Les gros sabots
C'est une drôle d'impression que laisse Outlast, entre profonde déception et intense satisfaction. Satisfaction d'avoir joué, enfin, à un survival horror façon AAA en 2013 : le jeu reste quand...
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le 22 sept. 2013
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Outlast, c'est l'histoire d'un journaliste qui part enquêter dans un asile réputé pour être chelou, et qui finit par fortement regretter d’avoir voulu jouer au malin. En fait, il va surtout regretter de ne pas être parti une arme à la main, comme tout bon américain qui se respecte. Car bon, ne partir qu’avec une caméra, c’était un peu une idée pourrie.
Tant pis pour lui ! Voilà un bon point de départ pour un Survival-Horror. Un héros faible, incapable de se défendre, dans un environnement hostile et terrifiant. J’aime ces jeux sortant des sentiers battus, ne nous armant pas jusqu’aux dents, revenant à la base du genre où la faiblesse de l’avatar était la pièce maîtresse.
Ce qui fait l’originalité de Outlast, c’est son utilisation de ladite caméra. Par cela, le jeu se veut le représentant des films d’horreur à caméra portée rendu célèbre avec Projet Blair Witch ou [Rec] par exemple. A n’importe quel moment, le joueur peut sortir sa caméra pour filmer un peu. Mais à quoi est-ce que ça sert ? Pas à taper sur les ennemis, non… Mais il y a deux utilisations très intéressantes.
La première est que si l’on filme, le personnage va parfois griffonner quelques-unes de ses pensées sur un papier et nous pourront les lire (bon alors, pourquoi ne les écrit-il pas s’il n’est pas en train de filmer ? J’veux dire ce serait même plus logique, tu peux pas écrire si tu tiens une caméra, ou alors tu galères comme un porc, ça aurait dû être l’inverse !! Ah ça symbolise son journalisme ? Aaaah… Ou alors non c’est juste un choix de game design injustifiable hein – Oui je dialogue avec moi-même, mais c’est pour rester dans le thème de l’asile pour fous).
La deuxième utilisation de la caméra, et la plus intéressante de loin, est qu’elle dispose d’un mode nocturne. C’est d’ailleurs le SEUL moyen de voir dans le noir (les lampes torches c’est tellement has been). Le problème c’est que quand on utilise le mode nocturne, la batterie de la caméra se vide très vite… (il a mal choisi son modèle à la Fnac le mec, définitivement pas malin). Les batteries étant limités, et puisque l’on n’en ramasse pas toujours souvent, il faudra apprendre à les économiser et donc prendre le parti d’avancer un peu dans le noir… malgré la peur. Cette gestion d’économie est intéressante dans la mesure où quand des ennemis seront aux alentours c’est ce qui va générer chez nous la principale peur (« Je sais pas où il est !! Et si j’allumais le mode nocturne ? Oui mais non il me reste que 3 batteries… AAAargh »). La couleur du mode nocturne, plongeant l’environnement en vert, contribue à conférer un côté glauque à l’ambiance. C’est vraiment peu rassurant, on n’y voit pas non plus totalement, on se sent peu en sécurité. La caméra est donc bien intégrée dans ce survival, un vrai point fort, d’autant qu’il y a quelques idées très bien trouvée la concernant.
L’autre point fort d’Outlast c’est son ambiance. L’asile est glauque, macabre, sale, insalubre, envahi par la moisissure et le sang et les cadavres de ses résidents. Le travail sur le son est parfait, les bruitages, les petits sons par-ci par-là nous plongent dans l’environnement, et nous met constamment aux aguets. Je n’ai rien à dire de plus sur tout cela, si ce n’est qu’on sent qu’il y a du travail et que c’est globalement réussi.
