Pas si chouette
Enfonçons les portes ouvertes : Owlboy est un jeu magnifique, aussi bien d’un point de vue visuel que sonore. Véritable régal pour les sens, le jeu impressionne par la qualité de sa direction...
le 4 juin 2018
14 j'aime
2
Temps de jeu : 10 heures
Reçu dans le Humble Monthly Bundle de Février 2018
Test rédigé pour Nintendo-Difference [#8]
Ces deux ou trois dernières années, nombre d’arlésiennes se sont finalement vues concrétiser. On pensera notamment à Final Fantasy XV, The Last Guardian ou encore Iconoclast. Owlboy fait partie de ceux-là. Après plus de neuf ans de développement, l’équipe perfectionniste de D-Pad Studio a finalement laissé son dernier-né prendre son envol. Disponible depuis le premier novembre 2016 sur PC, le titre s’est également décidé à faire son nid sur PS4, Xbox One et Nintendo Switch le 13 février dernier (une édition physique est attendue le 29 mai chez SOEDESCO). Fruit d’un travail méticuleux, il a su attirer nombre de regards grâce à un pixel-art fin et détaillé. Promesses d’une aventure haute en couleur et riche en rebondissements, Owlboy invite les joueurs à incarner une petite chouette muette, laquelle devra protéger bec et griffes ses terres d’une armada de robots-pirates. Mais derrière ce joli minois, le titre possède-t-il de réelles qualités ludiques, ou cherche-t-il seulement à plumer d’innocents badauds ?
L’histoire d’Owlboy prend place dans le petit village de Vellie, dans un monde où humains et chouettes vivent sur des îles flottantes. De moins en moins nombreuses, les chouettes ont pour mission de protéger l’humanité de tous les dangers. C’est aussi le rôle d’Otus, le héros qu’incarnera le joueur. Jeune, fragile et muet, il parachèvera son apprentissage sous la tutelle d’Asio, un mentor dur, mais bienveillant. Intelligent, le tutoriel parvient à marier narration et manipulations de manière claire et concise ; Otus peut voler, effectuer des roulades sur terre comme dans les airs, déterrer des trésors du sol à l’aide de ses serres, porter des objets contondants avant de les jeter, consommer des fruits pour se régénérer ou tournoyer pour frapper au corps-à-corps. Cette palette d’actions sera mise à contribution tout au long de l’aventure, tant pour venir à bout d’ennemis que pour traverser les obstacles ou mettre la main sur des pièces cachées ici et là.
Brimé par les autres chouettes, presque renié par son maître, Otus est un personnage qui subit plus qu’il ne donne. Handicapé sensoriel et maladroit comme personne, cet anti-héros va pourtant vivre une aventure haute en couleur, véritable voyage initiatique durant lequel il apprendra à avoir confiance en lui et ses incroyables capacités. Jamais trop bavard, le jeu propose tout de même un scénario bien écrit et invitant à une réflexion s’articulant autour de la science, de la mort, de la mémoire et de l’héritage. Au cours de son périple, le joueur fera la connaissance de personnages uniques, tant dans leur psychologie que dans leur apparence. Comme son meilleur ami Geddie, certains d’entre eux rejoindront même Otus dans sa quête, apportant de nouvelles mécaniques de gameplay (armes à feu ou grappin, par exemple). Bourré d’humour et saupoudré d’action, l’univers d’Owlboy arrive également à se montrer poignant, sans avoir à sortir les violons. Une justesse retranscrite comme il se doit par une localisation française de haute volée.
Pépite visuelle s’il en est, le titre de D-Pad Studio est une claque de tous les instants. Doté d’un pixel-art d’un niveau cosmique, les amoureux du genre seront aux anges, n’hésitant jamais à s’arrêter bouche bée devant des décors sublimes. Même les plus allergiques ne pourront que se courber devant le travail titanesque abattu, à défaut d’apprécier comme il se doit ce bijou de créativité. Animé de la plus belle des manières, chaque personnage, monstre ou machinerie dégage une unicité comme rarement le joueur en a déjà vu. Une qualité exacerbée par le mode portable de la Switch, qui rend les graphismes plus fins et agréables qu’ils ne le sont déjà. On en viendrait presque à se sentir coupable de traverser en un éclair chaque écran, tant la production est à des années-lumière au-dessus de la concurrence. En effet, Owlboy ne demandera que très rarement – pour ne pas dire jamais – au joueur de revisiter les lieux déjà explorés.
Il faut dire que le titre du studio norvégien se montre assez chiche question rejouabilité, en comparaison d’autres metroidvania. Le monde ne se revisite que très rarement et quand c’est le cas, ses zones ne délivrent jamais de nouveaux secrets, peu importe que le joueur ait récupéré de nouveaux pouvoirs ou non. La véritable plus-value du jeu résidant dans la découverte et l’effet de surprise, ce dernier invite assez peu à prolonger l’expérience une fois l’aventure bouclée. En fait, c’est tout le game design d’Owlboy qui se révèle fragile dans sa conception, comme si la direction artistique avait absorbé tout le temps de développement nécessaire à la production du jeu. La plate-forme oscille entre l’inexistant et le simpliste, les combats souffrent d’une visée peu précise et d’une caméra qui tend à désorienter le joueur, le level design ne surprend jamais tant il se complaît dans son classicisme, et les pattern de boss sont trop convenus pour se montrer réellement mémorables. Trop facile, le titre requerra tout de même entre sept et huit heures pour en venir à bout en ligne droite.
Reste que le jeu se parcourt avec un certain plaisir, notamment grâce à ses mécaniques de vol, de transport et de personnages secondaires. À l’exception de rares moments (la jungle obscure ou la chevauchée d’un ver monstrueux, pour les citer), Owlboy n’ennuie jamais celui qui le traverse. Le joueur y résout des énigmes, lutte contre de vils pirates du ciel, découvre progressivement l’Histoire du monde qu’il foule, met la main sur des coins secrets pour en récolter le butin caché, le tout sur un rythme soutenu et une fluidité inébranlable. Un voyage magnifique et accompagné de la plus belle des manières par une bande-son absolument saisissante. Composée par Jonathan Geer (Xenoraid, Neon Chrome ou encore Cook, Serve, Delicious! 2!!), elle mêle avec brio des thèmes d’ambiance sombre, des mélodies plus poétiques ou encore des pistes très Nintendo dans l’âme ; comment ne pas fondre de tendresse en écoutant le morceau Mandolyn ? Le sound design est également très correct, tant dans ses bruitages que dans ses voix digitalisées.
S’il ne parvient pas à cristalliser tout ce qui faisait la force d’un jeu de l’époque, la faute à un gameplay trop timide et une progression très linéaire, impossible de ne pas y apercevoir un puissant hommage à ces derniers. Avec son aventure prenante, son monde incitant au rêve, ses graphismes bourrés de détails, sa bande-son enivrante, ses cinématiques pleines de mystères et ses personnages uniques, le jeu retranscrit presque parfaitement les émotions véhiculées par l’ère 32-bits, les moyens en plus. Dommage que la rejouabilité et le contenu annexe soient finalement assez pauvres, et que la toute fin du jeu soit en deçà du reste, notamment dans son affrontement final. Visuellement royal, on comprend désormais mieux pourquoi D-Pad Studio a mis plus de neuf ans pour finaliser son bébé. À défaut d’être un exemple de game design, Owlboy est un véritable bijou pour les yeux et – sans mauvais jeu de mots – un très chouette titre à découvrir, notamment en mode portable.
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Créée
le 3 juil. 2022
Critique lue 364 fois
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