C'est encore en ce mois d'août 2022, période estivale durant laquelle j'ai décidé d'approfondir ma relation avec des titres et des univers précédemment exploré et avec lesquelles j'ai un amour indéfectible m'ayant permis d'agréables surprises et réinterprètations, que j'ai une nouvelle fois décidé de relancer un jeu, une œuvre que j'avais quitté il y a 1 an, juste satisfait d'un premier parcours que je pensais être suffisant malgré une indication de continuer un peu cachotiére, peut-être du à une naïveté ou un infantilisme de ma part, me laissant un goût de de culpabilité par la suite, sentiment renforcé par la récente annonce d'une nouvelle réédition d'un autre jeu s'inscrivant dans le même univers, émanant de l'esprit tortueux d'un développeur que j'adore et que j'avais su faire dans son intégralité pour le coup, ainsi que le report d'un titre que j'attendais pour cette année émanant d'un éditeur japonais ayant façonné une partie de mon amour pour la fantaisie...bref un certain "Nier Replicant"...je réinstalle, je prie pour que ma sauvegarde soit toujours actuelle...je lance l'application, un écran titre sublime, une musique envoûtante, un menu, un onglet, une fin dite A, une invitation à continuer, je fonce, je clique et là je me remémore, je recolle mes souvenirs.....
Car tout d'abord, après l'inscription son nom, c'est un prologue...une immersion sans une once d'explication dans l'arrière cours d'une épicerie, écrasée par d'immenses tours d'habitation, étouffée par un amoncellement de debris, aveuglée par une brume hivernale, vidée de toute vie...dépeignant une mégalopole typique de l'archipel nippon visiblement victime d'un cataclysme, d'une crise...peut-être un bombardement, un dérèglement climatique, un pandemie...dans la peau d'un adolescent maigrichon, à la peau pâle, à la chevelure grisonnante, à la voix tremblante, vêtu de vieille fripe...peut-être un abandon parentale, une vie de sans-abri, un dernier survivant...trop d'interrogation...pas le temps...car visiblement un être, une enfant, une sœur est empreinte d'une maladie, d'un mal intérieur, d'une malédiction est au bord de l'agonie...on ramasse donc ce que l'on trouve...une boîte de cookies, une batte en métal...et tout d'un coup...des bruits, des ombres, des fumés...une invitation à jouer au base-ball...on avance méfiant...des êtres de papier, ressemblant à des enfants, s'exprimant dans une langue imaginaire...on nous envoie des balles rouges...on s'amuse avec...etrangement du sang coule au sol, peut-être une mauvaise réception...on "gagne" la partie, on retrouve notre protégée...bref une véritable fiction prédictive et post-apocalyptique qui brutalement se clôt...et là écran noir...
Une première ellipse...premier acte et nous voilà débarqué toujours sans explication toujours dans la peau d'un enfant sans âge, cette fois-ci ci en culotte courte blanche, sophistiquée, élégant tel l'héritier d'un monarque ibére, toujours responsable de sa petite sœur éternellement fragilise et dépendante de nous, le plaçant dans un rôle délicat vu son supposé âge et cette maudite absence familiale...exigeant de sa part un engagement, une dévotion, un sacrifice malgré sa jeunesse, son inexpérience, sa méconnaissance...lui demandant d'apprendre un métier, d'acquérir un vocabulaire, d'établir un relationnel, d'expérimenter une intégration, de récolter un revenu, d'établir un patrimoine...lui faisant voir du pays, un village troglodyte des carpates, un port pêche hellénique, une oasis mésopotamienne, une cité fortifiée moyenâgeuse caucasienne, une villa baroque, une mine industrielle futuriste, un temple suspendu entre le temps et l'espace...le confrontant à diverses peuples, divinités, légendes, mythes, faunes et d'éventuels futurs compagnons, une jeune femme de petite vertu, un petit artiste aux yeux bandés, un futur prince oriental masqué, un duo d'enfant ferrailleur et survivalistes...le heurtant à des récits, des histoires, des enjeux trop souvent alambiqués, trop souvent longs, trop souvent métaphoriques, trop souvent confusionnant...seulement aidé d'un grimoire un tantinet verbeux mais pas fin pédagogue, de ses talents innés bien trop disproportionnés de ce frêle corps, des ses premiers outils rudimentaires pas franchement à un bambin de son âge...mettant en jeu sa patience, sa compréhension, son cortex cérébral, son physique, son équilibre émotionnel mais arrivant comme même à s'octroyer des petits plaisirs personnels, un peu de sport hormis la natation, beaucoup de marche méditative, un peu de casse briques, un peu de puzzle, quelques énigmes, de multiples labyrinthes et surtout les échanges de balles avec ses anciens compagnons jeux accompagnés de leurs grands frères et toujours aussi "sanguins"...bref un véritable conte de fée chimérique et protéiforme qui a un instant donné, un désastre suggéré, un drame indésiré se clôt brutalement...et là un écran noir...
