Paladins
6.1
Paladins

Jeu de Hi-Rez Studios (2018PC)

[La critique est relative au jeu tel qu'il était jouable en Juin 2017; les modes de jeux ainsi que la partie sur la monétisation ont quelque peu évolué depuis]


Complexe de parler de Paladins sans ne serait-ce qu'évoquer Overwatch et les similitudes, voire similarités qui lient les deux titres. Alors tant qu'à faire, je vais en parler en introduction pour parler essentiellement du jeu en lui-même par la suite. Oui, Paladins a des airs d'Overwatch. Les jeux sont tous deux des FPS compétitifs à "héros", à la direction artistique colorée, aux choix de game-design très proches. Le litige tient à savoir qui a copié qui. Et très honnêtement, ça n'est pas vraiment là qu'est le problème potentiel pour Paladins...ni non plus ce qui rend le jeu intéressant.


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Puisqu'Overwatch est le plus populaire, on aurait tendance à penser que les empreints sont plutôt allés de Blizzard vers Hi-Rez. Mais un historique de ces derniers nous apprend que le titre est issu d'une autre licence maison, Global Agenda, qui prenait déjà exemple sur Team Fortress 2, Tribes et autre City Of Heroes, à la fois pour les déplacements, mais aussi pour l'ambiance visuelle et les mécaniques des héros aux habiletés uniques. Dans les faits, on pourra aussi noter que Paladins est techniquement sorti avant Overwatch et qu'il est en réalité assez complexe de plaider le plagiat, dans un sens ou un autre, même en mettant face à face Ruckus et Dva, ou Fernando et Reinhart, les deux plus proches sur le plan visuel et du gameplay. Au mieux, on pourra parler de "coïncidences rigolotes qui n'en est peut être pas une".


Malheureusement, dans la tête du public acquis à la cause Overwatch (à juste titre, c'est un excellent jeu), Paladins est une contrefaçon pauvre qui n'a comme argument que...sa gratuité. Seulement je voudrais argumenter que Paladins a de très bons atouts et de beaux défauts, indépendamment de ses liens de parentés d'avec le phénomène de Blizzard.


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Comme c'est encore là qu'il est le plus vulnérable aux attaques de plagiat, intéressons-nous à la direction artistique et à sa qualité intrinsèque. Je pense que Paladins a deux défauts: son incohérence et son inégalité.


Globalement, le dessin employé, la technique graphique, la manière dont chaque personnage est proportionné, dont les couleurs sont agencées, et dont les décors sont designés et texturés, tout cela est très professionnel. Ça n'est pas le niveau technique le plus fou que l'on ait vu, mais le jeu tient bien la route et à un style cartoon agréable à l’œil. Le problème c'est que le jeu met en scène des personnages dont les univers qu'ils évoquent ne font pas forcément bon ménage. Le jeu jette pêle-mêle un dragon en armure avec un jetpack, un gobelin dans un mecha, un druide à la prothèse en pierre animée par la magie, un guerrier chinois, une fée insectoïde, une espèce d'espionne futuriste...et chacun des personnages apporte son propre lore sous-entendu qui ne colle pas forcément avec celui de son voisin. Contrairement à TF2, Overwatch ou même Battleborn, le jeu n'a pas assez d'éléments reconnaissables pour qu'on sache immédiatement que tous ces personnages sont tirés du même jeu; et le style graphique est joli mais n'a pas un trait assez fort non plus pour remplir ce rôle. Difficile de voir le rapport entre Willo (la fée) et Ruckus (le gobelin en armure). Le jeu manque un peu de cohésion, et probablement même d'une écriture, si basse du front puisse-t-elle être, qui poserait des règles à l'univers visuel.


Le second souci, c'est donc l'inégalité du casting. Évidemment, ici la subjectivité jouera son rôle pour déterminer quel personnage s'en sort avec les honneurs ou les horreurs. Mais dans le fait, on sent que certains personnages ont été beaucoup plus soignés dans le design de leurs tenues et mouvements, alors que d'autres se retrouvent à incarner de simples archétypes sans être leur propre incarnation de cet archétype. Viktor, le soldat, est bateau comme pas permis. Skye manque de détail pour en faire autre chose qu'une bombasse moulée dans son latex violet. Et à côté de ça Mal'Damba et son cobra qui sert d'arme, avec son masque taillé dans le bois, Inara, sorte de croisement entre Poison Ivy et un druide avec ses mini-menhirs qui flottent autour d'elle, ou encore la classique mais bien exécutée Evie, sorte d'adolescente sorcière over-the-top qui vole sur son balais futuriste, ceux-là semblent avoir reçu plus d'attention aux détails lors de leur création.


