Dans la catégorie des jeux dont le développement a été haletant, Outer Wilds est un fier représentant. Commencé en 2012 en tant que sujet pour un mémoire de fin d’études, son développement continuera ensuite de manière ininterrompue durant six ans, devenant de plus en plus complet et amélioré jusqu’à sa sortie fin mai 2019.
Outer Wilds est un jeu spécial, et ceci pour deux raisons. D’abord car il s’agit d’un croisement original de plusieurs genres : réflexion, exploration, aventure, et également metroidvania dans l’idée. Mais surtout car ce croisement est réussi à la perfection.
Outer Wilds, c’est quoi ?
Vous vous réveillez sur une planète. En regardant autour de vous et en parlant aux personnages aux alentours, vous (joueur) comprenez que vous êtes un astronaute sur le point de décoller dans sa fusée pour explorer le système solaire dans lequel vous vous situez. À part cela, il n’y a pas d’autre objectif : on n’a pas de but précis, juste explorer.
Plus tard, lorsque vous aurez décollé et fait un tour autour des planètes, vous remarquerez beaucoup de structures et de constructions dont vous n’avez pas la moindre idée de ce qu’elles représentent, ni si elles ont une utilité. En effet, ces structures n’ont pas été construites par votre espèce, mais par une ancienne civilisation aujourd’hui disparue, dont votre espèce est fascinée et rêve d’en apprendre plus.
Après une vingtaine de minutes, soudain, le soleil entre en supernova, puis quelques secondes après, vous vous réveillez sur votre planète… comme il y a vingt minutes. Vous venez de terminer votre première boucle temporelle.
Vous l’aurez compris, l’objectif de Outer Wilds est de se promener dans le système solaire avec notre vaisseau, et d’explorer ses planètes de fond en comble afin d’apprendre tout sur ce qui nous entoure : qui était cette ancienne civilisation, qu’ont-ils découvert, à quoi sert toutes ces structures qu’ils ont faites… et surtout, pourquoi sommes-nous bloqués dans une boucle temporelle, condamnés à nous réveiller à nouveau toutes les vingt minutes.
« Metroidvania de la connaissance »
Outer Wilds est un jeu qui est focalisé sur la connaissance. À aucun moment, le jeu ne nous donnera de capacité, de pouvoir, ou d’objets qui vous permettront de faire des choses qu’on ne pouvait pas faire jusque-là. En fait, si on a vraiment de la chance, on peut littéralement finir le jeu en dix minutes, le temps de faire ce qu’il faut pour atteindre la fin. Mais bien sûr, cela ne sera jamais le cas, car à ce moment-là, nous ne saurons rien sur ce qui nous entoure.
Au fil des heures que nous allons passer à explorer les planètes et ce qu’elles contiennent, nous découvrirons de plus en plus de choses (en lisant les textes écrits par l’ancienne civilisation, ou en regardant simplement des choses se dérouler sous nos yeux), qui vont éclairer de plus en plus l’histoire du système solaire, et répondre aux questions qu’on se pose sur telle ou telle chose… mais qui peuvent également en apporter de nouvelles. Tel un enquêteur, ou un chasseur de trésors, nous menons l’enquête.
Certaines personnes décrivent ainsi Outer Wilds comme un « metroidvania de la connaissance ». Dans un metroidvania, nous explorons un monde qui s’ouvre de plus en plus, au fil des compétences que l’on acquiert. Ici, c’est la même chose, mais c’est ce qu’on apprend qui va nous faire progresser dans le jeu : nous faire prendre conscience de phénomènes physiques qui étaient passés inaperçus, nous apprendre comment on entre dans tel endroit, apporter la pièce manquante servant de réponse à une interrogation...
Si comme moi vous êtes de nature curieuse, et que vous vous émerveillez devant ce type de gameplay ainsi que devant toutes les choses différentes qu’on a l’occasion de découvrir au cours de nos voyages spatiaux… nul doute que cela sera pour vous un régal.
Maîtrisé à la perfection
L’univers et la narration d’Outer Wilds est plutôt conséquente (le jeu prend en moyenne 20 heures pour être fini), et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’elle est d’une magnifique cohérence. Rien ne paraît incohérent dans le jeu, et chaque petite chose que l’on va découvrir est reliée à quelque chose d’autre, qui forme finalement un grand « arbre de connaissances ». Si l’on est bloqué à un endroit parce qu’on n’y trouve plus rien, ou juste parce qu’on commence à se lasser d’être toujours sur la même planète, alors il ne faut pas hésiter à remonter dans le vaisseau et à partir ailleurs… ce que nous apprendrons ailleurs sera toujours plus ou moins lié, et pourra peut-être même nous donner la solution.
La direction artistique du jeu, sans être sublime, est réussie : la musique et le design graphique s’intègre très bien au style du jeu. Simple mais soignée, elle remplit très bien son rôle.
