Depuis quelques mois le sport automobile a de nouveau le vent en poupe. Pour un genre qui avait grand besoin de se revitaliser, nous avons eu droit a quelques très dignes représentants.
- Forza Horizon 2 par exemple, s'il n'a pas révolutionné le jeu de course arcade en monde ouvert, est monté au créneau en bon héritier
du trône, dans la lignée des Test Drive Unlimited, Driver: San
Francisco et bien évidemment de Forza Horizon premier du nom.
Pas de véritable révolution dans la formule, mais un amour toujours
intact des belles caisses et des panoramas à perte de vue.
- Quelques jours plus tard, c'était à Driveclub de prendre le
relais chez la concurrence. Si le titre de Evolution Studios s'est
tristement fait reconnaître par le chantre de problèmes ayant
accompagné sa sortie (serveurs en rade, contenu coupé, intérêt
limité), beaucoup de joueurs ont précipité, à tort, le jeu dans les
limbes un peu trop rapidement. Parce que derrière la façade se
cachait un titre de course sur circuit mélangeant avec brio arcade et
simulation, et rappelant les meilleurs moments des Gran Turismo
et autres PGR. Maintenant que les problèmes sont résolus, les
développeurs ont aussi fait montre d'un travail de suivi exemplaire,
non contents de laisser mourir le titre, ils se sont attelés à
fournir du contenu régulièrement, et même encore maintenant, avec
l'arrivée de Driveclub Bikes. Dans son genre, le titre est
désormais un des plus chargés en contenu, et un an après sa sortie il
est toujours le plus beau jeu de course sur consoles, on lui
pardonnera donc volontiers un léger manque de personnalité et des
modes de jeu lacunaires.
- En décembre, c'était au tour d'Ubi Soft de s'essayer au style
arcade en monde ouvert, avec cette fois-ci l'ambition d'un terrain
couvrant la totalité des Etats-Unis d'Amérique que l'on pourrait
parcourir sans temps de chargement. Malheureusement, les piètres
sensations de conduite et le frame-rate anémique de The Crew
empêchèrent au titre de tutoyer l'excellence, reste un exercice
technique intéressante et des fonctions sociales bien implémentées.
- Loin de ces univers de plus en plus réalistes, Distance tente de
couvrir le creux de la course futuriste laissé par béant par les
WipEout, Rollcage et autres POD. Le titre tourne autours d'un gimmick principal (la survie sur une piste de plus en plus
ardue, à des vitesses de plus en plus folles, à mi-chemin entre
TrackMania et le mode Zone de WipEout), mais convainc grâce à une sensation de vitesse hallucinée et une ambiance magnétique.
- Peu de temps avant Noël, les développeurs italiens de Kunos
Simulazioni nous on fait cadeau d'Assetto Corsa, simulation
ultra-pointue, aujourd'hui encore considérée comme la référence en la
matière chez les amateurs. Malgré un contenu famélique en solo, le
jeu bénéficie d'un suivi continu à grands renforts de pistes et
voitures nouvelles, et peut se targuer de bénéficier de la communauté
la plus active dans le genre. Pour les joueurs exigeants possédant le
matériel nécessaire pour suivre la cadence.
- Avance rapide jusqu'à fin avril 2015, où Codemasters lance Dirt
Rally en accès anticipé. Si le titre n'est pas encore finalisé à
l'heure actuelle (la version 1.0 devrait arriver avant la fin de
l'année), il fait déjà preuve d'une maturité exceptionnelle.
L'ambition affichée des développeurs de tracer dans le sillon du
désormais mythique Colin McRae Rally 2.0 ne dément pas, il s'agit
bien d'un des meilleurs jeux de rally de ces dernières années, voire
tout court. Si le contenu s'avère classique (c'est un jeu de rallye
en même temps, difficile de révolutionner le style), le titre est
bien fourni en destinations mythiques (Finlande, Grèce, Pays de
Galles, Monte Carlo...) et en voitures qui ont construit la légende
de ce sport. Les sensations de conduite sont exceptionnelles, et le
titre se laisse appréhender par les débutants les plus totaux tout en
laissant aux plus experts les outils pour adapter l'expérience de jeu
à leur goût. Une réussite.
