Neverending Nightmares, le petit jeu d'horreur indé qui semble avoir déçu beaucoup de monde.
Le gameplay est difficile à classer tant il est épuré. Dans un univers 2D en vue de côté, on déplace notre malheureux personnage vers la gauche ou la droite, et légèrement dans la profondeur. Lorsque l'on tombe face à un objet coloré, cela signifie que l'on peut interagir avec. Et c'est tout. Pas de saut, d'attaque, de résolution de puzzles, rien.
L'essentiel de la difficulté du jeu se concentre sur deux points : de légères phases d'infiltration face aux rares ennemis rencontrés, et la force de votre volonté. Avez-vous réellement envie de poursuivre votre déambulation dans cet univers cauchemardesque ? Vous vous poserez la question à plusieurs reprises au cours de votre progression. A la fois parce que l'horreur pourra vous rebuter et vous donner envie d'arrêter, mais aussi parce que l'enchaînement interminable de couloirs presque identiques mettra vos nerfs à l'épreuve. La répétitivité des couloirs fait partie des "problèmes" reprochés au jeu, ce qui me semble injustifié.
Effectivement les couloirs se ressemblent et se répètent, mais cela fait partie de l'intention du game designer. Cette intention est désagréable ? Tant mieux.
Il ne faut pas oublier qu'une oeuvre, qu'elle soit filmique, musicale ou autre, vise à transmettre une expérience ou une intention au spectateur/utilisateur. Si un peintre décide de faire un tableau désagréable à regarder, peut-on vraiment le lui reprocher ? Si un réalisateur représente l'ennui d'un personnage en utilisant un long plan fixe de dix minutes, fait-il une erreur ? La réponse est non. Il faut savoir différencier les œuvres de divertissement des œuvres personnelles et purement artistiques. Le jeu vidéo se situe en première ligne lorsque l'on évoque cette problématique de dissociation divertissement/art, étant donné que par sa nature et par son histoire il est perçu comme étant fondamentalement un objet de divertissement. Or, jouer ne signifie pas nécessairement s'amuser et Neverending Nightmares le prouve bien.
Ces très longs couloirs, donc, transmettent parfaitement le sentiment d'oppression ressenti par le personnage condamné à revivre en boucle ces séquences morbides. Cauchemar après cauchemar, l'horreur se renouvelle mais se ressemble, et la structure étriquée des niveaux fait l'impression d'une camisole imposée au joueur. Pour moi, cette répétitivité est bel et bien une intention de game design.
Un autre reproche fait au jeu est la lenteur du personnage ainsi que son essoufflement très rapide lorsqu'il se met à courir. Cette lenteur et cet essoufflement sont là pour souligner la fragilité du personnage. Comme dans Amnesia par exemple, il est impossible de se défendre face aux menaces rencontrées. S'il avait été possible de se déplacer plus rapidement, le jeu aurait perdu de sa pesanteur en rendant les ennemis plus faciles à fuir, ou en donnant une teinte plus "action" au gameplay, ce qui aurait ruiné l'expérience. Quant à l'essoufflement, il nourrit lui aussi la fragilité du personnage. Ses respirations bruyantes et craintives ne risquent-elles pas d'attirer un monstre ? L'incapacité de courir vite et longtemps ne représente-t-elle pas la tétanie du personnage ? La peur fait courir, mais la terreur paralyse. Si vous n'avez jamais fait l'objet de cauchemars suffisamment intenses ou de crises de paralysie du sommeil, c'est une sensation difficilement explicable mais bien réelle.
Victime des pièges que lui tend son esprit, le personnage s'inflige toutes les horreurs, à la fois physiques et psychologiques. Au fil de l'histoire, le joueur doit donc affronter les auto-mutilations du personnage, les violences qui lui sont infligées par des créatures de cauchemar, le regard des orbites vides d'une armée de poupées, la traversée de charniers, le doute constant sur sa folie, sa culpabilité, etc. Le tout enrobé dans l'une de nos peurs les plus anciennes : la peur de l'obscurité, brillamment utilisée ici à travers la lumière tremblotante de notre chandelle découpant un espace vital autour de nous et laissant le hors-champ plongé dans les ténèbres, habité par toutes nos angoisses.
Neverending Nightmares est un jeu très bref, à faire d'une traite si possible, comme la plupart des walking simulators. Les ambiances sont très réussies et le jeu nous communique diverses peurs via son style visuel unique, et par un sound design extrêmement efficace (le son est toujours essentiel dans une expérience horrifique). Les animations sont également très fluides et plaisantes.
Toutefois, j'aurais apprécié que le scénario aille plus loin, quitte à sacrifier le système de fins alternative (je n'en ai fait qu'une seule). Il y avait là le potentiel de raconter quelque chose de très puissant, et Neverending Nightmares passe à côté.
Le déplacement du personnage comporte également quelques erreurs liées au level design. Les contre-champs (difficile de se faire comprendre sans montrer un exemple) au détour des couloirs ont tendance à provoquer des errements du personnage. Je pousse le stick vers le haut pour m'enfoncer dans le prochain couloir, la camera fait sa transition, j'apparaît dans le nouveau couloir, mon stick était encore enfoncé, paf : me revoilà dans le couloir d'avant. C'est une problématique bien connue des jeux en troisième personne à caméra fixe et il est dommage de voir encore des erreurs pareilles de nos jours.
Enfin, un petit bug sonore lors d'une courte séquence m'a fait sortir de mon immersion (l'ambiance sonore, très présente, s'est subitement coupée avant de revenir quelques secondes plus tard).
Ce n'est pas un jeu que je relancerai compte tenu de son manque de rejouabilité, mais je m'en souviendrai très longtemps et je le recommande vivement.