En jouant à ce remake je pensais découvrir Outcast pour la première fois avec une expérience de base améliorée. Après un tiers du jeu j'ai eu le désagréable sentiment de me gâcher l'expérience. La mayonnaise ne prenait tout simplement pas. J'ai donc eu le réflexe d'acheter Outcast 1.1 en cours de route quitte à recommencer depuis le début... Et j'ai bien fait !


Si Second Contact semble absolument identique à l'original, les apparences sont trompeuses... Concevoir un remake est un exercice délicat. La moindre modification peut rompre l'équilibre d'un gamedesign.


Pour avoir découvert les deux versions en même temps je peux vous faire une analyse comparative de ce qui, à mon sens, ne va pas du tout.
=> Allez directement à la conclusion si vous n'y avez pas joué.


Je préviens d'avance que je ne vais pas être indulgent sous prétexte que c'est les développeurs d'origine qui ont travaillé dessus et qu'ils font ce qu'ils peuvent avec ce qu'ils ont. Ce n'est jamais simple de démonter un truc et dans le cas présent ça me fait plus de peine qu'autre chose.


Je le fais aussi parce que j'en ai marre de lire la presse (égale à elle-même) évoquer le prétendu archaïsme d'un jeu originel pour expliquer la médiocrité d'un remake sans même y avoir retouché. C'est quoi ces décalques de tests conso' à deux balles ? On critique une oeuvre vidéo-ludique ou un produit ménager ? Et pourquoi c'est le biais contraire quand la qualité est au rendez-vous ?


Même chose avec les fans nostalgiques qui le défendent en restant bloqués sur la forme sans véritablement se rendre compte de ses dégâts intrinsèques.


Non ce n'est pas le jeu de votre enfance ! Et non les défauts évoqués ne datent pas de 99 ! Merde !


Oui je suis très énervé en écrivant ces lignes, parce que j'y ai cru moi, à ces conneries.



Comment ruiner un premier contact :



1. Avant même de plonger dans le jeu on peut très vite se faire refroidir par la cinématique d'introduction et son mixage bâclé. Allez sur youtube, comparez celle de 1999 et celle de 2017. Ça se passe de commentaire.


2. Une fois à l'intérieur on se rend vite compte que la finition n'est pas au rendez-vous et qu'on doit se taper de grands classiques du JV contemporain comme les bugs d'affichage, le framerate instable et une impression de lenteur.


3. Les bugs physiques sont évidemment de la partie. Il y a des trucs qui font des 360° dans les airs, des PNJs qui traversent les murs à l'horizontale, qui s'enfoncent dans le sol ou se mettent à flotter pendant qu'on parle à quelqu'un... qui parfois ne nous répond pas. Bref, je pourrais en faire une compile comme avec un jeu Bethesda.


4. Le charadesign est horrible, les Talans sont tous atteints d'acromégalie. Il suffit de voir la tête du personnage principal pour se sortir du jeu. Personne n'a envie d'incarner une tête de connard pareille (ce n'est pas un abus de langage).
Ce mec est juste flippant, il rend toutes ses répliques antipathiques au possible et l'humour global du titre est désamorcé par son air sarcastique. Il est parfaitement logique de ressentir un décalage et de ne pas pouvoir s'y attacher.


Cutter Slade n'était peut être pas un model de beauté en 99 mais il avait l'avantage d'être une caricature attachante qui ne désaccordait pas avec l'univers visuel du jeu et encore moins avec la voix de son doubleur, Patrick Poivey.


5. Les personnages n'ont plus aucune gestuelle lors des dialogues et leur animation faciale est digne de la vallée dérangeante. Le langage corporel est une part importante de la communication. Comment voulez vous capter l'attention du joueur et le garder concentré sur les kilomètres de lore qu'on lui balance si cela n'a pas été fait correctement ? C'était carrément fait avec de la motion capture à l'époque.