Deuxième ellipse...deuxième acte et encore sans trop d'explication dans la peau de nôtre jeune héro grisonnant...maintenant adolescent, à la carrure élancée, tout de noir vêtu, raffiné tel un noble florentin quelques années après un drame le brisant dans son fort intérieur, le marquant définitivement dans sa chair, le déstituant de son rôle chèrement défendu, le rendant orphelin de son bien le plus précieux...motivant chez lui l'envie d'entamer une démesurée quête personnelle, une funeste entreprise, un sanguinolent périple, un déraisonnable acte final...toujours accompagné de son grimoire bavard, de ses deux acolytes...toujours aussi peu guidé par les indications, informations récolté ça et là...toujours au sein de ce petit monde onirique mais qui à la suite des derniers événements, se voit bien plus sombre, obscure, taciturne, morose...où nos marches méditatives deviennent des remises en question, où les réflexions deviennent plus accablantes, où nos tâches quotidiennes deviennent éreintantes, où nos rencontres deviennent des adieux, où nos loisirs deviennent secondaires, où nos choix deviennent irrévocables, où nos actions deviennent plus douloureuses, où les mots deviennent plus vulgaires, où nôtre vocabulaire devient plus mâture...bref un basculement brutale et antinomique vis-à-vis du premier acte...poussant le joueur à foncer tête baissée quitte à omettre certains éléments, à se désintéresser de certains personnages, à se délester de certaines quêtes, à s'aveugler de mensonges, à douter de la vérité, à fuir la réalité tel un jeune adolescent dégoûté par une plongée dans le monde des adultes, par la découverte d'un monde qu'il a trop souvent repoussé mais auquel il doit faire face maintenant, qu'il doit affronter quel qu'en soit les sacrifices afin de s'en libérer...une véritable allégorie de la quête idenditaire qui prendra fin à la suite d'une ultime "victoire" bien amère, de la "signature" de nôtre œuvre, offrant une possible conclusion, l'obtention de la lettre A...et laissant au joueur la liberté de poursuivre ou non, d'être seul responsable de son engagement ludique et maître de sa satisfaction émotionnelle...
Et voilà...mon ellipse involontaire prend fin, je réouvre le livre...un écran noir, des lettres blanches, une musique mélancolique, des voix chaleureuses...on lit, on écoute, on imagine, on fantasme...un rêve, une réminiscence, une explication, un éclaircissement...l'interlude se clôt, beaucoup d'informations, beaucoup d'interrogations, peu de temps cogiter...l'écran s'illumine de couleur, de lumière...l'image s'anime, reprend vie sans once d'explication...on y retrouve notre univers, notre incarnation, notre récit à un instant clé de l'acte deux, comme ci le temps s'était arrêté gentiment, comme ci tout nous avez attendu, comme ci chacun avez preuve de patience...on reprend donc nos dernières tâches non terminées et on en accepte des nouvelles, on revisite des lieux bien connus et on découvre de nouveaux panoramas, on récollectionne nos cahiers d'écoliers et on enrichi notre vocabulaire, on revit de précédentes tranches de vies et on les regarde sous un angle différent, on relance nos chères parties de baballes et on se fait de nouveaux adversaires, on récupère nos anciens compagnons d'infortunes et on en perd d'autres et surtout on réentame notre quête finale dont on connaît déjà sa conclusion mais qui de part un certain nombre d'aspects nous semble un peu différente, changée, modifiée...comme ci elle avait conscience de notre nouveau statut de joueur...apportant son lot de réponses et de questions, de révélations et de suggestions...nous laissant interloqué et assuré, surpris et habitué, confus et éclairé, comme en pleine dichotomie intellectuelle, renforcée par cette imbrication entre l'ancien et le nouveau, entre le déjà vu et la découverte, entre le passé et le présent, entre les souvenirs et l'imagination...sensation que l'on va ressentir tout au long de ce parcours jusqu'à son dénouement final bien différent, validée par l'obtention de la lettre B...apportant une forme de conclusion tout en ouvrant une possibilité, laissant au joueur la liberté de poursuivre ou non, d'être seul responsable de son engagement ludique et maître de sa satisfaction émotionnelle...
