Dans The Longing, on incarne une ombre. Un petit personnage, serviteur d’un Roi de Pierre, muré dans un royaume souterrain. Ledit Roi vient de plonger dans un profond sommeil, dont il sortira dans 400 jours, équivalent vie humaine. Notre mission ? L’attendre. On ne parlera pas ici du concept du jeu, ni de sa direction artistique (Joann Sfar en plus mignon). Canard PC en a déjà parlé, et je ne veux pas être traîné en justice pour plagiat. On se posera juste la question qui suit.
Pourquoi les idle games c’est l’ennui, alors qu’un idle game qui parle d’ennui, c’est bien ?
Crépuscule des idles
J’ai toujours regardé de loin les idle games - ou “jeu incrémental” dans la langue de Bernard Montiel - synonymes de jeux mobiles et de perte sèche de temps, voire d’argent. Attendre 8h pour débloquer du nouveau contenu pour ma ferme, une nouvelle skin ou pour ouvrir un coffre d’or, non merci. Je ne juge pas mon prochain. Comme dit votre pote marketeux quand vous trouvez cette publicité pour un SUV naze : “t’es juste pas la cible”. Pourtant, si j’en crois Steam, un de ces jeux “où le joueur n’a rien à faire” a déjà tourné 25h sur mon compte. Pourquoi ?
Parce que The Longing vient remplacer le gain de puissance qu’on attend habituellement de l’attente (vous suivez?) par...du mystère. Et, gale à part, rien ne démange plus un humain que le besoin de savoir, de comprendre et de sonder l'abîme, de percer ce mystère. Des gens sont morts d'avoir ouvert les tombeaux égyptiens. D'autres d'avoir voulu pénétrer la zone 51. Ces fers de lance de la pugnacité humaine face à l'obscurité, s'ils n'étaient pas morts dans d'horribles circonstances, se seraient rués sur The Longing. Car en nous livrant à nous-même dans ces galeries obscures, avec peu d’indications, sans carte et un pitch de base flou, le jeu met en branle la plus folle des machines : notre boite à cerveau.
Dans quel état Germinal ?
Si The Longing tourne en permanence sur mon PC, c’est parce que je suis impatient d’en savoir plus, d'explorer tous les recoins de ses galeries. Et là vous me direz : il reste donc ce principe bête de la récompense à celui qui poireaute. Oui, à deux différences près. D’abord, dans on n'y attend pas pour gagner plus de puissance, pour monter dans un classement ou pour vaincre un ennemi*. On attend pour satisfaire la curiosité qui nous démange comme le bouton de moustique sur le bras fantôme du manchot.
Ensuite, on est pas totalement passif. Car si on patiente pour un objectif A (une salle qui s’ouvrira dans quelques jours), il y a toujours un micro événement B à accomplir, qu’il soit réel ou supposé (Ai-je vraiment tout exploré ? Et si je profitait de cette attente pour aller ramasser du charbon et préparer l’avenir, etc). Ainsi se conjugue l’effet calendrier de l’avent avec la fièvre d’explorer, de creuser au sens propre ou figuré dans le jeu.
L’humour d’ermite inébranlable face à l’éternité fait mouche. On est désarçonné par les réflexions de l’ombre, qui semble totalement immunisée contre l’usure du temps et de l’ennui. Un peu comme on peut avoir un rire nerveux devant un film un peu ennuyeux mais fascinant. Sauf qu’ici on passe quand on veut à autre chose : le temps en jeu continue de s’écouler, et on peut revenir cueillir les fruits de notre patience plus tard. Avec toujours en tête qu’un événement banal peut nous refaire la journée.
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