6. Le mixage et les bruitages environnementaux laissent à désirer. Quand on marche sur la neige dans la version de 99, on a vraiment l'impression de marcher sur de la neige. Là ce n'est pas le cas, on entend presque rien. Et à l'inverse les clapotis de l'eau ressortent tellement avec leur reverb qu'ils deviennent ridicules.



Comment ruiner une maniabilité :



1. Les menus ont été remaniés avec une interface tout à la souris plus accessible, mais elle arrive à être moins réactive, compacte et pratique à utiliser que celle d'Outcast 1.1. Tout s'accumule en bordel dans l'inventaire, les icônes se ressemblent toutes et on ne s'y retrouve jamais d'un coup d’œil.
Ce qui prenait 2 secondes en prend 5 maintenant.


Le tableau des objectifs n'est pas clair. Ils n'ont même pas pensé à ajouter un descriptif des items qu'on ne trouvait que dans le manuel à l'époque. On est en 2018, les gens ont besoin qu'on leur explique in-game à quoi sert un "CLAPR-T".


2. La physique de l'avatar est calibrée avec le cul. En résulte une maniabilité flottante qui donne l'impression de piloter un fauteuil roulant, le personnage ralentis et patauge à chaque dénivelé de terrain, c'est une catastrophe. On peut éventuellement courir avec un sprint qui s'active mollement, mais c'est encore plus désagréable à utiliser. On se traîne lourdement sur le sol et on a peur de rester collé entre deux collisions si l'on s'aventure trop loin du plat (ce qui peut vraiment arriver). Pour éviter ce genre d'accident avec le Twon Ha on ne peut carrément plus sauter avec.


La vitesse du personnage est constante dans l'original on a vraiment l'impression de courir sur quelque chose de dur. On a peut être un balais dans le cul lorsqu'on saute, mais on ne flotte pas bizarrement en l'air. Les mouvements sont rigides mais réactifs et les combats n'en sont que meilleurs.


3. Pourquoi l'item qu'on a dans la main s'active tout seul lorsqu'on saute ? J'ai vérifié et ce n'est pas un problème de mapping des touches.



Comment ruiner un gameplay :



1. Le HUD déconne et affiche les éléments interactifs quand il le veut, on se retrouve devant un groupe de PNJs sans savoir qui est qui. Les modèles 3D des personnages se ressemblent tous et les couleurs sont trop ternes pour qu'il soit possible de les distinguer aisément. Chaque PNJ ou type d'ennemi était relativement identifiable en 99 même sans cette fonction.


2. L'une des nouveautés est de pouvoir viser verticalement en vue TPS, rendant en théorie le mode FPS obsolète, il a donc été supprimé du jeu. Sauf que le gameplay ne devient pas spécialement plus précis ni plus agréable à utiliser, encore moins avec des mouvements flottants et des bosses partout sur le sol... L'assistance à la visée est digne d'un cheat hack. Les balles vont directement sur la cible, il n'y a plus aucune difficulté, encore moins qu'en 99.


Est ce qu'on garderait la simplicité de Doom, ses sensations et sa profondeur si l'on y ajoutait la possibilité de viser verticalement ? Non ! C'est avec ce genre de choix hasardeux que l'on casse l’essence d'un gameplay.


Quand à la vue FPS, en plus de donner un certain cachet immersif au jeu, permettait d'alterner entre les deux modes selon la situation, dynamisant ainsi les combats.


Ne parlons même pas de l'ajout de la roulade d'esquive qui ne se déclenche qu'en se déplaçant latéralement et qui ne sert tellement à rien qu'on nous propose de la désactiver dans les options. Si on trouve le jeu encore trop difficile, on peut même augmenter la résistance aux dégâts et la régénération automatique des points de vie, comme ça même un galet peut finir ce jeu.


3. L'infiltration est probablement la plus grande blague de ce remake. On peut s'accroupir, mais on ne peut plus s'allonger. Donc on ne peut plus se coucher en apnée dans les rizières, se cacher sur les toits ou dans les irrégularités du décors. On dépasse d'une tête tous les obstacles qui ont été prévu pour.


