Nier Automata est un jeu Platinum Games, c'est indubitable. Le gameplay de base, le combat à l'épée, est dynamique, les déplacements sont fluides. Quand il y a beaucoup d'unités à l'écran ça devient un peu fouillis, et dans le fond on ne fait que marteler les mêmes combos encore et encore, mais on ne peut pas nier que cela est une expérience prenante qui d'un point de vue technique flatte les pouces.
Mais Nier ne s'arrête pas là, et dans la continuité de son premier épisode il s'amuse à greffer par dessus cette base déjà solide des éléments d'autres genres, principalement le shoot them up, qui viennent diversifier l'action. Ici on incarne un vaisseau vu de dessus qui tire en ligne droite, là un mecha qui peut mitrailler à 360 degrés. Ici notre personnage se déplace dans un univers en 3D, là un des axes est restreint et on a l'impression de jouer à un jeu 2D. C'est un gimmick un peu superficiel, car aucune de ces surcouches de gameplay n'est vraiment bien exploitée, mais c'est indéniable que ces changements sont marquants et donnent de la personnalité à la franchise.
En fait le jeu joue souvent avec les conventions vidéoludiques et est un modèle de narration intradiégétique par bien des aspects. La sauvegarde est un backup des données des androides. La calibration de la luminosité et du son est aussi liée à la calibration des androides et quand on vous dit que "c'est enregistré" c'est pour de vrai. Tous ces clins d'oeils sont tès amusants et fonctionnent bien.
Les graphismes sont, je trouve, une autre réussite du jeu. Les différents environnements sont simples mais plutôt jolis, et les animations sont de grande qualité. Je ne suis pas très "mecha" d'habitude, mais boudiou, qu'est-ce que c'est stylé quand les androïdes décollent dans leurs vaisseaux hybrides. Les cutscenes sont bien conçues. Pour pinailler je trouve que les visages ne sont vraiment pas terribles... mais c'est un détail qui n'a que peu d'importance dans le feu de l'action.
On regrettera du fan service purement gratuit. C'est le festival de la culotte échancrée et du galbe fessier, et ça n'a aucun intérêt. Ca fait tache, je trouve, dans un jeu qui se prétend sérieux et profond.
La musique est plaisante mais je trouve personnellement les compositions moins marquantes que dans NieR premier du nom, et elles souffrent du même problème de répétitivité : comme on traverse souvent les mêmes environnements, on entend les mêmes thèmes en boucle et au bout d'un moment ça sort un peu par les oreilles.
Le Hub central dans lequel le joueur évolue pour rejoindre ses missions ne fait que peu de sens. Evidemment c'est une limitation technique, mais ça reste assez grotesque que ce petit bout de ville anonyme soit l'épicentre de toute ce conflit planétaire et millénaire. Et puis comme par hasard au nord de la ville c'est le désert, au nord-est c'est la jungle, à l'est c'est un parc d'attraction, au sud c'est la mer et à l'ouest une grosse usine. Etonnante topographie. Mais là je chipote.
Globalement j'ai passé un bon moment à jouer à NieR, mais après avoir terminé le jeu (25h pour atteindre la fin E) je n'arrive pas à me départir de la tenace impression... qu'on s'est un peu foutu de ma poire quand même. C'est difficile à expliquer, mais la narration du jeu m'est restée en travers de la gorge.
Refaire le jeu plusieurs fois pour progresser dans l'histoire, pourquoi pas, surtout que la façon dont c'est mis en place est beaucoup moins rébarbatif que dans NieR premier du nom. On ne refait jamais exactement la même chose, et une fois la fin C effectuée on peut carrément accéder à n'importe quel chapitre depuis le menu principal, ce qui permet de voir la fin D très rapidement. C'est un grand pas en avant par rapport à l'épisode précédent qui exigeait de vraiment tout se retaper QUATRE FOIS pour assister à chaque fois à une toute petite variation dans la cinématique de fin. En plus le jeu était plus long il me semble.
