Les mains tremblantes, les yeux humides, le souffle court, j'ai achevé ma dernière traversée d'Outer Wilds. C'est fou, il y a encore quelques jours j'ignorais tout de son existence et maintenant... Et bien maintenant plus rien ne sera jamais pareil, parce qu'Outer Wilds est peut-être le plus dépaysant, le plus intelligent, le plus incroyable de tous les jeux d'aventure auxquels j'ai eu la chance de jouer. Et je joue depuis trente ans.
Alors oui, sachez-le, il y aura des superlatifs dans cette critique. Car Outer Wilds est de ces jeux pour lesquels, sitôt terminé, on aimerait glisser dans une boucle temporelle, tout oublier, repartir de zéro et tout redécouvrir. Redécouvrir ce prologue, court et simple didacticiel foutrement bien écrit, micro-échantillon déjà fascinant de tout le gigantisme qui nous attend. Redécouvrir pourquoi le jeu nous ramène au commencement toutes les 22 minutes dans une explosion démesurée. Redécouvrir ce planet opera vertigineux, caviar haut de gamme de quiconque a déjà rêvé d'exploration spatiale. Redécouvrir ce qui se cache derrière ce voile que l'on soulève centimètre par centimètre à chaque nouveau voyage, cette justification à la logique imparable quand on a fini de relier les points. Car il faut bien le dire : rarement dans un jeu à scénario les pièces du puzzle ne s'étaient aussi bien emboitées.
La force d'Outer Wilds c'est peut être simplement qu'il est un jeu d'aventure total et, je l'espère, un manuel d'instructions à l'attention de tous les game-designers qui poserons leurs doigts dessus : disséminez une folle histoire de SF pure aux quatre coins d'un système solaire où les lois de la physique, implacables (et parfois quantiques), gravent leurs marques dans les astres à chaque instant. Enrobez ce moteur physique irréprochable par une DA flatteuse, une écriture sobre et légère pour un propos profond, une bande son brillante et une multitude de panoramas fascinants, écrasants, majestueux. Créez un univers qui appelle à l'exploration tout autant qu'il inspire la crainte et impose le respect.
Et surtout, laissez le joueur se débrouiller avec tout ça. Par pitié, épargnez-lui les marqueurs de quêtes infantilisants, les arbres de compétences inutiles, le crafting laborieux, le looting vain... Laissez-le voyager où il veut, dans l'ordre qu'il préfère. Laissez-le trouver les indices et chercher les réponses à son rythme, aidez-le un peu avec un journal de bord élégant qui s'occupera de prendre des notes à sa place. Laissez-le essayer, expérimenter, se perdre, apprendre, ressentir la peur du vide et de la mort. Non pas parce-qu'elle est punitive mais simplement parce que la mort, dans Outer Wilds, coupe le souffle propre et net. Laissez-le joueur explorer, échouer, recommencer. Laissez-le rassembler les briques de scénario et les poser dans le bon ordre pour atteindre son "eureka" : cet instant magique où il comprendra Qui, Quand, Pourquoi, et saura alors d'instinct Où et Comment clore cette épopée.
Mon expérience avec Outer Wilds est très personnelle. Si le jeu a aussi bien fonctionné pour moi, s'il s'est instantanément classé parmi mes jeux préférés, c'est parce-qu'il fait écho à de vieux rêves de gosse, et parce qu'il rassasie mon appétit sans fin pour la science fiction pure. Il ne marchera évidemment pas chez tout le monde, car pas assez précis pour certains, trop éprouvant pour d'autres, et certainement pas assez balisé pour beaucoup. Mais Outer Wilds transpire l'amour du jeu vidéo, de l'espace et des belles histoires, et pour ces trois raisons il gagne ma tendresse éternelle.