Dès l'épreuve du tuto on comprend qu'il y a un problème en voyant qu'on ne peut pas se faufiler derrière les murets. Ils ont même rajouté des caisses pour combler les trous sachant que ça ne fonctionnerait pas. C'est juste honteux.


4. Dans l'original la furtivité était rudimentaire mais ça passait largement. Là on ne peut pas faire trois mètres sans se faire repérer !


À un moment donné on doit libérer un village. Il est donc très risqué d'y pénétrer de front. Et c'est justement là qu'un PNJ doit nous indiquer le chemin pour les prendre à revers. Sauf qu'on ne peut pas lui parler sans alerter les gardes juste à côté !



Comment ruiner l'aventure :



1. En plus d'avoir la mimimap de base, on a accès à l'intégralité de la carte en détail en plein écran. On peut donc voir la position de TOUS les ennemis PARTOUT dans le monde rendant les jumelles obsolètes. Dans l'original la minimap était un RADAR. J'insiste sur ce mot.


Un radar nous indique la position approximative des ennemis, sa masse et sa proximité. Une map nous donne la position exacte et les déplacements de chaque cible.


Un radar est suffisamment "flou" pour ne pas inciter le joueur à en abuser, le laissant sur ses gardes d'une menace éventuelle et lui procurant un sentiment d'insécurité. Dans Outcast, le fun émerge du chaos et de l'imprévisible des combats. Il n'y a rien d'amusant à effacer des points sur une carte comme dans n'importe quel triple A depuis plus de 10 ans.


2. Le fait de savoir où se trouve les PNJs importants avant de les connaître est une bonne chose, mais l'on perd ce côté "recherche et orientation" qui fait le charme des jeux de cette époque là. Demander ou se trouve un lieu ou un personnage fait partie intégrante de l'expérience. L'immersion n'en n'est que plus profonde. Ça ne peut pas fonctionner si l'on va directement parler à des spots au hasard en espérant tomber sur la bonne personne. Il y avait d'autres solutions...


3. Bref, avec ces "améliorations" on vient de tuer tout le suspens de l'exploration et le sentiment d'aventure qui l'accompagne. On anticipe chaque recoin du monde et ses détails avant même de les avoir découverts. Il n'y a plus aucun mystère. Jouer à Second Contact revient à chercher une pizzeria sur google map.



Comment ruiner un level-design et son économie :



1. À quoi servent les recréateurs si l'on trouve des munitions en abondances ? Pour un chargeur contenant 10 balles on en récolte 15 dans ce remake. Ça n'a l'air de rien comme ça, mais la différence est suffisamment énorme pour ne jamais ressentir le risque du manque. Si la forge des recréateurs ne sert à rien, alors la collecte des ressources non plus !


L'original était déjà trop généreux, il n'était pas nécessaire de le niveler encore plus vers le bas.


2. À quoi sert le système d'achat et d'upgrade d'équipement s'il suffit du pistolet de base pour génocider une zone entière ?


Le manque d'équipement incite à atteindre les objectifs par la ruse, à faire ce qui est nécessaire pour affaiblir l'ennemi et à explorer de nouvelles zones avant de revenir mieux armé. On n'est pas censé pouvoir prendre d'assaut le temple de Faé aussi facilement dès le début ! Le leveldesign à beau être ouvert, il a un fil conducteur, une architecture.


3. S'il est effectivement aberrant de ne pas pouvoir rejoindre les rives autrement que par les escaliers lorsqu'on est dans l'eau, la traverser d'une façon qui n'a pas été prévu par le level design l'est encore plus. On doit atteindre le temple en faisant le tour par l’intérieur et en choisissant l'un des deux chemins qui sont en fait des arènes de combat praticable en infiltration.


C'est comme si l'on supprimait certains murs dans Mario 64 pour le rendre plus ouvert. Ça n'a aucun sens !