Et donc en toute responsabilité, on suit l'indication, on se fit au message, on accepte l'invitation...et là...on se retrouve encore une fois à ce fameux instant clé de l'acte 2, comme ci ce monde, ce jeune, ce récit...nous, joueur aussi...étions prisonnier d'une boucle temporelle infini, où tout recommence sans cesse, où rien ne se conclu, où toute fin est impossible...mais bon on y croit, quelques messages nous le laisse entendre, quelques indices nous le suggère, quelques paroles l'évoque...on termine quelques taches laissées ça et là, on finit notre accumulation de patrimoine, on optimise nôtre parcours, on règle certains détails, on lit et se cultive un peu, on apprend de nouveaux mots...bref on finit le travail quitte a retomber dans anciennes routines, tel un adulte, sérieux, organisé et pragmatique, tentant vainement d'accélérer le temps car un dénouement est possible, une ultime conclusion est envisageable...mais au final le désir t'ont réellement, donc on ralenti un peu, on lutte contre le temps, on continue de s'octroyer de petits plaisirs coupables, d'instants de vies touchants, de moments de grâce visuels, d'envoutantes sessions musicales...bref on redevient un enfant, naïf, amoureux et émerveillé par tout cette univers enchanteur, désireux d'y s'amuser à l'infini...mais tout en sachant qu'il nous reste un être cher à sauver, un ultime acte à accomplir, un dernier chapitre à terminer...on fonce, on trace, sûr et déterminé, fort et puissant, armé et équipé...on lutte une énième fois, on "gagne" une énième fois, on met "fin" une énième fois...et là une voix, une indication, une possibilité, un choix...et nous voici en plein désarroi, égaré, troublé tel un adolescent à l'orée de sa vie d'adulte, devant prendre une lourde décision, une action irrévocable...validé ici par l'obtention d'une lettre bien spécifique...chacune apportant une forme de conclusion satisfaisante et laissant le joueur seul responsable de son engagement ludique et émotionnel...
Et à la suite de cet acte sans-retour possible, cette fermeture définitive du livre, cet amnésie volontaire, ce don de soi...on hésite, on tremble, on fantasme, on espère...on relance une "partie", on renome un "hero", on se réveille d'un rêve, on se laisse submergé par d'une réminiscence...on s'engage naïvement a entrouvrir a nouveau le "grimoire" tel un éternel enfant, on se plaît à rélire ce "songe" tel un rêveur éveillé, on se délecte à réécouter ces "vers" tel un mélomane nostalgique, on se prépare à reprendre sa "romance" tel un amant aveuglé...en espérant que ça dure, encore et encore, que le plaisir ne s'arrête jamais...acceptant sciemment de refaire, de recommencer et de recommencer, d'être le prisonnier dévouée ce cycle infini...nous laissant réciter par cœur nos gammes, nos danses, nos gestes, nos mots comme emporté dans une transe enivrante...jusqu'à un instant clé...un réveil, encore une fois...non cette fois ci c'est un éveil...et là on se tait, on admire, enfin notre "récompense" usufruit de notre lourd labour, de notre éreintant travail, de notre difficile "sacrifice"...et donc on en savoure les moindres secondes, les moindres lectures, les moindres mots...jusqu'à sa conclusion...
C'est donc après un 4ème générique de fin, une 4ème "route" terminée, une 4ème lettre acquise...que je quitte une fois pour toute ce jeu...que dis-je...cette œuvre artistique, narrative et ludique...à la fois satire de la fantaisie européenne telle que les japonais la fantasme, critique sur l'héroïsme et la manière dont ce média l'imagine, allégorie sur les troubles, les enjeux de l'enfance et l'adolescence, métaphores sur la relation envers un autre personnage quelque soit son rôle ou statut, une catharsis pour son créateur et le territoire qui la vu naître, un questionnement pour le joueur vis-à-vis de son engagement et sa satisfaction, une vision singulière de la construction d'un scénario et d'une incarnation...mais surtout une ode noble et élégante à la sensibilité et aux émotions, ne se comprennant et ne s'appréciant qu'au bout de cet "effort" ...me laissant bouche bée, fier d'avoir su preuve de maturité pour la poursuivre, heureux de l'avoir terminé dans son entièreté, surpris de mon attachement à elle, touché par ce qu'elle a su révélé en moi, malheureux de devoir la quitter et rêvant de retrouver cette franchise sous d'autres hospices...et merci pour ce tout nouveau vocabulaire nourrissant à jamais mon imaginaire de "reveur" et ma vision de ce "loisir"...