Le Ninja m'a tuer

Il fut un temps où je me disais que j'étais un joueur bien vieillissant. Je pensais que les jeux portés sur la dextérité et la maîtrise d'un gameplay pointilleux n'étaient plus vraiment faits pour moi. Au contraire, les jeux reposants sur l'immersion, le scénario, l'intrigue me plaisaient de plus en plus. Je me disais ainsi que la prochaine étape serait mon abandon des jeux vidéo au profit du Sudoku.

Il est évident que si je commence ma critique de cette façon, c'est que tout a changé avec l'arrivée de Ninja Gaiden sur Xbox, car ce jeu est de la trempe des jeux exceptionnels, qui peuvent changer sa vision du jeu vidéo.

Tout d'abord, commençons par ce qui marque d'emblée : la technique. Tout ici respire la perfection. Depuis les graphismes somptueux (textures, modélisation, effets de lumière) jusqu'aux cinématiques vraiment bluffantes en passant, bien sûr, par une des ambiances sonores les plus poussées jusqu'alors.
Par contre, niveau scénario, disons clairement, c'est mauvais. Il n'y a strictement rien d'intéressant, ni dans la trame générale, ni dans la façon de la dérouler.

Sauf que Ninja Gaiden ne s'est jamais targué d'être un jeu basé sur la réflexion. Au contraire. Le coeur même du jeu est, justement, le jeu. Ainsi, quelles que soient les péripéties de notre héros masqué, quels que soient les décors (village médiéval japonais, dirigeable, volcan en éruption, base militaire gardée par un hélicoptère, grottes gelées, ruines égyptiennes, temple des ténèbres), tout ce qui importe, c'est qu'on veut garder tout le temps le contrôle du personnage. La raison est simple : une maniabilité absolument parfaite : on court, saute, grimpe, s'accroche, de manière totalement naturelle et intuitive. Mais surtout, on pare, coupe, découpe, tranche, décapite, sans jamais perdre le contrôle des opérations. J'insiste sur le terme jamais, car si, pour certains, Ninja Gaiden propose une difficulté trop élevée, ce n'est en aucun cas dû à la rigidité du gameplay ou à des sauts et enchaînements à réaliser au milimètre. Non, il faut avant tout comprendre les mécaniques du jeu (tant des adversaires que de notre propre personnage) pour avancer.

Et dès lors qu'on commence à maîtriser ce gameplay exigeant, on se rend compte de la profondeur du système de combat. Le nombre de coups, de combinaisons, d'armes est réellement impressionnant et permet de se sortir de situations vraiment différentes les unes des autres.

Du coup, chaque obstacle rencontré est une épreuve, un test que l'on passe. Mais contrairement à d'autres jeux, celui-ci n'est pas frustrant : chaque point chaud passé, chaque combat gagné est un soulagement et est vécu comme un progrès pour nous dans la maîtrise du système. A tel point que lors de certains passages déclicats, on se trouve "in the zone", à pouvoir jouer sans regrader dans le détail l'énergie qu'il nous reste ou le nombre d'ennemis qui nous font face. Seuls importent le rythme des gardes, des sauts, des enchainements de combos. On se sent ainsi atteindre une vraie domination du jeu et de son gameplay. Cette expérience aura été pour moi l'une des plus marquantes et gratifiantes dans ma vie de joueur.

Deux petits bémols, cependant, pourront gâcher l'expérience à certains : des problèmes de caméra que certains auront rencontrés (mais pas moi), et quelques phases de plateforme un peu inégales.

Pour le reste, on se trouve bien devant un jeu marquant, tendu, fluide, épuré, nerveux, en un mot : exceptionnel.
Techniquement poussé à l'extrême, et ludiquement tant exigeant que gratifiant, Ninja Gaiden Black sait mieux que tout autre jeu récompenser le joueur qui saura s'y investir. En clair, plus vous serez généreux, plus Ninja Gaiden vous le rendra.