La mécanique centrale du jeu est cette fameuse boucle temporelle, qui nous ramène à notre port d’attache toutes les 20 minutes. Cette mécanique est parfois critiquée par les joueurs, ces derniers avançant l’argument qu’elle nuit à l’immersion.
Je ne suis pas tout à fait d’accord. Certes, si vous êtes le type de joueur qui aime bien se balader sur des planètes pendant des heures et s’imprégner de l’ambiance pour une grande immersion… c’est un peu raté, car la boucle va vite vous ramener à la réalité.
Mais plutôt que se battre contre elle, il faut profiter d’elle. En effet, la boucle rythme votre jeu : 20 minutes, c’est finalement le temps qu’il faut pour explorer une partie d’une planète. Cela nous permet d’éviter de partir dans tous les sens, et nous donne l’opportunité de « faire le point » au moins toutes les 20 minutes, pour interpréter tout ce que l’on vient d’apprendre, et de décider de notre prochaine destination en fonction de cela.
Il faut également noter que la boucle influence l’environnement : par exemple, il y a certains endroits qui ne sont accessibles qu’au début (ou à la fin) d’une boucle…Il s’agit, une fois de plus, de quelque chose de très intéressant en terme de gameplay, qui ne serait pas tellement possible sans cette boucle.
Et je trouve que sur ce point, la boucle est justement bénéfique, car elle permet au joueur de se « concentrer » sur seulement 20 minutes d’évènements. Imaginez si on devait à la place se concentrer sur l’intégralité de la partie, et qu’on passerait notre temps à nous demander « est-ce que je ne devrais pas plutôt aller là-bas ? si ça se trouve, quelque chose d’important est en train de s’y passer... ».
L’absence de frustration
Bien que Outer Wilds soit le mélange de plusieurs genres, il a su éviter les pièges qui peuvent rendre les jeux de ces genres respectifs frustrants.
Ainsi, bien que Outer Wilds soit un jeu d’exploration, il n’est pas question ici d’explorer chaque millimètre de chaque planète que l’on va trouver, dans l’espoir de trouver après des heures d’exploration le grain de poussière qui va nous apprendre 90 % de l’histoire. En réalité, trouver quelque chose reste toujours facile ; ce qui importe, c’est de savoir la relier à toutes les autres choses que l’on a apprises jusque-là.
Également, il y a aussi une part « énigmes » dans Outer Wilds, mais là non plus, ce n’est pas le type de jeu comme The Witness qui va nous faire passer une heure dans une pièce pour essayer de trouver comment rentrer dans la pièce suivante. Nous pouvons parfois galérer un peu pendant quelques minutes pour savoir comment faire quelque chose, mais la grande majorité de nos réponses se trouvent dans les textes et les éléments que nous allons découvrir ailleurs. Donc, si on se trouve par exemple coincé devant une porte et qu’on ne sait pas comment entrer… il faut passer à autre chose et retourner explorer ailleurs ! On finira bien par trouver – ou déduire – quelque part l’explication sur comment ouvrir cette porte.
Quelque chose qui est également très appréciable est comment le jeu sauvegarde votre progression. Comme je l’ai dit plus tôt, tout ce qu’on apprend dans Outer Wilds est toujours relié à quelque chose d’autre, formant une grande carte, comme dans les films policiers où tout est relié sur un grand tableau en liège. Et c’est exactement comment le jeu vous le montre : le journal de bord prend la forme d’une carte mentale, qui se complète à chaque élément que l’on découvre, s’agrandissant de plus en plus au fil de vos découvertes. C’est d’ailleurs la seule chose qui va changer dans le jeu au fil des boucles.
Ainsi, nous n’avons pas à nous soucier de nous rappeler de tout (et tant mieux, car il y a vraiment beaucoup à apprendre !), car il suffit de jeter un œil au journal de bord pour faire le point. Mais le jeu ne nous mâche pas non plus tout le travail, et il nous faudra toujours réfléchir un peu, voire prendre un papier et un crayon à certains moments.
Un peu plus près des étoiles
J’avais entendu beaucoup de bien d’Outer Wilds. Pour moi qui aime bien les jeux d’exploration et d’aventure, mais qui a tendance à être frustré par les faux pas que beaucoup de jeux de ce genre font, Outer Wilds fut une bonne découverte et une expérience jouissive, un jeu qui correspond presque parfaitement à mes critères, et qui m’a captivé comme très peu de jeux ont réussi à le faire, tout particulièrement lors des premières heures.
En regardant en arrière, j’ai du mal à trouver quelque chose à reprocher au jeu… mis à part
la fin qui semble finalement très incohérente par rapport au reste du jeu… dommage.
. Outer Wilds est donc la preuve que les œuvres quasi-parfaites n’appartiennent pas uniquement au domaine des jeux connus et/ou à gros budget : même si beaucoup de jeux indépendants et inconnus sont réalisés par passion sans réel souci du détail, quelques-uns sont tellement peaufinés et perfectionnés qu’ils n’ont absolument pas à rougir devant les plus grosses licences du secteur… bien au contraire.