Nanashi no Game
7.5
Nanashi no Game

Jeu de Epics et Square Enix (2008Nintendo DS)

En 1991, Koji Suzuki publie le roman Ring au Japon. Succès oblige, le livre est adapté en long-métrage par Hideo Nakata en 1998. La licence explose, démocratisant dans le monde entier le cinéma d'horreur asiatique rempli de jeunes filles glaçantes aux cheveux longs. Entre les suites, les remakes, les séries ou encore les mangas, le jeu vidéo n'est pas épargné par la vague. Ring : Infinity prend la forme d'un visual novel sur WonderSwan, pendant que Ring : Terror's Realm reste de triste mémoire sur Dreamcast. Nanashi no Game ne partage aucun lien officiel avec le Ring d'origine, pourtant il s'avère en être l'adaptation parfaite, transformé afin de correspondre à son support vidéoludique.

Sorti en 2008 exclusivement au Japon sur DS, Nanashi no Game est non seulement un jeu d'horreur (peu nombreux sur la portable), de plus il est édité par Square Enix, décidément prompt à expérimenter sur cette machine. Bien que ne proposant pas de mode gaucher (on s'y fait), l'occasion est donnée de choisir entre un héros ou une héroïne. Une fois lancé dans l'aventure, les premiers écrans nous invitent à tenir la DS comme un livre et découvrir en classe qu'un mystérieux jeu old-school téléchargeable circule sous le manteau. Bonne nouvelle de privilégié : il nous est envoyé sur notre console à double écran. Un rapide test dévoile un RPG classique, copie carbone de Dragon Quest (clin d'œil quand tu nous tiens). Pour ajouter un peu de piment, ce soft a la réputation d'être maudit et de tuer les gens qui s'y adonnent au bout de sept jours fatidiques. Somme-nous dès lors condamné ? Il faudra venir au bout des sept chapitres, sous forme de compte à rebours, pour le savoir.

En pratique, Nanashi no Game se divise en deux gameplays différents. Celui de la vie réelle, en vue à la première personne pour explorer les zones et celui du jeu dans le jeu, le RPG maudit, qui s'exécute de manière tout à fait classique, la DS en position normale. Le soin apporté à l'immersion, indispensable pour provoquer des frissons, est finement travaillé. Jamais l'apparence du héros (ou de l'héroïne) ne sera dévoilée, grâce à la vue à la première personne, renforçant l'identification du joueur. En outre, l'interface apparaît diaboliquement maligne : le protagoniste incarné possède une DS, sur laquelle il peut non seulement lire ses e-mails, mais également accueillir des bouts du jeu malfaisant. Pendant les phases d'exploration, la réception d'un contenu inédit est signalée par le bruitage typique de la DS et plus fort encore, il faut passer par un menu identique à celui du démarrage pour y accéder. Comme si nous étions vraiment le destinataire. Effet garanti, surtout si l'on décide de brancher ses écouteurs, comme les créateurs le conseillent à l'écran-titre.

L'enquête et le jeu maudit se montrent, sans surprise, inextricablement liés. Une fois coincé ou perdu dans les décors 3D, la petite sonnerie retentit et le RPG 2D donne des indices pour débloquer le chemin. S'il garde son côté mignon et ses pixels, il devient rapidement super dérangeant : des glitchs envahissent la verte prairie, les personnages inquiètent par leurs paroles et surtout la mélodie lancinante finit par installer un véritable malaise. A sa manière et avec habilité, le jeu 2D retranscrit les lieux 3D. Pour exemple dans le chapitre 2, l'aventure nous amène à être enfermé dans un métro filant à toute allure, les wagons s'enchaînant les uns après les autres comme une boucle infernale. Qu'à cela ne tienne, le RPG nous transporte dans un labyrinthe typique de son époque où il faudra choisir astucieusement entre les quatre points cardinaux en repérant l'indice adéquat. Qui apparaîtra dans la réalité une fois l'énigme résolue dans son pendant ludique. Le jeu dans le jeu essaierait-il de nous aider ?

Rien n'est moins sûr, après tout il nous faut survivre sept jours pour confirmer la malédiction. Surtout que la mort rôde à tous les coins de rue, sous la forme de fantômes des victimes précédentes qui reviennent hanter les environnements visités. Et si ces derniers vous touchent, c'est le game over assuré. Pour amplifier le stress, Nanashi no Game a pris le parti de mettre à disposition un personnage lent à en crever (c'est le cas de le dire). Tout comme dans ses aînés Clock Tower ou Fatal Frame, on se traîne doucement, la course équivalent à une marche à peine rapide. Il faudra régulièrement revenir sur nos pas ou esquiver soigneusement les ectoplasmes aux allures de zombies. Une nouvelle pièce atteinte ne sera pas suffisant la plupart du temps, les ennemis étant assez intelligents pour nous suivre à la trace. Leur intellect reste limité et leur échapper ne sera pas insurmontable, mais l'angoisse reste de mise. Parfois malheureusement par peur de devoir se retaper un passage peu maniable, il faut l'avouer, malgré la présence de check-points.

En bon titre qui cherche à terrifier, tous les endroits habituels du genre sont au rendez-vous : hôpital désaffecté, appartement lugubre, hôtel décrépi, etc. L'interaction se fait rare, à peine quelques objets à récupérer et beaucoup de portes à ouvrir, quand le stylet le veut bien. Toutefois, la très bonne gestion sonore et les e-mails vous prévenant de faire très attention réussissent à créer une ambiance effrayante, qui pousse à vouloir voir la suite malgré la maniabilité lourde. Sans parler des épisodes 2D, savamment distillés. L'enquête intrigue, nous emporte sur les traces de la création du fameux « jeu sans nom », jusque dans les locaux du développeur UtaSoft, jusqu'aux racines du fléau dans une scène proprement tétanisante où la fuite pour survivre sera plus palpable que jamais. Il faudra évidemment mesurer votre intérêt pour le domaine horrifique et votre résistance à la suspension d'incrédulité. Tout comme la vidéo damnée de Sadako en son temps, le RPG possédé n'est pas forcément ce qu'il y a de plus crédible. Au rayon technique, on ne tombera pas la renverse, même si la réalisation se tient et fournit quelques courtes cinématiques aux moments les plus opportuns.

Doté d'un concept fort et parfaitement adéquat à son média, Nanashi no Game est avant tout une expérience. Très court (une poignée d'heures, sans replay-value effective), limité dans ses possibilités et ponctuellement pénible à cause de sa lenteur, le jeu est littéralement porté par sa dualité, opposant une 3D reflet de la réalité et une 2D syncrétisant la menace qui plane sur le joueur et son avatar. Un mélange difficile à conseiller à tous, mais qui devrait intéresser (et satisfaire ?) les amateurs d'épouvante. Le périple ne s'arrête dans tous les cas pas là, une suite ayant vu le jour en 2009 (Nanashi no Game Me) toujours sur DS, ainsi que deux versions DSiWare (Noroi no Game Chi et Noroi no Game Goku). "Plus que trois jours"...
Molo
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le 6 nov. 2011

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Molo

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