Papers, Please représente le meilleur de ce que peut offrir l'indé : une expérience unique et radicale. Le début est déconcertant, entre l'environnement hautement dépressif du jeu et la tâche somme toute ingrate et bassement procédurière confiée au joueur : examiner leurs papiers et laisser entrer ou refouler les étrangers qui arrivent sur le territoire d'Arstotzka. La force tranquille du jeu se manifeste tandis qu'il commence à formater le joueur : chaque entrant débarque avec son histoire, la procédure d'entrée se complexifie de manière absurde, les pièces exigées encombrant l'espace de travail déjà ridiculement petit, le boulot offre de maigres revenus pour subvenir aux besoins de sa famille et la tentation de la corruption apparaît bien vite. Papers, Please est bien plus efficace qu'un serious game car c'est fondamentalement un jeu, prenant qui plus est - en tout cas l'espace de quelques heures - avec ses mystères à découvrir. Il met en lumière la facilité (voire l'inéluctabilité ?) qu'il y a à se transformer en fonctionnaire zélé et décérébré et l'inhumanité de la procédure. Et il permet, à mon avis, d'expérimenter un univers kafkaïen bien plus efficacement qu'un roman de Kafka, au style finalement assez laborieux. Une improbable et belle réussite.