Non le problème c'est que le jeu flirte avec énormément de notions intéressantes (la conscience, le sens de la vie, la liberté) et ne donne finalement pas son avis. Les joueurs sont invités à interpréter les événements, et ça marche à petite dose, mais là c'est trop. Du coup cela donne l'impression que le jeu est un monument philosophique alors qu'en réalité ce n'est qu'une illusion pleine de trous que les fans ont tenté tant bien que mal de combler à posteriori. A mon avis c'est une arnaque qui prend de grands airs, faussement profonde.
Au delà de l'aspect philosophique, le scénario lui-même est plein de trous. Dans l'un des derniers scénarios on découvre qu'une entité "N2" à la tête du réseau des machines est en réalité l'antagoniste principal du jeu. On ne comprend pas bien pourquoi, ses motivations ne sont pas bien expliquées, et cela remet sérieusement en question l'importance d'Adam et Eve, d'autres personnages que l'on pensait très importants dans le réseau. Pire: quelques minutes après avoir rencontré N2 pour la première fois, le joueur l'affronte en quelque sorte dans son Moi Intérieur puisque l'entité tente de pirater le personnage, et cette situation est résolue de manière ridicule car il suffit de ne pas répondre à ses attaques... pour que le programme se fracture et commence à s'attaquer lui même. Cela sort de nulle part. Finalement ce grand vilain il était un peu nul quand même, non ? C'est un deus ex machina grossier qui décrédibilise totalement cet adversaire.
On nous explique aussi comme un cheveu sur la soupe que 2B est en réalité une unité chargée de tuer régulièrement 9S (?) et que c'est un cycle sans fin (?). Alors c'est bien joli, cela fait un twist en apparence impressionnant, qui colle avec le fait qu'une voix off mentionne cette notion de cycle au lancement du jeu et à sa toute fin, mais les tenants et aboutissants de ce "cycle" sont complètement laissés dans l'ombre et après avoir parcouru différents forums pour voir ce que les gens en pensaient, chacun interprète un peu ce "cycle" à sa sauce.
On a donc une narration hermétique laissée à l'interprétation du joueur, mais sans avoir suffisamment d'éléments pour que ça soit satisfaisant comme par exemple dans un Bloodborne où on "déduit" efficacement l'univers par de multiples indices fragmentaires. Or sans ce sens général clairement énoncé ou facilement déductible, que reste-t-il des actions du joueur ? On a obéit à des ordres pendant la plupart de l'aventure, nous trimballant d'un point A à un point B pour défourailler à gogo et trucider du robot. Nos commanditaires n'existent plus, rien n'a de sens, et au final on meurt plus ou moins nous mêmes, n'ayant rien accompli du tout. Bof bof... cela pourrait être sombre et cynique si c'était vraiment assumé, mais même ça on n'en est pas sûr.
Les quêtes secondaires sont aussi un échec retentissant que je n'ai pas mentionné. On est la plupart du temps sur de la quête de MMORPG de bas étage : va chercher tel ou tel objet, va affronter tel ou tel monstre... et forcément la cible est à l'autre bout de la carte. Quand dans une quête il faut récupérer plusieurs éléments, on peut être certain que ceux ci seront répartis sur toute la carte, forçant le joueur à faire des aller-retours entre les différentes zones encore et encore. Et on nous en balance plein d'un coup dans le scénario A ! Au début je me forçais à toutes les faire mais j'ai fini par craquer et à ne plus consacrer de temps, laissant ma carte constellée de points d'intérêts rouges.
Bref, globalement un bon jeu d'action bourré de bonnes idées, à mon avis desservi par une narration trop mystérieuse pour son propre bien et qui en ressort "pompeuse". Je recommande néanmoins d'y jouer, ne serait-ce que pour découvrir les ingénieuses façon dont le jeu sort des carcans vidéoludiques habituels, parce que sur ce terrain là NieR Automata est très intéressant.