Il y a 100 ans, une météorite a frappé l’île. Sur ce bout de terre baptisé Mutazione, les survivants du drame ont vu leur physique changer. En autarcie, coupés du monde, ces curieux autochtones (plus ou moins) humanoïdes vivent en symbiose avec une nature triomphante. Notre héroïne adolescente, Kai, a grandit sur le continent avec sa mère. Un jour, son grand-père qu’elle n’a jamais vu l’invite sur l’île. Sur son lit de mort, le vieil homme a besoin d’aide. Et de drogues, aussi.
Mutazione est un jeu narratif en 2D, où l’on évolue sur une île à la végétation luxuriante, qui masque les vestiges de ce qui fut un endroit touristique parmi d’autres. La protagoniste principale, sur ses longues guibolles qui finissent en grosses baskets de jeune, va tenter de sauver le grand arbre pilier de l’écosystème local, tout en levant le voile sur le passé de sa famille. Pourquoi sa mère a-t-elle quitté l’île enfant ? Pourquoi son grand-père n’a jamais donné de nouvelles jusqu’à ce jour ? Les tableaux sont idylliques, la flore et la faune merveilleuses, les habitants joyeux dans l’ensemble. En somme la Guyane Française, les fusées Ariane, le chômage et la pauvreté en moins.
"Ville fleurie"
Malgré l’invitation constante à la contemplation, on est pas là pour bailler aux cacatoès. Le jeu débute dans un porte-à-porte jéhovatiesque du bar aux archives, du port au temple. Entre autres hurluberlus, on rencontre une femme-chat veuve et une bande de joyeuses légumineuses sur pattes, les Pois. (Qui parlent un langage aussi opaque que les Manjis de Jumanji). Chemin faisant, Kai va hériter du savoir de son papy, grand chaman du village depuis toujours. Un savoir bien moins livresque que potager.
Liane folie
En effet, les différentes avancées dans l’histoire son ponctuées de moments bucoliques où l’on sème des graines* pour fleurir d’anciens jardins à l’abandon. Chaque carré de terre a son thème musicale propre (Mélancolique, jovial, sombre…) et nécessite l’apprentissage d’une mélodie particulière. On plante, on joue du tambourin de papy, et en 10 secondes les graines sont devenues arbres fruitiers, fougères, lichens. Les ingénieurs de Monsanto s'en décrochent la mâchoire, Pierre Rabhi prépare un bûcher.
Sept jardins jalonnent le récit, mais jamais ce petit rituel ne devient fastidieux : les joueurs moins inspirés peuvent semer au pif dans les zones dédiées, et les graines se trouvent sans difficulté en trifouillant dans chaque buisson. Pour parler des humains, il se dégage du village une bonne illusion de communauté rurale, avec ses gueules fortes, ses rancœurs et ses histoires de coucheries. Si vous habitez dans une commune où chaque habitant a un jour serré la main du maire (en poste depuis Jospin), alors vous ne verrez rien de bien exotique dans ces commérages.
Mutazione parle de la symbiose nature-Homme. Si leur condition d'humain divise parfois les protagonistes, ils mettent sans hésiter de côté leurs egos au service de la cause commune. Le message de fond aurait pu être aussi rébarbatif qu'un hippie défoncé à 5h. Mais le trip chamanique vu par Die Gute Fabrik est si hypnotisant qu’on reste avec grand plaisir 4-5h autour du feu, assis en tailleur, jusqu’à avoir des fourmis dans les fesses. Fais tourner les champis, papy.
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