J’ai de plus en plus de mal avec une certaine presse soi-disant spécialisée. Cette presse, capable de donner à un jeu AAA une note proche de la perfection alors que le titre est farci de défauts évidents mais qu’ils occultent arbitrairement car vous comprenez, on a reçu un petit chèque du développeur. Cette même presse qui se montre bien moins indulgente avec certains « petits » jeux, développés dans l’ombre par des studios bien plus modestes, bien moins connus, et qui pourtant valent qu’on s’y intéresse, qu’on les teste, surtout quand on en a ras le bol d’un énième Assassin’s Creed, d’un énième Call of Duty, qui ressemble comme deux gouttes d’eau au précédent. Que certains aiment ces jeux ne pose aucun problème en soi, mais d’autres jeux moins grand public arrivent à procurer bien plus d’émotions, bien plus de plaisir, bien plus de réflexion. Je vais vous parler aujourd’hui de Mutant Year Zero : Road to Eden. Sous ce titre à rallonge se cache un RPG tactique au tour par tour qui lorgne du côté de la saga X-Com, mais qui développe son univers bien à lui. Un jeu certes imparfait mais ô combien attachant et surtout bien plus subtil qu’il n’y parait.


Mutant Year Zero : Road to Eden est une libre adaptation du jeu de rôle papier suédois Mutant : Année Zéro, créé par Tomas Härenstam et sorti en 1984. Le jeu, sorti fin 2018 est développé par le studio suédois The Bearded Ladies composé, entre autres, d’anciens concepteurs de Hitman et le cocréateur de la saga Payday. Il s’agit du premier jeu du jeune studio et ils ont opté pour un jeu d’aventure tactique au tour par tour mêlant exploration, furtivité, et affrontement dans des décors post-apo ravagés par la guerre et où la nature a petit à petit repris ses droits.
Vous incarnez un groupe de mutants, deux au début du jeu, qui seront rejoints par d’autres personnages. Bormin, un humanoïde à tête de sanglier adepte des armes à feu de proximité, et Dux, un humanoïde à tête de canard, plus spécialisé dans les armes à longue distance façon sniper. Tous deux sont doués de parole et évoluent dans un monde dangereux, dévasté, où une poignée d’humains et de mutants a trouvé refuge dans ce qu’on appelle L’Arche, un lieu de paix protégé des créatures hostiles des environs : dangereux robots livrés à eux-mêmes, bêtes féroces cherchant à se remplir la panse, peuple agressif appelé “goules”, … Votre but ? Essayer de comprendre ce qu’il s’est passé. Essayer de comprendre pourquoi vous, votre compagnon d’armes, et peut-être quelques autres êtres sont devenus des mutants. Que s’est-il réellement passé… Il y a forcément une explication…


L’univers de Mutant Year Zero est extrêmement soigné. La direction artistique du jeu fait clairement partie de ses points forts, appuyée par une excellente musique. C’est joli, très joli même, et on prend un énorme plaisir à fouiller chaque recoin de chaque lieu à la recherche du moindre bout de ferraille et coffre caché. Le parti-pris en ce qui concerne les personnages (corps humain, tête d’animal) pourra peut-être en rebuter certains, mais pourtant très vite ils deviennent extrêmement attachants, chacun ayant son caractère bien trempé et balançant des lignes de dialogues très travaillées, souvent humoristiques, sur lesquelles on notera un réel effort de traduction pour rester fidèle à l’esprit et à l’ambiance du jeu.
La partie exploration est très importante dans le jeu. De nombreux lieux sont à explorer, disponibles via une carte générale qui s’étoffera au fur et à mesure de votre aventure. Il vous faudra donc fouiller le moindre recoin, accompagné de votre lampe torche, et récupérer un maximum de ferraille et de pièces d’armes qui vous serviront de monnaie d’échange à l’Arche afin d’améliorer vos armes (dégâts, portée, critiques, …) et d’acheter de quoi vous aider à survivre (grenades, trousses de soin, …). Vous découvrirez également au cours du jeu de nombreux artefacts anciens, des vestiges de notre monde à nous (ipod, glacière, distributeur de bière, …) qui vous donneront des points à dépenser dans un arbre de talent « général », c’est-à-dire qui influera sur tous vos personnages en même temps. Bien entendu, chacun de vos personnages possède également son arbre de talent qui lui est propre, sur lequel vous dépenserez des points d’expérience acquis en passant des niveaux afin d’apporter de nouvelles mutations, actives ou passives, à vos héros. Du classique de chez classique pour un RPG, même si on pourra reprocher que, au final, certaines de ces améliorations ne sont pas réellement utiles.


