Pour moi qui ne suis ni un vétéran du MMO Gundam Battle Operation (dont cet opus est un spin-off solo), ni un habitué des battle royale en multi, j'ai fini Code Fairy comme je l'ai traversé : dans la douleur.
Alors que le casting girly et l'absence suspecte de tests de ce jeu épisodique m'avaient innocemment laissé croire à un titre fan-service, gentillet et gamer friendly (« les fleurs éclosent dans les flammes de la guerre », tu parles) passé les deux premiers chapitres de mise en jambe, j'ai pris les gaps de difficulté en pleine face, et j'ai ragé, et j'ai pesté, et j'ai pleuré des larmes de sang plus souvent qu'à son tour, j'ai dû apprendre à jouer, puis à bien jouer, puis à jouer mieux encore, sans que ce soit jamais assez, et bouffer de la poussière encore et encore, sans lock, sans assistant de visée, dans le cockpit d'un vieux Zaku techniquement dépassé, pour livrer un combat perdu d'avance.
Campagne solo indépendante découpée comme une série d'animation en quinze épisodes, Code Fairy est ENFIN le jeu Gundam dont j'ai toujours rêvé, en cela qu'il a tout compris au coeur de la saga : oubliez Gundam Versus ou Maxiboost On, les robots n'y sont pas des super héros de métal invulnérable et tape-à-l'oeil mais des tanks anthropomorphes, dispensables, faillibles, interchangeable, lourds, lents, peu maniables, si bien que chaque mouvement, chaque tir, chaque décision doit être mûrement pesé en amont. Chaque action doit compter. Pas question de rester sur la défensive ou de foncer dans le tas : la moindre erreur sera punie avec sévérité, parfois jusqu'à l'injustice. Pour espérer survivre, il faudra constamment réévaluer la situation et s'y adapter, connaître les points forts et les faiblesses de son matériel par cœur, ainsi que ceux de l'adversaire, les temps de chargement des armes, leurs temps de rechargement, la vitesse de dispersion des projectiles, tâcher d'atteindre les jambes de l'adversaire pour restreindre ses mouvements, ou le cockpit pour brouiller son radar, ou le bouclier pour avoir raison de ses défenses, si bien qu'on se trouve sous tension en permanence, physiquement autant qu'intellectuellement, et se relâcher trop tôt peut vous coûter la victoire au dernier moment, et en quelques secondes. L'aspect stratégique du titre s'en trouve renforcé d'autant, et les différents temps de latence associés à l'arsenal flirtent étrangement avec le tour par tour. Ce qui fonctionne, et même devient vite passionnant, à tel point qu'on se croirait presque dans un Front Mission en temps réel.
Nombre de défaites seront amères, mais les victoires n'en sont que plus jubilatoires.
A plusieurs reprises, c'est pour dire, j'ai éprouvé le même sentiment de triomphe que sur un From Software, et pour les mêmes raisons : voir sa stratégie et son skill porter leurs fruits et venir à bout de ce qui semblait insurmontable, après avoir été criblé de plomb une fois, dix fois, trente fois, ha, quelle extase !
Et si toutes les missions ne sont pas surhumaines (certaines sont même d'une facilité déstabilisante), sur cette ultime mission dans laquelle il faut tout donner, faire la démonstration de tout ce qu'on a appris à la dure, tout ce qu'on a sué, tout ce qu'on a râlé, jusqu'à la toute dernière seconde ou presque, la rétribution n'en est que plus gratifiante.
Enfin, se dit-on.
Enfin, on sait jouer correctement.
Ou en tout cas, on commence.
Il était temps.
Et on se prend à rêver du même jeu, version Patlabor ou Five Star Stories, tant la formule s'y prête à tous égards.
Côté scénario, c'est de l'UC classique (les vrais savent), sans surprises, sans audace, limite cliché, mais plus sérieux et plus mature que ses personnages stéréotypés (bien que sympathiques) ne le laissent supposer. Certes, le récit est d'un optimisme assez déconcertant en contexte Gundamesque, toutes proportions gardées, et le scénario loupe le coche de la tragédie humaine, qui aurait pu conduire au traumatisme génial d'un nouveau War in the Pocket, mais l'ensemble se suit avec intérêt, et a cœur de s'inscrire dans la trame de la série 0079, par le truchement de références chronologiques constantes mais bien amenées. On se surprend à embrasser sans réticence la cause Zéonite et à détester soudain la Fédération qu'on a pourtant jadis soutenue pendant plusieurs dizaines d'épisodes, et on prend la mesure d'un aspect prépondérant de la guerre auquel on ne va pas penser nécessairement, tant on est sans cesse confronté aux écarts technologiques qui, petit à petit, sonnent le glas de la cause.
Alors en contrepartie, oui, hors cinématiques animées qui émaillent joliment chaque épisode (même si elles se limitent à des séquences slice of life, laissant le moteur du jeu gérer les cinématiques d'action), le titre n'est pas bien beau, c'est de la PS3 en plus fin et plus coloré, on n'en prend pas plein les mirettes et malgré tout, ça clipe comme sur M6 chez Charlie et Lulu. Mais ce n'est pas hideux non plus, et on est tellement concentré sur la partie que la plupart du temps, on n'y prête aucune attention.
Augmenté de niveaux bonus à débloquer, et agrémenté de nombreux bonus idoines (mobile suits, éléments de customisation, musiques, illustrations, ...), le jeu décline chacune de ses missions (deux par chapitre, d'un quart d'heure maximum chacune) en trois niveaux de difficulté, et les joueurs de Battle Operation 2 pourront même accéder à du contenu supplémentaire, utilisable ingame.
Autant dire qu'aspect technique mis à part, le jeu ne mérite pas l'étrange indifférence dont il est entouré (il m'a fallu créer la fiche Sens Critique !), et qui plus est après des titres de qualité médiocre comme Versus ou Breaker.
En substance, un jeu exigeant, certes, qui ne sera sans doute pas au goût des jeunes générations adeptes du bruit et de la fureur, mais un immense coup de coeur en ce qui me concerne, qui a parfaitement su traduire l'idée que je me fais d'un champ de bataille en UC0079.
Imparfait et rageant, mais intense et prenant, jusque dans ses détails.
Enfin, un vrai jeu Gundam digne de ce nom, et si 9 est la note du coeur, un beau 7,5 sera la note de la raison.
Engagez-vous, qu'ils disaient.