A des années-lumières des expériences habituelles

Lors de l'E3 2014, l'annonce de No Man Sky a généré une forte hype, qui n'a cessé d'être alimentée par l'enthousiasme, les fantasmes et les craintes des joueurs, ainsi que par une communication habilement évasive de la part de Sony et Hello Games, qui se bornaient à marteler encore et encore à quel point l'univers du jeu était incommensurable sans répondre aux questions se rapportant au gameplay ou au but du jeu. Après plusieurs reports, on a enfin pu mettre la main sur le titre dans la première quinzaine d’août 2016. Et après sa sortie comme lors de son attente, No Man's Sky divise: certains joueurs sont charmés, d'autres crient au scandale, peu restent mesurés... Voici ce qu'il en est concernant l'un des jeux les plus prometteurs et les plus controversés de 2016.

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Tout d'abord, il convient de revenir sur le principe du titre, qui se présente avant tout comme un jeu d'exploration spatiale: le joueur incarne un être perdu au fin fond d'une immense galaxie générée de manière procédurale et dont il va devoir gagner le centre: chaque planète est différente des 18 446 744 073 709 551 615 autres, tant au niveau de la taille, que de la flore, de la faune, du climat, des paysages, etc... Pour atteindre cet objectif lointain (dans tous les sens du terme), il faudra se procurer les ressources qui serviront à améliorer son équipement et à poursuivre sa route, en minant et commerçant. Le jeu garde trace de chaque nouvelle planète ou espèce que le joueur découvre et peut renommer à sa convenance. Outre ces découvertes, l'exploration permet aussi de trouver des ruines dans lesquels on peut apprendre des bribes de langage du peuple résidant dans ce coin de l'univers, ce qui facilite les transactions avec les rares PNJ que l'on rencontre.

LES PIEDS SUR TERRE...

No Man's Sky n'est pas un jeu parfait: il est truffé de défauts qui ont suscité la gronde de nombreux joueurs. Le framerate instable, le FOV trop restreint sur PS4, les menus peu pratiques sur PC... De quoi hurler au scandale, vraiment.
Certains points, en revanche, sont plus ennuyeux car fondamentaux dans l'expérience que No Man's Sky se propose de faire vivre. La génération procédurale, par exemple, est une arme à double tranchant. Indispensable à la création d'un si vaste univers virtuel, elle s'avère très efficace pour générer des planètes aux paysages variés, et chaque planète semble unique. C'est aussi, en partie, vrai pour la flore. Par contre, au niveau de la faune, c'est un échec: oui, chaque espèce est unique, mais presque toutes ressemblent à des assemblages improbables de membres de différentes espèces quadrupèdes terrestres, ce qui amène à un sentiment de redondance puis de désintérêt total vis à vis d'une mécanique centrale du jeu, la découverte de nouvelles espèces. Pourtant, on se dit qu'il aurait suffit d'un peu plus de variété dans les modèles (insectes, oiseaux, reptiles autres que dinosaures...) et d'établir certaines règles d'apparitions liées au climat, aux ressources présentes, etc...
On sent aussi que certaines mécaniques ont été implémentées de façon un peu artificielle suite aux interrogations autour du gameplay. Pour insuffler une dose de "fun", rien de tel que des combats spatiaux un peu mous et répétitifs, la gestion d'un inventaire trop petit et des séquences de farming de ressources minières à n'en plus finir. Le jeu a sûrement souffert de la frilosité de ceux qui l'ont financé, car il est à parier que ceux-ci ont fait pression sur Hello Games pour implémenter d'autres mécaniques que celle de l'exploration pure et dure. Mais ces mécaniques n'ont pas été travaillées en profondeur, car elles ne représentent pas l'objectif premier du jeu et ce sur quoi les développeurs ont passé du temps. Rien d'étonnant à ce que les joueurs qui se sont laissés duper par les trailers racoleurs soient bougons. Nombre d'entre eux mentionnent aussi une certaine redondance au bout d'une dizaine d'heure de jeu (oubliant qu'ils se sont amuséspendant les dix premières heures, ce qui est déjà pas mal).

...LA TETE DANS LES ETOILES

Pourtant, s'arrêter à ces défauts ne serait pas rendre justice au jeu et à ses développeurs. Car l'émerveillement est bien là, à chaque fois que l'on pose le pied sur une nouvelle planète, que l'on contemple un paysage désertique ou luxuriant, ou que l'on s'élance dans les étoiles avant de se retourner pour voir l'immense sphère qui, quelques instants auparavant, était un terrain de jeu trop vaste pour être exploré en une vie. Le tout dans une ambiance musicale sublime. Par une réelle maîtrise des échelles, de la vitesse des déplacements et des distances, l'écrasante immensité de l'espace se fait ressentir à chaque instant, renforcée par un grand sentiment de solitude. L'effet est saisissant. Hello Games se pose en pionnier dans l'univers du jeu vidéo: avec No Man's Sky, il propose une expérience unique au joueur, celle d'appréhender l'immensité de l'espace, de "mesurer" l'incommensurable. Le studio pose des jalons pour l'avenir du jeu vidéo: l'univers de No Man's Sky est aussi une base ou un exemple de ce que pourra être l'ossature d'un jeu aux features plus développées (on rêve de voir appliquer la recette à l'univers d'un jeu dans la veine de Mass Effect). Les possibilités qu'il laisse entrevoir paraissent infinies. La force de No Man's Sky est aussi l'immersion qu'il procure par les textes accompagnant la découverte d'objets, de ruines, par les rencontres avec les PNJ, par le déclenchement aléatoire d'événement, par le discret scénario en toile de fond et surtout par les aventures que le joueur se crée lui-même à la force de son imagination. En effet, la liberté laissée au joueur contribue à lui donner l'impression que son expérience est unique.

Pour conclure, No Man's Sky est une aventure unique et, rien que pour cela, il mérite d'être essayé avant d'émettre un jugement hâtif. Certes, il n'est pas parfait, et il ne plaira certainement pas à tout le monde. Mais ce qu'il propose, aucun jeu avant lui ne l'avait proposé, ce qui donne au studio Hello Games une excuse mais aussi le devoir d'enrichir encore une expérience déjà ahurissante lors de leur prochain travail.