… cependant… ! Oui, bon, c’est très sale, crade et glauque, tout ça c’est vrai, mais ça manque cruellement d’identité. L’habitué des survivals connait déjà tout ça. Traverser des environnements maculés de sang et de cadavre, de trippes ou que sais-je, il connait, ça ne le surprend pas. Au contraire même, c’est ce qu’il attend ! Et quand un jeu fait ce qui est attendu, le joueur est satisfait, mais il n’est pas surpris. Or voilà, Outlast ne m’a jamais surpris dans ses décors, à aucun moment, car j’ai déjà exploré tout ça dans un bon paquet de jeu. C’était réussi, glauque, mais passé la première heure de découverte de l’univers et de l’asile, la peur disparait. On est en territoire connu, okay, j’avance sans surprise.
Là où ce Survival est très décevant c’est dans sa structure, sa construction. L’intégralité du soft est extrêmement linéaire, très couloir. Alors on est d’accord, c’est normal qu’il y ait des couloirs puisque nous sommes dans un bâtiment, mais là n’est pas mon propos. Non, le joueur est placé sur des rails, il poursuit sa route sans crainte car le chemin est toujours tout droit. On est guidé de la même manière qu’on le serait dans un jeu d’action/aventure classique de type Uncharted : il n’y a qu’un chemin, on avance, on accomplit l’action demandée et hop, la suite est devant.
Ici ma déception est grande. Comment cette structure est censée nous faire peur ? Je veux dire… d’où vient la peur ? Elle vient certes des éléments qui visuellement nous font peur : le sang, les cadavres, les dangers multiples, etc. Mais à part tout ça ? Elle vient de l’incertitude, du doute permanent, de la crainte qu’il nous arrive quelque chose… Dans un Silent Hill on va explorer un bâtiment dans son intégralité en devant en explorer les moindres recoins dans l’ordre qu’on le souhaite, et ici nait le doute : « suis-je sur le bon chemin ? ne suis-je pas en train de faire un putain de détour, est-ce que je risque de perdre de la vie et de me mettre dans la merde pour la suite ??! ». Rien de tout ça dans Outlast. On avance dans notre couloir, on continue, c’est tout droit, on accomplit la petite action, on passe, sauvegarde auto (le joueur tendu sera à ce moment là rassuré), et on continue.
Alors bon j’exagère peut-être un peu, il y a quelques moments où on sera lâché dans une zone un peu ouverte à la recherche d’un item, ou en ayant des actions à effectuer (activer des vannes, interrupteur, etc), ou se cacher d’un ennemi en cherchant le bon chemin… Mais le level design reste dans tous les cas très sommaire : très peu de chemin, donc très peu d’exploration, peu de chance de se perdre, une progression beaucoup trop dirigée. D’autant que l’ensemble est très scripté. Exemple tout bête : Tu ramasses un item nécessaire, et soudain (oh surprise !) des monstres commencent à défoncer la porte de la pièce où tu te trouves. Des scripts comme cela, il y en a beaucoup, ça rajoute fortement à l’impression de linéarité de l’ensemble.
Comment Outlast cherche-t-il à nous faire peur alors ? Il y a deux mécaniques principales :
La première, c’est le jumpscare. Outlast en est blindé, mais alors blindééééé, tellement blindé qu’on peut les prévoir sans trop de mal. Tu t’approches d’un corps inanimé et BAM, il se relève subitement en hurlant. (BOUH t’as peur hein !!). Bref, si des fois j’ai pu être surpris car certains sont assez réussis, j’ai trouvé la plupart vraiment ratés… Le jumpscare c’est un peu le moyen facile pour faire peur, mais ce n’est pas de la peur c’est de la surprise. Utilisé de temps en temps, pourquoi pas, mais trop c’est lassant et surtout ça ne surprend plus (et donc on tue dans l’œuf le procédé). Le plus grave dans l’histoire c’est que ces jumpscare ne servent vraiment qu’à la surprise. Dans un survival habituel, un jumpscare peut intervenir (ennemi qui apparait) et là le joueur va devoir accomplir une action (le shooter, ou dans le pire des cas une QTE basique)… Dead Space est par exemple très client de ses jumpscare/shoot. Mais ici dans Outlast, puisqu’on ne peut se défendre, un ennemi qui nous attaquera en jumpscare ne nous fera aucun mal… le héros se défendra tout seul, ou une solution x viendra le sauver… Aucune crainte à avoir, aucun réflexe à travailler. C’est un peu le revers de la médaille du fait de ne pas être armé. S’il n’y a pas d’arme, il n’y a donc aucune mécanique de jeu mettant en scène la défense, et donc pas de peur à ce niveau. Dommage.
