Le plaisir de la galère !
Aux premiers abords ce jeu paraît pauvre de toutes parts: peu de véhicule, des graphismes pas prodigieux, des petits soucis d'affichage, une prise en main assez rude surtout pour la...
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le 3 déc. 2017
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En guise d'avant propos, il me paraît judicieux de clarifier la situation : comme tant d'autres, je n'avais aucune prédisposition à me pencher sur un jeu comme Spintires : MudRunner. Sa jaquette me fait indirectement penser à l’anecdotique Maximum Overdrive de Stephen King et il y est question de choses qui flirtent avec le degré zéro sur l'échelle de mes passions. À savoir — quand même — ce mélange d'ingrédients fort peu glamour consistant au pilotage d'énormes camions dans l'U.R.S.S rural (...et les USA via DLC) des années 80.
Il parait évident que, pour le commun des mortels, les mots tôle, boue et Gorbatchev sont loin d'affoler les foules tant ils semblent aux antipodes de la Triforce du fun. Et pourtant, en grattant sous la couche de rouille apparente, on se rend compte que le studio Saber Interactive a réussi à insuffler un semblant d'âme dans son projet farfelu.
Par le passé, il m'était déjà arrivé d'avoir une petite aparté avec une simulation d'un registre similaire sous la houlette d'Euro Trucks Simulator 2. Pas le genre de titre à vendre du rêve non plus, surtout au milieu de cette déferlante de "Simulators'' germaniques, bien souvent torchés à la va vite et qui inondait littéralement le marché à cette l'époque. Mais bon, Euro Trucks Simulator 2 venant d'Europe de l'Est (une zone qui, selon la légende, porte beaucoup d'amour pour les transporteurs de marchandises) et a plutôt bonne presse dans le milieu fermé des initiés. Si il fût, l'espace de quelques heures, assez grisant de pouvoir tutoyer les sensations d'un chauffeur routier (diantre, le panel des avatars proposé est juste collector), notamment grâce à un moteur physique crédible et de jolis graphismes ; passé l'étape de la découverte (consistant en un enchaînement de Paris/Berlin en écoutant RTL, le 35 tonnes bridé à 80km/h vent dans le dos) à moins d'être un vieux routard dont le postérieur s'est rompu au siège de son bahut, force est de constater que l'ensemble manque cruellement de fun sur le long terme.
Voilà donc qu'un challenger du nom de Spintires : MudRunner pointe le bout de sa calandre, incitant à troquer son marcel contre une tenue plus champêtre. Sortez la chemise bûcheron, enfilez une vieille paire de bottes et prenez place derrière le volant de ces monstres fait d'acier soviétique, tout droit sortis d'une époque ou les constructeurs se tamponnaient allègrement le coquillard avec les filtres à particules et autres accessoires superflux visant à brosser dans le sens du poil les normes anti-pollution.
Nous voilà donc lâchés sur l'une des maps du jeu, chacune proposant un biome différent, livré avec sa palanquée d'obstacles naturels à franchir : torrents déchaînés, pentes vertigineuses et autres tourbières. On met le contact, le moteur s'ébroue dans un grondement rauque pendant que l'échappement crache une épaisse fumée noire. S'en suit une ouverture de la carte routière — élément indispensable pour escompter survivre dans ce rally raid en zone inhospitalière — pour constater qu'elle baigne dans un bon vieux brouillard de guerre, façon RTS à l'ancienne.
Si le côté "fun" de Spintires : MudRunner réside principalement dans sa partie exploration et lutte contre les éléments, il faudra toutefois faire preuve d'une bonne dose de tact doublé de patience, car la progression y sera lente et parfois douloureuse.
Jonglant perpétuellement entre les premiers rapports de boite, et usant savamment du différentiel pour escompter se sortir des nombreux bourbiers qui se dresseront sur votre chemin. Des bourbiers qui, il faut bien le dire, sont l'une des véritables innovations que propose le jeu : le sol se déforme en temps réel et de façon dynamique, sous le poids des manœuvres de votre engin. Des ornières persistantes se forment ainsi, d'un rapport largeur/profondeur variant suivant la taille jantes du véhicule dont vous ferez usage. A noter la glaise fraîche qui à tendance elle aussi à coller aux pneus, rendant leurs structures aux crampons gros comme le poing, lisse comme comme la peau des fesses d'un bébé fraîchement talqué.
Vous aurez vite fait d'élaborer un plan d'attaque pour aborder certaines portions périlleuses, car dans les faits, foncer tête baissée dans une marre boueuse en écrasant le champignon se terminera quasi-systématiquement par un enlisement (avec un dépannage au treuil en bonne et due forme à la clé)...
Simulation oblige, l'utilisation des options capables de vous sortir du pétrin (activation du différentiel, du mode 4x4, etc...) aura un impact direct, parfois même assez violent, sur la consommation (et donc l'autonomie) de votre bousin. Il suffit d'avoir le pied lourd avec l'accélérateur de l'énorme dépanneuse "MAZ" pour engloutir l'équivalent d'une nappe de pétrole en un rien de temps). Un petit côté gestion bienvenu qui a le mérite d'accentuer la tension lors des phases d'exploration.
Au milieu de ces considérations d'ordre pratique, Spintires : MudRunner intègre également une tripotée d'objectifs, quoiqu'un peu trop linéaires, car consistants en de redondants transports de cargaisons entre un point A et un point B, façon ''Les Convois de l’Extrême''.
En résumé : si il est évident que ce Spintires n'a clairement pas l'ambition d'être un jeu de l'année, et malgré son côté ''jeu de niche'', la dizaine d'heures passée à son volant est passée relativement vite, pour ma part. Offrant son petit lot de situations mémorables. Tel que cette mission de dépannage qui a tourné au drame : grand moment de solitude lorsque, après avoir bataillé contre vents et marée dans les steppes russe afin rejoindre un véhicule en panne, la dépanneuse sur qui tout mes espoirs reposaient a terminé lamentablement sa course sur le flanc dans un fossé.
Malgré tout, le jeu souffre des même aspects négatifs qu'on pourrait imputer à Euro Truck Simulator 2, a savoir, d'un cruel manque de renouvellement dans ses objectifs, qui tend à essouffler l’intérêt du jeu sur le long terme. Pour les profanes tels que moi, l’intérêt du soft résidera simplement dans ce plaisir grisant qu'on éprouvera en mettant le moteur physique clairement réussi du soft, à l'épreuve.
N.b. 1 Je n'ai pas encore eu l'occasion de le tester, mais le jeu dispose aussi de fonctions multijoueurs autorisant, si le cœur vous en dit, à vous frotter les carlingues dans la boue entre amis. A noter également que le jeu est chapeauté par une communauté de moddeurs passionnés très active, car encline — et ce dès la sortie du jeu — à proposer une quantité impressionnante de véhicules supplémentaires.
N.b. 2 Vous trouverez également sur Steam une version sobrement nommée SPINTIRES™. Cette dernière est à fuir comme la peste : Sorti initialement avant MudRunner, ce projet a fait émerger un litige tel, entre l'éditeur et les développeurs, que ces derniers y ont volontairement sabré le code source avant de quitter le navire (n'assurant de facto plus le moindre support).
Créée
le 13 nov. 2018
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