules dans les décors qui suggèrent poussières, lucioles, pollens, etc. Il n’y a aucun doute, Tallon IV est bien vivante et tangible. Il y a un souci du détail et de cohérence ludo-narrative assez incroyable tout de même, par exemple, lorsque l’on passe en visée rayons-X, on peut remarquer la main de Samus à travers son canon, main qui s’anime au moment d’un tir mais qui en plus prendra une position différente suivant l’arme qu’elle utilise, une position correspondant au symbole d’une main Chozo à 4 doigts. Le résultat est impressionnant, même pour un joueur PC un peu habitué à de grosses productions, que ce soit sur le petit écran OLED de la console, ou sur la TV en Full HD (le jeu tourne en 720 je pense).


Concernant l’ambiance sonore, j’apprécie le mutisme de Samus, comme celui de Gordon Freeman ou d’autres héroïnes ou héros taiseux. Elle est seule sur sa planète avec son vaisseau et son scanner, la faune et la flore sont partiellement hostiles, elle découvre ça, certes, mais il n’y a pas de raison qu’elle raconte sa vie. Les sons d’ambiance sont excellents, avec un bon casque sur la tête c’est très appréciable. Les musiques environnementales sont tout à fait à mon goût (sans compter l’aspect nostalgique qui est venu toquer à la porte de mon petit cœur en flétrissement de trentenaire désabusé), celle des combats nettement moins nonobstant. Les bruitages de l’armure de Samus ou de ses armes sont extrêmement satisfaisants. Quasi parfait !


De fait, oui, Metroid Prime Remastered est un très bon jeu, je serais tout de même curieux à l’occasion, d’avoir l’avis de quelqu’un qui n’a pas de souvenir chaleureux de l’original. Il me semble tout de même qu’un travail plus approfondi sur le système de jeu aurait pu être nécessaire parce qu’il n’était pas tout à fait adéquat déjà à l’époque et que certaines mécaniques ont tout de même un peu vieillies. Dans tous les cas, le jeu est un incontournable, ici publié dans une sorte de version complète et sincèrement respectueuse du matériau d’origine.

Altie-
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le 6 mars 2024

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