La seconde mécanique, c’est la faiblesse même du personnage et la présence d’ennemis. Comment devons-nous gérer cela ? Il faut se cacher, esquiver les ennemis, les surveiller… et les fuir lorsque l’on est repéré jusqu’à trouver une nouvelle cachette. Ces parties de cache-cache sont vraiment réussies, on est en proie au stress, la crainte de se faire chopper, toujours en train de surveiller et de veiller à utiliser le moins de batterie possible. Le seul truc c’est que l’IA est un peu daubée, et quand on la comprend on passe très facilement.
Tant qu’on évite de se faire repérer, Outlast est donc stressant, mais dès qu’on est vu… alors il y aura une grande course poursuite on l’on devra fuir, courir partout, ça peut faire peur au début mais quand ça fait 5 minutes que l’on court partout et que le mec est toujours derrière nous ça devient un peu chiant (ne riez pas, ça m’est arrivé !!). Mais le plus souvent on arrive à se cacher assez vite… ou alors on se chopper et éventré. Ainsi va la vie.
A cela j’associerai un autre gros reproche que je fais à Outlast : sa musique. Elle est en soi assez bien (même si elle n’a rien d’exceptionnel), mais elle est très très mal utilisée.
En gros, quand un ennemi apparaîtra dans notre zone, la musique s’activera. Quand il sera parti, elle disparaîtra. Ce procédé est NUL, il casse tout suspense, tout doute sur la présence ou non d’ennemi. Tant qu’il n’y a pas de musique, on sait que l’on peut tracer notre route sans danger. Bon alors il y a bien des exceptions, ça ne m’étonnerait pas (je ne peux pas affirmer que c’est toujours comme ça, je me souviens pas de toutes les séquences de jeu), mais dans la grande globalité c’est bien ainsi que ça se passe.
Idem, quand on se fera repérer, la musique va se mettre à devenir toute très forte, avec plein de tambours, histoire de faire : ATTENTION DANGER. Ca marche, ça nous booste quand on court, ça fait battre un peu notre cœur, mais la musique est extrêmement répétitive et surtout manque vraiment de subtilité. C’est clairement une musique de danger basique, vraiment dommage pour un survival…
Outlast est donc un survival sympathique, avec plein d’idées chouettes, un univers sympathique, une bonne ambiance, un scénario qui se suit sympathiquement bien qu’il soit très classique (et que sa fin soit toute pourrie)… mais qui est beaucoup trop sommaire pour me convaincre totalement. Il fait beaucoup d’erreurs pour un survival, ce qui l’empêche de nous faire peur comme il le pourrait. Evidemment, pour le néophyte du genre, ou peut-être celui qui n’aurait fait que des « action-survivals », Outlast pourra apparaître comme excellent, mais l'habitué ne pourra pas être aussi convaincu. Dans les survivals plus récents, je lui ai largement préféré Amnesia (dont il s’inspire beaucoup) et Silent Hill Downpour.
Outlast est en revanche plein de bonnes attentions, ce qui est très rassurant pour l’évolution du genre ces prochaines années. Maintenant j’attends avec grande impatience The Evil Within, qui j’espère va venir révolutionner l’histoire du Survival Horror. [EDIT : LOOOOOOL]
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le 14 févr. 2014
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