C'est d'autant plus dommage qu'après avoir passé une soixantaine d'heures sur le titre, j'en suis venu à apprécier la plupart des personnages même les moins réussis visuellement. Grâce notamment au travail sur les doublages et bruitages qui donnent pas mal de personnalité à chaque membre du casting. Les phrases "emotes" sont globalement assez drôles (Fernando, mon main, en a quelques unes bien débiles) et les exclamations lors des attaques ultimes sont parfois bien fendards (en particulier quand on coupe le sifflet à un personnage super arrogant). Si les musiques sont très fonctionnelles en terme de rythme de jeu, mettant bien l'ambiance sans vraiment se montrer mémorables, les bruitages sont juste excellents. Chaque arme a vraiment bénéficié d'une attention particulière et les feedbacks sont très efficaces pour jouer au son.


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Paladins manque de polish visuel, c'est certain. Mais ce n'est pas tant à cause de sa ressemblance avec un autre titre qu'à cause d'un manque de cohésion et d'attention aux détails sur certains personnages. Pour le reste de la présentation, ça fait vraiment le taffe et ça peut même être joli, le tout sans jamais sacrifier de performance. Côté gameplay, c'est franchement solide.


Le jeu dispose de trois modes de jeux accessibles soit en "casual" soit en "competitive". Le premier, "Siege" est un mélange d'un point à capturer et d'un payload qu'il faut accompagner vers sa destination en restant à côté. Le second était un match à mort classique, à la Counter Strike (lorsqu'on meurt on ne revient pas) mais a été remplacé lors d'une màj par "Onslaugh", une capture de point sur les mêmes cartes que le match à mort. Enfin le dernier mode, "Payload" est, comme son nom le trahit, un payload seul qu'il faut pousser le plus loin possible.


Si on excepte "Onslaugh" qui hérite des cartes du mode précédent auquel il n'est pas forcément adapté, chaque mode de jeu a ses propres séries de cartes, et globalement, l'architecture est ingénieuse. Elle permet de faire briller chaque catégorie de personnages, voire d'avantager ou désavantager certains gameplay par rapport à d'autres.


D'une manière générale, Paladins favorise une action assez soutenue, mais en conservant une bonne part de stratégie dans le choix des personnages et de la manière de s'organiser. Avoir au moins un personnage "front line" (tank) accompagné de son "support" (heal) est plus ou moins indispensable pour réussir une partie de "Siege" ou "Payload" assez sereinement. Partie qui, en "Siege" (le mode le plus joué et le meilleur à mon sens) crée de la tension aussi dans le fait que l'on ne sait pas qui va attaquer ou défendre, puisque le premier objectif est de prendre le point pour faire apparaître le payload, avant de faire avancer ce dernier. Il faut donc savoir se remobiliser quand on a perdu le payload, histoire d'empêcher l'équipe d'en face de le faire avancer trop vite; tout comme il faut savoir maintenir sa dominance pour faire bouger le payload de place quand on l'a fait apparaître.


Malgré un équilibre à respecter dans les équipes, les personnages sont, pour la plupart assez forts en terme de dégâts pour pouvoir tous faire quelques éliminations. Pratiquement aucun personnage n'est inoffensif. Ils trouvent surtout leurs particularités dans leurs déplacements, leurs habiletés, leur cadence et forme de tir et leurs "ultimate", ces attaques spéciales qui peuvent parfois retourner un match quand bien utilisées. Le choix des habiletés est vaste et la plupart des personnages ont une combinaison soignée; certains auront des gameplay un peu plus spécifiques, avec des choses à poser au sol, ou des projectiles à faire exploser manuellement etc. Tout cela permet de trouver chaussure à son pied aisément. En somme, du moment que l'on ne choisit pas, têtu comme une mule, de prendre un "flank" ou un "dammage" de plus au lieu de choisir un soigneur quand le reste de l'équipe a déjà beaucoup de DPS, on ne risque pas vraiment de se faire insulter dans le chat écrit à cause d'un choix qui ne concours pas à la meta du jeu.


Paladins est donc, en tout cas pour le moment, moins décortiqué de la concurrence sur ce point et chacun peut se trouver un chouchou, voire un chouchou dans chaque catégorie. Cela s'additionne avec les cartes assez courtes et la rapidité avec laquelle on peut tuer (puisque tout le monde peut faire un peu de dégât) pour donner des parties de moins de quinze minutes dans la majorité des cas.


Et c'est aussi une des raisons, un peu fortuite, pour lesquelles je finis par préférer le titre d'Hi-Rez à son pendant premium: je peux tout tester sans crainte de passer une longue partie à me faire rouler dessus et insulter sur le fait que je devrais changer de personnage. Car Paladins ne permet pas de changer de personnage en cours de partie, et sa popularité moindre en fait un jeu où il y a nettement moins de friction.