Comment ruiner un second contact, le bilan :




  • L'introduction n'aide pas à l'immersion.

  • Le mixage, les animations et les bugs empêchent l'univers d'être crédible et attrayant.

  • Le charadesign foiré tue l'attachement et l'humour potentiel des dialogues.

  • La maniabilité est dégueulasse.

  • Les combats n'ont aucun attrait.

  • Le minimum de challenge est porté disparu.

  • L'infiltration est une blague.

  • L'exploration n'a aucun mystère.

  • 90% des items ne servent plus à rien.

  • Une partie du level-design est saccagée.

  • Le système économique est totalement pété.

  • Où est passé le fameux clin d’œil à Star Wars ?


La liste aurait été encore plus longue si j'avais continué le jeu. Ce remake n'a rien pour lui mis à part sa DA de ses environnements... Et encore.


Ce qui fait d'Outcast un jeu visuellement marquant, c'est ses textures, ses menus verts, son voxel granuleux, ses couleurs pastels. Outcast est une oeuvre brute, une expérience puriste, un voyage dans un tout artistique cohérent.



Conclusion :



Il y a parfois des remakes qui parviennent à garder intact l’essence d'un titre en l'améliorant sans le dénaturer. C'est le cas du Resident Evil de 2002 et de Dragon's Trap par exemple.


Second Contact ne fait pas parti de cette catégorie, il détériore tout ce qu'il touche même ce qu'il était facile de moderniser et cumule les erreurs qu'il n'est pas possible justifier par son manque de financement. Les améliorations concrètes qu'il apporte (HUD, réputation, IA des combats) sont noyées par le reste.


Au lieu de s'éparpiller sur des features inutiles et de consoliser un gameplay qui n'en avait pas besoin, il aurait été plus judicieux de se concentrer à rendre à l'identique la maniabilité et la physique d'origine puis de l'assouplir un poil. Ce qui n'est pas infaisable sur Unity.


C'est comme ça qu'ont été fait les remakes de Crash Bandicoot et de Spyro par exemple, et personne ne s'est plaint du résultat. Au contraire, les curieux peuvent se faire plaisir et les fans sont aux anges, ils découvrent et redécouvrent une expérience interactive avec une meilleure dimension technique et quelques défauts en moins. C'est ça un bon remake de jeu vidéo !


Ces jeux là n'ont pas le cul qui déborde sur la chaise du reboot. Ils n'ont pas perdu de vue ceux à qui ils s'adressaient en essayant de faire du simili Uncharted. Parce que dans le fond c'est bien de cela dont il s'agit : Second Contact est un remake qui n’assume pas d'être un jeu de 99 et qui tente de séduire un public qui n'est pas de son age en singeant les triple A contemporains jusqu'à leur apparence alors qu'il n'en a pas les moyens.


L'original n'avait que deux ou trois défauts fondamentaux à gommer. Il lui suffisait juste d'un coup de vernis à l'intérieur et à l'extérieur de la carrosserie. Il ne méritait pas d'être charcuté de cette façon.


Ne considérez pas avoir vécu Outcast par le biais de ce massacre. Ce n'est ni un bon remaster, ni un bon remake, ni un reboot et encore moins un bon jeu vidéo. Juste une imposture qui empoisonne l'aura du titre qui le précède.


Fuyez ce gâchis, jouez à l'original.
On y ressent bien mieux les intentions artistiques.
Making of de 99 : Partie 1, Partie 2


Si vous êtes un fan de 99, achetez-le uniquement si vous souhaitez soutenir les développeurs et les encourager à faire Outcast 2. Même si personnellement je ne suis pas très serein à l'idée de voir une suite du même tonneau.


On trouve des esquisses de fans captant mieux l'esprit du jeu.
Ça c'est oui : image
Ça c'est non : image


Outcast 1999 : 8/10
Outcast Second Contact : 3/10

Teufeu
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le 12 déc. 2018

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Teufeu

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