Cette exploration sera vite « perturbée » par les ennemis dans les zones qui lanceront les combats dès qu’ils vous auront repérés. Autant vous le dire tout de suite, y aller comme un bourrin sera synonyme d’une mort certaine car la difficulté de Mutant Year Zero est assez corsée. Vous serez obligé d’y aller en mode furtif, de progresser en éteignant vos torches afin que passer inaperçus, et surtout d’essayer d’éliminer les ennemis les plus isolés afin que, lorsque vous attaquerez le gros du groupe, ceux-là ne viennent pas se mêler à la fête. Bien entendu, utiliser des armes silencieuses est un plus, et si vous n’en avez pas, il vous faudra étudier le terrain le plus possible afin que les ennemis les plus éloignés n’entendent pas les coups de feu et se ramènent alors que vous étiez déjà dans une posture peu avantageuse.
Les combats sont tout ce qu’il y a de plus classique dans le genre mais font preuve d’une réelle efficacité. Il faudra utiliser au mieux le terrain, les différentes possibilités de couverture, de hauteur, tout en prenant en compte que tout peut être détruit dès qu’il y a une explosion, une arme un peu puissante. Ne vous sentez pas trop en sécurité car vous avez posté votre sniper en hauteur, un coup de grenade bien placé et c’est le bâtiment tout entier qui va s’effondrer, engendrant de lourds dégâts à votre personnage. Il vous faudra être malin, parfois refaire plusieurs fois le début d’un combat (pensez à souvent sauvegarder) car vous risquez d’en chier des ronds de chapeau. D’autant plus que, lorsqu’un personnage tombe à zéro point de vie, vous n’avez que 5 tours pour le remettre sur pied sinon c’est mort définitive.


Mutant Year Zero : Road to Eden fera plaisir aux amateurs de Tactical RPG au tour par tour. On se prend très vite au jeu et l’univers qui y est dépeint colle parfaitement au genre. Certains tests sur la toile ont souligné des baisses de framerate, mais je ne l’ai pas constaté. J’ai testé le jeu sur PC, détails tout à fond, et aucun souci de ralentissement. Peut-être que les versions console ont des soucis, je ne saurais dire. Une chose est sûre, c’est que graphiquement, le jeu est beau et que les animations des personnages ne sont pas en reste. On regrettera peut-être l’impossibilité de sprinter, provoquant parfois des allers retours un peu longs sur la map (surtout lorsqu’on contrôle le sanglier) mais rien de folichon malgré tout. Certains ont reproché au jeu d’avantager les ennemis au détriment des héros en matière de pourcentage de visée lors des phases de combat. Une fois de plus, pour moi qui suis un habitué du genre, je n’ai que très rarement constaté ce problème. Il suffit d’arriver à trouver un juste équilibre entre risque à prendre et distance de sécurité et tout se passe comme sur des roulettes. Même chose au niveau de l’ergonomie. Alors que le combo clavier / souris des PC se prête parfaitement au genre et ne pose aucun souci de gameplay, certains ont remonté que la manette semble bien moins intuitive pour naviguer dans les différents menus du jeu. Le seul vrai problème du jeu est sa durée de vie relativement courte. Certes, le jeu est proposé à bas prix (une trentaine d’euros sur consoles, bien moins sur PC via les sites de clés CD puisqu’on l’y trouve à 8.44€), mais l’histoire principale est pliée en une 15aine d’heures, qui montent à une 20aine lorsqu’on explore toutes les zones de la carte. Et pour un tactical, c’est relativement court (souvenez-vous Divinity Original Sin 2 et ses 120h, Wasteland et ses 70h, …). Espérons qu’une suite voie le jour car le jeu donne envie de continuer les aventures de Bormin le sanglier et Dux le canard !


Parfois décrié par une certaine presse spécialisée, Mutant Year Zero est pourtant un très bon tactical RPG au tour par tour qui ravira les fans du genre. C’est également une bonne entrée en la matière pour les néophytes qui désireraient découvrir le genre.


Critique originale : ICI

cherycok
7
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le 21 juin 2019

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