Nine Sols est un jeu créé par le studio taïwanais Red Candle Games sorti en 2024, après 4 ans de développement et un Kickstarter réussi en moins de 24h. Le jeu évolue dans un genre très spécial, à savoir un mix entre un metroidvania et un Souls-like, à l'instar de titres à grand succès comme Hollow Knight ou Blasphemous.
Ce qui frappe en premier lorsqu'on démarre l'aventure dans Nine Sols, c'est sa direction artistique très forte qui propose un mélange entre un orient féodal inspiré du folklore chinois et un univers futuriste très maîtrisé. La palette de couleurs est riche et variée, et le tout s'imbrique très bien ensemble : des décors 2D parsemés d'animations 3D, avec par moment des planches de Comic qui occupent l'intégralité de l'écran lors de phases de dialogues importants. Une chose est sûre : le travail réalisé sur Nine Sols a été long et le titre bénéficie d'une réalisation soignée.
Ceci étant dit, et je suis tout à fait conscient que je vais m'attirer les foudres de beaucoup de gens en voyant à quel point le jeu est bien noté, je dois avouer qu'il m'est vraiment difficile de recommander Nine Sols en l'état. Certes, le jeu offre des graphismes très travaillés, mais il se fait rattraper sauvagement par de grosses lacunes au niveau de son game design et plus particulièrement de son gameplay, de plus dans un genre qui laisse très peu de chances à l'à peu près.
Comme je vais le décrire au fil de cet article, ce n'est pas un élément majeur qui m'a fait abandonner le jeu, mais une multitude de désagréments qui me font dire que le jeu est passé à côté de quelque chose de grand. Ce sont parfois des choix maladroits, et à d'autres moments de véritables problèmes de design qui m'ont conduit à poser la manette. Non sans avoir eu envie de lui faire traverser une paroi de placoplâtre tellement la frustration de continuer à jouer à Nine Sols devenait grandissante.
Le supplice des huit couteaux
Ainsi le jeu souffre de multiples problèmes de qualité de vie, comme des écrans de chargement courts mais intempestifs, ou des choke points toujours situés loin d'un point de sauvegarde et qui imposent donc constamment au joueur de faire des aller-retour inutiles et chronophages.
À cela je rajoute un lore qui, même s'il est intéressant, a la profondeur d'une flaque d'eau. Et tout ceci est plombé tout au long du jeu par des dialogues fleuves qui n'apportent absolument rien à l'intrigue.
Les problèmes deviennent vraiment important lorsqu'on s'attarde sur le centre névralgique du jeu : le gameplay.
Commençons par le système de parade. À l'instar de Sekiro, la parade est la pierre angulaire du gameplay de Nine Sols et force est de constater que bien qu'efficace, cette mécanique est loin d'être parfaite. Ainsi, certains ennemis ont des attaques qui paraissent flottantes dans leur timing, et il est quasi impossible de placer une parade au bon moment de manière systématique. D'autres entrent en résonance avec les animations d'étourdissement de notre personnage et deviennent punitives au point qu'il est impossible de se relever pour revenir au combat. S'ensuit une mort, un écran de chargement, une animation de réapparition, et 45 secondes de marche inutile, parfois parsemé d'ennemis qui grignotent notre barre de vie gratuitement, encore, et encore, et encore...
On va où chef ?
Autre point noir du jeu : la carte. C'est pourtant un des axes de jeu majeur pour un metroidvania, mais il faut reconnaître qu'ici elle fait un mauvais travail pour communiquer avec le joueur. J'ai récemment joué au magnifique Animal Well, et j'ai passé un nombre incalculable d'heures plongé dans sa carte. Hollow Knight est identique en ce point : la carte donne des objectifs, soulève des questions, intrigue le joueur. Mais ici, la carte est une nouvelle source de frustrations : elle communique mal au joueur comment le monde est construit, et utilise des ascenseurs et autres plateformes pour tenter de tisser un lien tant bien que mal entre des zones qui ont peu d'intérêt commun.
Troisième problème : le système de transport rapide qui nous oblige à systématiquement passer par le hub central pour pouvoir parcourir la carte. Pourquoi ? Mystère. Mais cela force une nouvelle fois à consommer sans modération des écrans de chargement par paquet de douze, et on souffle très fort à la vue du même conseil de jeu apparaître (sur 14, ne loupez pas les autres !) mais qu'on a jamais le temps de lire. Rompiche.
Enfin, les capacités que l'on débloque. Au lieu d'être cachées derrière une exploration ou un mini boss à tuer, elles sont simplement offertes sur un plateau d'argent au joueur, au fil de l'aventure. Cela fait du déblocage de zone, autre composante essentielle du metroidvania, un soulagement plus qu'une vraie réussite, et on se met plus facilement à crier « enfin ! » que « trop cool ! » à l'obtention d'une parade améliorée.
Je passe vite fait sur l'inconsistance totale entre la difficulté de certains ennemis élite qui paraissent infranchissables, et des boss qui sont très travaillés et se passent les doigts dans le nez.
Git gud.
Et quand je disais que j'allais m'attirer les foudres des joueurs qui ont bien noté Nine Sols, c'est parce qu'il fait partie d'un genre de jeu qui arrive à « gaslighter » son public en se cachant derrière un niveau de difficulté mal dosé et injuste, mais soit disant voulu. Ainsi, si par malheur vous vous plaignez sur un forum de ne pas arriver à battre tel boss ou tel ennemi, vous serez accueilli par une armée de joueurs qui accuseront votre manque de dextérité car eux, ont réussi. Cela donne un aspect élitiste totalement injustifié et qui excuse le manque de finesse que le jeu offre au niveau de sa réalisation.
Bref, en soit, c'est un metroidvania très moyen. La carte est mauvaise en termes d'UX, les capacités débloquant de nouvelles zones sont données de manière gratuite et ne ressemblent en rien à des récompenses. Cela donne l'impression que le personnage principal ne gagne pas vraiment en puissance.
C'est aussi un mauvais souls-like. Le jeu paraît injuste autant dans son level design que dans les patterns des ennemis. Le niveau de frustration est élevé mais ne retombe jamais lorsque le joueur semble maîtriser les capacités du personnage qu'il incarne.
Conclusion
Quand on fait la somme de tous ces maux, force est de constater que bien d'autres titres sont nettement au-dessus de Nine Sols : ainsi dans Blasphemous par exemple, le sens de la progression est plus prononcé et on a réellement l'impression que notre personnage devient plus fort. Autre exemple : dans Hollow Knight, l'obtention des capacités de base (double saut, dash, attaque chargée) ainsi que leur évolution apportent une véritable évolution dans le gameplay et ajoutent du rythme dans le jeu.
Alors certes, la direction artistique est magnifique. Chaque écran de jeu est un véritable tableau et le sens du détail transparaît partout. Je n'en ai pas parlé jusqu'ici mais la bande originale est bonne sans être mémorable. Aucun thème ne se dégage vraiment et au final elle participe simplement à une ambiance générale. Jamais je n'ai eu les mêmes frissons que lorsque j'entrais à Dirtmouth ou Greenpath dans Hollow Knight et que j'entendais le thème musical changer.
Finalement, Nine Sols est intéressant, mais il existe beaucoup d'alternatives qui sont bien meilleures dans les genres qu'il propose. Il aura manqué de peu pour que le jeu bénéficie d'une vraie recommandation, mais il offre trop de difficulté mal dosée pour que je puisse lui donner une meilleure note.