ATTENTION, CETTE CRITIQUE COMPORTE DES RÉVÉLATIONS SUR LA FIN DU JEU
Entre un Other M qui ne met personne d’accord et un Federation Forces qui fait l’unanimité pour les mauvaises raisons, voilà dix ans que Metroid peine à finir sa traversée du désert. En attendant le quatrième Prime au développement tumultueux, un remake de Metroid 2 : Return of Samus est envoyé en éclaireur pour préparer le terrain. Mais comment revenir aux bases quand on ramène l’un des épisodes les plus marginaux ?
Metroid 2 est le souvenir d’une époque où Super Metroid n’avait pas encore défini les standards de la saga. Là où les jeux suivants, qui donneront d’ailleurs nom au genre Metroidvania, misent sur un monde interconnecté fait de vas et de viens, Metroid 2 enchaine ses niveaux de façon plus linéaire. Samus, chasseuse de prime de l’espace, devait s’enfoncer de plus en plus profond dans les entrailles d’une planète et éradiquer une espèce sauvage devenue une menace pour la galaxie.
Marginal, Return of Samus n’en a pas moins laissé une grande marque dans la saga. Rien que l’armure de l’héroïne, la Varia Suit, vient de ce deuxième épisode. Parmi les nouveaux équipements qui deviendront récurrents, on pense aussi à la boule araignée et l’attaque en vrille, qui permettent de grimper tous les murs ou se maintenir en l’air indéfiniment. Mais ici, ce n’est que pour constater à quel point nous sommes enfermés sous terre. Combiné à l’absence de carte et à l’immense sprite de Samus sur le petit écran du Game Boy, cela fait de Metroid 2 l’un des épisodes les plus claustrophobiques. Un huis-clos qui a pourtant apporté énormément à l’univers. À l’instar d’Aliens, Metroid 2 retrace le cycle de vie des créatures qui donnent leur nom à la saga, et les fait évoluer tout au long de l’aventure en monstres de plus en plus féroces.
Depuis Metroid Prime 2 : Echoes, dernier épisode en date à adopter un monde pleinement interconnecté, cette vision du level design a vu passer quelques franches réussites comme Hollow Knight, Ori and the Blind Forest, Axiom Verge ou encore toute la saga Dark Souls. Metroid 2 n’était pas le candidat idéal pour revenir dans la compétition, et il esquive simplement ce défi. La structure plus linéaire est respectée, si l’on omet quelques téléporteurs pour revenir en arrière récupérer les différents bonus dans un level design plus complexe et riche qu’auparavant. Samus Returns se donne beaucoup de mal pour réduire la répétitivité inhérente à l’intrigue du jeu, et réussit à être plus plaisant à jouer. Sa plus grande réussite n’est cependant pas son monde mais ses personnages principaux. Souple ce qu’il faut, rigide ce qu’il faut et dotée d’une visée à 360 degrés, Samus est un bonheur à manier jusque dans ses nouvelles compétences : un contre, inédit pour une saga habituée à l’esquive, et une série de pouvoirs facultatifs. Les Metroids quant à eux ont cessé d’être des cibles volantes et vaguement agressives pour reprendre les codes des boss fight plus classiques, avec des patterns de plus en plus élaborés et de multiples options. Rarement ces créatures n’ont eu une telle prestance, et elles redeviennent enfin les vraies stars d’une saga qui parfois les rendait accessoires.
Mais là où Metroid 2 plaçait ces monstres en plein cœur de son monde, Samus Returns s’avère plus académique et propose des arènes dédiées, carrées et avec peu de variations. Quand la proie s’enfuit, ce n’est que pour se retrouver dans une autre salle un peu plus loin, tuant toute sensation de chasse ou toute possible tension. Le monde entier semble mécanique quand il devrait être naturel et chaotique. Ces Metroids n’ont pas chamboulé l’environnement, ils ne sont pas des prédateurs, ce sont des chats enfermés dans une maison, et qui renversent de temps à autre une lampe sur une table.
Samus Returns échoue à narrer avec son environnement, précisément là où Metroid 2 excellait. Pire, il change drastiquement le ton et l’ambiance de son modèle. Introduire au chausse-pied Ridley dans un des deux seuls jeux à ne pas y recourir, ou faire du bébé Metroid épargné une vulgaire upgrade, c’est passer à côté de son sujet. En cherchant à tous prix à faire du jeu un Metroid plus classique, plus chaleureux, plus polissé, les créateurs lui ont enlevé ce qui le rendait si différent. Si les Metroids n’ont jamais été aussi effrayants, le jeu tout entier, lui, l’est moins. Il n’est pas tant le Metroid qui évolue que la mue vide qu’il laisse derrière lui. Pourtant il y avait des choses à changer : depuis 91, la fin a pris un tout autre sens grâce à Metroid Fusion. Samus Returns se contente d’y faire un lointain écho, et n’ajoute finalement rien là où il retire. Nintendo n’a de cesse de traiter la série comme Mario, Zelda, Kirby, en faisant de chaque nouvelle itération un avatar de Super Metroid. Ça ne peut pas marcher, Metroid est un feuilleton. Samus a une date de naissance, et donc une date de décès. C’est une règle qui s’applique pour tout le monde et ce pauvre Ridley en a peut-être assez de voir quelle nouvelle excuse le ramènera encore à la vie. Ridley est mort depuis longtemps, ses autres incarnations sont des coquilles vides.
Alors qu’en 2007 Metroid Prime 3 avait tracé une voie, la saga n’a fait que s’en éloigner ou, au mieux, prendre le chemin le plus long. Avec Samus Returns, Metroid 2 ne fait plus ce qu’il était le seul à faire, mais cherche à faire bien ce qui a déjà été fait mieux. Devenir un Metroid comme les autres, fut-il très correct, c’est bien son plus grand malheur.