- Non moindre réussite pour Project Cars, qui après des mois, voire
des années d'arlésienne, s'est enfin décidé à sortir en mai 2015. Si
l'approche bac à sable du titre à de quoi dérouter à l'heure des
carrières solo pleines à craquer de contenu, le jeu de Slightly Mad
Studios reste à ce jour la simulation la plus pointue sur consoles
(en attendant Assetto Corsa l'année prochaine), et se laisse
appréhender par n'importe quel type de joueur, à l'aide de réglages
et d'options d'assistance bien fournis.
- Petite parenthèse récréative en juillet avec Rocket League, sur
lequel on passera rapidement car ce n'est pas un vrai jeu de course
au sens propre. Ceci dit, on y fait tout de même vroum-vroum avec des
MicroMachines sous stéroïdes et un ballon à l'inertie lunaire, et il
y a vraiment de quoi s'en amuser.
- Choc des cultures en septembre, avec dans un premier temps le Mad
Max d'Avalanche Studios redéfinissant le jeu en open world à sa
sauce. Si l'action piétonne reste possible (et souvent imposée
malheureusement), le titre brille surtout par ses sensations de
conduite, et la possibilité laissée au joueur d'explorer le wasteland
au volant d'un tacot fait de bric et de broc. Si l'approche peu
conventionnelle du genre a de quoi faire sourire au moment de classer
le titre dans la catégorie des jeux de course, on se consolera en se
disant que Mad Max reste l'une des références de l'exploration
véhiculée et véhiculaire à ce jour.
- Et, forcément, difficile de passer à côté de Forza Motorsport 6,
référence incontestée de l'arcade/simu consolesque, pointue ou
accessible selon les exigences de tout un chacun, blindée d'épreuves
en tout genre et dotée d'un garage pour le moins massif (450 voitures
à sa sortie). Si le titre ne marquera pas pour être le meilleur dans
un domaine particulier, il peut se targuer d'être excellent sur tous
les points qui comptent, de la technique à la variété des épreuves,
en passant par l'exhaustivité du contenu. Pris individuellement, on
pourra facilement trouver une poignée de titres faisant mieux que
celui-ci sur des points bien précis (Driveclub pour les
graphismes, Project Cars pour les sensations de conduite...),
mais ils devront s'y mettre à plusieurs pour espérer le détrôner. Une
référence, qu'on vous dit.
Voilà, ça c'était pour le rapide tour d'horizon de tout ce dont on a pu profiter en matière de jeu de vroum-vroum l'année passée. Et j'en omet quelques prometteurs, comme le futur Super Indie Karts qui vise à émuler les sensations des antiques Super Mario Kart et F-Zero de la Super Nintendo, ainsi que les différents jeux licenciés qui de toute façon sortent à intervalles réguliers sans trop de différences fondamentales à chaque itération.
Mon argument est le suivant : avec un choix si pléthorique à disposition, pourquoi, ô pourquoi, devrait-on s'intéresser à ce énième Need for Speed ? Une série si protéiforme qu'elle ressent le besoin (de viteeeeeesssee... hum) de se rebooter tous les deux ans environ. Pourquoi EA ne laisse pas cette licence mourir en paix ? A-t-on déjà vu un Need for Speed post-PS1 offrir mieux que ce que la concurrence proposait à la même époque ? Pourquoi les amateurs de vitesse et de courses illégales devraient forcément être de jeunes beaufs consommateurs avides de Red Bull ® ? Pourquoi les sensations de conduite des bagnoles me font davantage penser à une vache morte posée sur une draisine qu'à Fast & Furious ? Pourquoi, en 2015, le moteur Frostbite refoule-t-il toujours autant du conduit sur Xbox One ? Et pourquoi, entre les conversations insupportables de mon crew de têtes à claques (buvant du Red Bull ®), mon téléphonant sonnant sans cesse, et le fait d'errer comme une âme en peine au milieu de rues vides, dans un ville vide plongée dans une obscurité permanente, j'ai l'impression d'être tombé dans une version moderne d'Yharnam, contraint de répéter sans cesse les mêmes épreuves en pénitence ? Tant de questions qui malheureusement resteront sans réponses dans ce Need for Speed cuvée 2015, mais que le titre aurait sans doute bien fait de se poser.
