Temps de jeu : 10 heures
Reçu dans le Humble Monthly Bundle de Janvier 2018
Test rédigé pour Nintendo-Difference [#12]
Développé par la Team Shifty et édité par tinyBuild Games, Mr. Shifty est disponible sur PC et le Nintendo eShop depuis le 13 avril 2017 pour la somme de quinze euros. Bébé né du croisement d’un Hotline Miami et des capacités d’un Diablo de X-Men (d’après leurs dires), ce beat’em all solo vu de dessus n’est pas arrivé sans soucis sur la console du petit artisan. À peine sorti, le jeu a été critiqué – à juste titre – pour ses soucis techniques, notamment ses chutes de framerate. Alors avant de juger ou d’acheter, mieux valait attendre le patch promis par l’éditeur. Il en est bien arrivé un en juin, mais rien qui n’ait réellement arrangé la situation. Depuis, plus rien. Attendre plus ne résoudra certainement pas grand-chose, alors autant y bondir direct, histoire d’asséner quelques patates pleines de vérités vraies. Un cadeau d’anniversaire mérité ?
Passe-Muraille
Mr. Stone est un homme méchant. Très méchant. Les conflits internationaux, c’est lui. Les assassinats politiques, c’est aussi lui. Le New Beat, c’est encore lui. Niché tout en haut de sa tour ultra-sécurisée, il contrôle le monde à coups de billets et de super-plutonium, une énergie rarissime dont Shifty voudrait bien s’emparer. Voleur taciturne coiffé d’une casquette et vêtu d’un long manteau, c’est lui que le joueur contrôlera tout au long de l’aventure. S’il est appuyé à distance par Nyx, son amie hacker, c’est bien seul qu’il s’élancera à l’assaut des quartiers de Stone. Le scénario – volontairement très basique et kitsch – a quelques relents de vieux nanars d’action, tant il enchaîne les répliques plates entre ses personnages profondément clichés. Fort heureusement, Mr. Shifty ne se vend pas sur la base de son scénario, mais bel et bien sur celui de son gameplay.
Dans ce titre à l’action frénétique, le joueur devra user de ses capacités surnaturelles pour atteindre l’objectif des dix-huit niveaux qui composent l’aventure. Ici, pas d’armes à feu, mais uniquement des poings surpuissants à en faire frémir la lignée des Joestar. Pour dire, tout ou presque dans le décor est destructible à l’aide de quelques crochets, qu’il s’agisse de fragiles baies vitrées ou de solides murs en bois. Pour le reste, il y a la téléportation à courte distance. Limitée à cinq utilisations, sa jauge se régénère rapidement à condition de ne pas les enchaîner à la volée. Le joueur pourra ainsi se déplacer de pièce en pièce sans se faire remarquer, pour peu qu’il ne renverse pas un vase quand il atterrit. Lourdement gardées, les salles sont en effet truffées d’éléments pouvant mettre à mal la discrétion de Shifty. Au moindre bruit, les hommes de main de Stone s’agitent et accourent à l’endroit en question.
La Tour infernale
Assez redondant dans son bestiaire, le jeu propose toutefois une intelligence artificielle agréable. Loin d’être rusée, certes, mais pas stupide non plus. Ainsi, en groupe ils n’hésiteront pas à se scinder en deux pour encercler le joueur, pris au piège. S’il est capable de mettre à terre un ennemi en deux ou trois coups de poings, Shifty n’en reste pas moins un mortel, en témoignent les armes à feu de ses ennemis. Une bastos encaissée, et c’est la mort qui l’a assassiné ; rassurez-vous, chaque nouvelle salle agit comme un checkpoint. Certains sont lents mais précis, d’autres défouraillent plus qu’ils ne visent, tandis que les derniers préféreront le contact ; à l’aide de leur force ou de leur vélocité. De fait, le joueur devra jouer de ses sauts spatiaux à la manière d’un cache-cache sanglant, apparaissant et disparaissant aux yeux des ennemis de manière presque rythmique, histoire de ne pas cramer son énergie.