En somme, le jeu a essentiellement des matchs assez courts, et des personnages dont les variations se trouvent surtout au niveau des déplacements et habiletés, et beaucoup moins en terme de dégâts par seconde. Et comme atteindre le mode compétitif nécessite de monter au moins 12 personnages au niveau 4 (ce qui peut prendre 4-5 parties comme 10 en fonction de si on joue bien ou pas), on est intelligemment encouragé à essayer les personnages le plus possible, ce qui est un vrai point positif pour Paladins.


Vu d'un œil moins occasionnel, c'est aussi là que Paladins se voit moins compétitif que ses concurrents FPS, ce qui peut être un défaut pour les plus acharnés (et qui est une qualité pour moi). Le jeu ajoute à l'équilibre dur à trouver entre des personnages aussi variés, des cartes que l'on peut collectionner et qui, en somme, associent des bonus aux habiletés de son personnage. On peut par exemple décider que lorsque l'on utilise tel pouvoir, le personnage regagne un peu de vie. On doit sélectionner cinq cartes parmi celles que l'on a, peut leur ajouter des points à chacune. Le tout devant faire 12 points au total (par exemple 1 sur les deux premières cartes, 2 sur la troisième et 4 sur les deux dernières, ce qui fait 1+1+2+4+4=12), on doit privilégier certaines cartes à d'autres. Ainsi on peut rendre un personnage plus fort, plus résistant, plus mobile, baisser ses cooldowns etc. Forcément, ça doit être un enfer à équilibrer, ce qui rend la meta compliquée. Mais jusqu'à présent, je n'ai jamais noté de build qui dépasse largement les autres. C'est simplement un petit élément de personnalisation supplémentaire.


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Côté finance enfin, la formule de Paladins est plutôt dans le haut du panier des free2play. Le jeu rend accessible gratuitement une partie de son casting, avec au moins un personnage (souvent le plus aisé à prendre en main) pour chaque classe. Les autres personnages se débloquent avec de l'argent en jeu que l'on accumule simplement en jouant; pour la plupart ils se débloquent avec des sommes tout à fait raisonnables qui ne demandent pas de jouer pendant dix heures pour un personnage. Le jeu propose aussi une formule à 20€ qui débloquent l'ensemble de personnages déjà présent, ainsi que ceux à venir (et Hi Rez continue d'en ajouter) et rembourse même l'or dépensé pour acquérir ceux que vous avez débloqué avant de payer les 20€.


Pour les cartes idem, rien de scandaleux. Elles se débloquent dans des coffres que l'on gagne en faisant évoluer ses personnages ou que l'on peut acheter via des micro-transactions. Les cartes de base font déjà bien l'affaire la plupart du temps, mais le côté aléatoire des coffres pourra frustrer certains.


Le bémol se trouve vraiment dans la partie cosmétique. Autant les swap colors sont accessibles avec le même or que les personnages, et peuvent donc se débloquer en quelques parties. Autant les vraies tenues alternatives sont plus difficiles à obtenir car souvent bloquées derrière la monnaie dédiées aux micro-transactions; monnaie que l'on peut gagner, mais avec une lenteur assez affligeante. Que cela soit par achat direct, ou par un coffre dont l'aléatoire peut ne pas fournir la tenue désirée, évidemment. Il reste que l'on peut s'équiper avec des tenues funs sans se ruiner, grâce à des événements et la présence (très rare) de tenue dans les coffres de base.




Je suis vraiment tombé sous le charme de Paladins, et pourtant, notre histoire d'amour partait du très mauvais pied. Hyper-sensible que je suis aux directions artistiques hasardeuses, en l'installant, j'y voyais surtout la fameuse contrefaçon chinoise d'Overwatch. Seulement le jeu m'a gagné par son gameplay simple, mais robuste, de qualité, et ne mettant pas pour autant la stratégie complètement à la rue. J'y ai d'ores et déjà passé plus de 65 heures avec un plaisir qui ne se dément pas. Probablement que son aspect moins tendance et ses choix de game-design, notamment dans la manière dont les matchs se déroulent et dont les personnages se contrôlent, en font aussi un jeu plus enclin à accueillir le joueur occasionnel que je suis. Toujours est-il que, contre toute attente préalable, je reste sur Paladins (alors que j'ai délaissé Overwatch)...et je ne m'en lasse pas. Et pour le prix de la gratuité, ce serait vraiment dommage de passer à côté, sur le seul critère de sa direction artistique en dent de scie.

Créée

le 16 juin 2017

Critique lue 3.8K fois

2 j'aime

seblecaribou

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