Parce qu'il y a sans doute plus d'expressivité dans un regard bovin que dans ce jeu, je vous en conjure, passez votre chemin et penchez-vous plutôt sur l'un des titres détaillés plus haut. Et si vous avez déjà sauté le pas et dépensé 50 billets pour ce... truc, j'ai dans un premier temps envie de vous demander ce qui ne tourne pas rond chez vous. Mais, dans un second temps, condoléances et bienvenue, posez-vous confortablement, vous allez pouvoir assister avec une fascination non feinte à cet interminable accident ferroviaire. Sensation de vitesse inexistante, open world vide, graphismes en gris-marron-vomi dénués de toute âme (sublimés par le 900p de la Xbox One, parce que c'est bien connu, la console est composée de patates reliées par des câbles électriques en vrai), épreuves inintéressantes, portées par un scénario hallucinant de bêtise où des jeunes boivent du Red Bull ®, et où l'ensemble des bagnoles se conduit comme un frigo posé sur la glace, où la difficulté générale est tellement faible que l'IA se laisse pousser des ailes pour nous rattraper comme par magie (il semblerait qu'elle aussi boive du Red Bull ®), et enfin où il est possible de terminer l'ensemble des missions avec la même voiture de démarrage. Génie pur, quand une Subaru toute miteuse fait la nique à une Porsche tranquillement avec une main dans le dos.
Pourquoi donc porter une quelconque attention à un tel étron, malgré la pléthore de choix à notre disposition en matière de jeux de course ? EA n'a vraisemblablement pas daigné se poser la question, et si l'on peut reconnaître aux développeurs de chez Ghost des efforts manifestes pour tenter de relancer la série dans une nouvelle direction, le résultat final a de quoi nous faire ressentir une gêne certaine à leur égard. C'est bien simple, en dehors du sound design à peu correct (malgré quelques moteurs de tondeuse et une bande-son mi-figue mi-raisin), et de quelques rares bonnes idées de gameplay (le réglage du comportement des voitures), tout le reste est une démonstration spectaculaire de ce qu'il ne faut pas faire dans un jeu de course en 2015. Couper l'action en permanence à l'aide de panneaux tutoriels prenant la moitié de l'écran ? Check. Tricher l'IA pour donner l'illusion de courses intenses ? Check. Remplir sa ville vide à l'aide d'épreuves copiées-collées et des collectibles inintéressants ? Check. Tenter d'enfourner à la barre à mine un scénario vu et re-vu, à base de jeunes soifs de vitesse, de liberté et de Red Bull ®, à l'aide de séquence en live action insultantes, cabotineuses et hilarantes de surjeu, que l'on nous rappellera toutes les 5 secondes et demies à l'aide d'appels téléphoniques dans le désordre et donc totalement à côté de la plaque ("Je me suis fait coincer par les flics !" Littéralement 5 secondes plus tard "Yo mec ! tu viens te prendre un Red Bull ® avec nous au Diner ?") ? Check, check, re-check et mat. Occasionner des énormes chutes de frame-rate dès que ça tourne trop vite ? Check. Obliger le joueur à être connecté en permanence afin de pouvoir jouer, et ce même si l'ajout d'autres joueurs sur le terrain n'importe strictement rien au jeu (sérieusement, on ne peut même pas se faire poursuivre par les flics ensemble, toutes les instances sont individualisées) ? Check. Doter la ville de Ventura des flics les plus comiquement inefficaces depuis Police Academy (je me sens obligé de m'arrêter et de faire marche arrière régulièrement pour faire durer les poursuites, j'ai de la peine pour eux) ? Check. Et enfin, dénuer son titre de toute once de challenge, voire même de subtilité de conduite (je parlais du réglage des comportements un peu plus haut, s'il s'agit d'une bonne idée sur le papier, en pratique on a le choix entre conduire une locomotive ou un baja buggy, et ce quel que soit le modèle de voiture, on aura donc vite fait de garder le curseur au milieu) ? Check final.
J'ai déjà passé trop de temps à y jouer et à le critiquer, par pitié n'achetez pas ce jeu, ce ne sont pas quelques rares bonnes idées ensevelies sous une montagne de mauvaises décisions et d'erreurs techniques qui le sauveront du reste de la meute. Si vous appréciez les nanars vidéoludiques par contre, on en est franchement pas loin, et il y a quelque chose d'étrangement morbide et fascinant à regarder ce gigantesque carambolage se dérouler au ralenti sous nos yeux. Avec une bonne canette de Red Bull ®, bien évidemment.
Les plus attentionnés auront bien remarqué que nos jeunes ne boivent pas du Red Bull ® dans ce jeu mais plutôt l'autre marque. J'en aurais tellement bouffé à la moindre occasion pendant ma dizaine d'heures de jeu, que je ressentais le besoin de compenser en donnant le même temps d'exposition à la marque concurrente. Voilà.