Sur son chemin, quelques objets contondants, comme un bâton, une canette, un bouclier romain ou même un coussin, seront disposés pour être lancés ou frappés – à raison de trois à quatre utilisations – sur les gardes de ces lieux. Tous éliminent en un coup, et malgré leur apparence et dénomination différente, aucun d’entre eux ne se joue réellement différemment. Il y a bien le trident de Poséidon et l’éclair de Zeus qui en plus d’être indestructibles, permettent d’embrocher joyeusement plusieurs cibles d’un coup d’un seul, mais rien qui ne réinvente complètement sa manière de jouer. À cette répétitivité de l’arsenal se couple un sound-design manquant cruellement de patate, là où les droites procurent un plaisir certain. Et si malgré tout ça Shifty venait à être accablé par la milice de Stone, il pourrait encore renverser le cours des événements en ralentissant le temps pour se mouvoir entre ses proies façon slow-motion. Pour cela, le joueur devra au préalable charger sa jauge de combo, laquelle se remplit en donnant des pêches et s’active toute seule dès qu’une balle passe trop près du héros ; s’ensuit cinq petites secondes où on peut réduire à néant les rangs ennemis.
Shifty, des ratés de génie
Absolument saisissant sur les deux premiers tiers du jeu, le gameplay frénétique de Mr. Shifty bénéficie également d’un level-design intéressant, laissant la part belle aux attaques sournoises et autres sauts réfléchis. Les développeurs parviennent même à insérer de nouveaux éléments comme des barils explosifs, des pièges, des mines à décrocher et à lancer ou encore des générateurs anti-téléportations. Alors, le jeu, il est génial, non ? Malheureusement, c’est dans son dernier tiers que le titre se vautre lamentablement dans tout ce qu’il entreprend. Non seulement il n’apporte plus de nouvelles menaces capables de gêner le joueur, mais en plus il troque ses combats à l’aspect sournois pour de la mêlée bête et méchante. Les salles se font de plus en plus étroites, ne donnant que très rarement plusieurs pièces pour se jouer des ennemis. En résulte une impression de foire à l’empoigne où la mort peut se révéler frustrante, tant le joueur n’a pas d’autres possibilités que de se manger frontalement des hordes de gardes armés jusqu’aux dents.
Une répétitivité qui trouve écho dans les environnements du jeu, ainsi que dans sa bande-son. Oui, toute l’action se déroule dans la même et unique tour, mais il s’agit justement de la plus grande tour du monde, d’après le scénario. Au vu de la richesse de Stone, n’aurait-il pas été envisageable d’insérer quelques lieux différents, comme une piscine d’intérieur, un bar ou un cours de tennis ? La bande-son quant à elle, si elle n’est pas foncièrement désagréable, ne comporte en tout et pour tout que six pistes. Le joueur se consolera comme il peut avec les graphismes tout en cel-shading, sympathiques quoiqu’un peu gâchés par une interface assez grossière. Un choix artistique qui n’empêche pas le framerate du titre – pourtant vital sur ce type de jeux – de toussoter, notamment sur la fin de l’aventure, à la limite du jouable. Quelques crashs sont également à noter, toujours sur les derniers niveaux. Depuis le patch, rien ne s’est vraiment amélioré et pire encore, les temps de chargement ont vu leur durée presque tripler. Grosse déception également pour le boss final et la séquence de fin, véritables anti-climax s’il en est.
Verdict : Non !
Entre son esthétique comics, la casquette et la veste, et les téléportations répétées pour venir à bout d’une armée de gardes et atteindre le big boss, impossible de ne pas voir en ce Mr. Shifty un projet basé sur la mémorable scène de Diablo dans X-Men 2, où le mutant cherche à assassiner le président des États-Unis dans la Maison Blanche. Toutefois, la chorégraphie de Bryan Singer a su s’arrêter quand il le fallait, là où le titre de la Team Shifty s’enlise dans une répétitivité abracadabrantesque. Avec une durée de vie lorgnant sur les quatre heures en ligne droite, le joueur s’attendait certainement à autre chose qu’une fin amère, une bande-son pauvre et une technique dommageable. On aurait également aimé un peu plus de folie (dans son bestiaire, son arsenal ou juste son univers), comme l’a si bien fait Hotline Miami avant lui. Reste que les deux premiers tiers du jeu sont puissants, tant la mécanique de base et le level-design de la majorité des niveaux se révèlent grisants. Mr. Shifty est un jeu au potentiel fou, mais gâché par son manque d’ambition.