ll existe une légende, probablement fausse mais là n'est pas le propos, selon laquelle un MJ aurait un jour demandé à Gary Gygax d'écrire un second Deities & Demigods car ses joueurs avaient tué tous les dieux du premier. L'anecdote illustre surtout que le minimaxage est corrélatif du jeu de rôle en général et de D&D en particulier (dont la mécanique de jeu ne connait que le combat). Il n'est pas rare de croiser sur les forums de jeu de rôle un MJ appeler à l'aide car il sait plus comment gérer les personnages grosbills de ses joueurs.

D&D avait ainsi introduit dans l'arsenal du MJ des menaces de nature à faire frémir tout joueur désireux de préserver son alter ego imaginaire dont, non des moindres, le drain de niveau. La menace avait quelque chose de l'épouvantail qu'on agite pour faire peur, sans intention sérieuse d'y recourir. Une forme d'équilibre de la terreur comme pour dire à ses joueurs : n'abusez pas.


Pathfinder: Wrath of the Righteous retourne la situation : sans MJ pour moduler et garantir le plaisir de jeu il balance tout l'arsenal anti-grosbills : dégâts aux caractéristiques (puis, comme si cela ne suffisait pas, drain de caractéristiques), absorption de niveau en rafale, pétrification et stats délirantes (attendez vous à rencontrer des tests de compétence de DC 40+ et des AC de 50+ au niveau 14...). Il est d'ailleurs amusant de constater que les sorts pour dissiper les états (et ce n'est pas toujours automatique en plus) sont les seuls qui coûtent des ressources... Dans ces conditions le minimaxage n'est plus une option : il est obligatoire.

Je pensais déceler de bonnes intentions mal exécutées dans Kingmaker (ma critique) mais j'avais tort : le jeu est très exactement le résultat que cherchaient à obtenir les développeurs car Wrath of the Righteous est identique.

Savoir : des cartes qui se parcourent en ligne droite pour y affronter des hordes de monstres, une difficulté absurdement élevée (attention : même en casual !), collecter des trésors et désamorcer des pièges (tout ce qui concerne les pièges est absolument grotesque d'ailleurs), tous placés là sans la moindre logique. Le tout entre d'insupportables temps de chargement pour gérer le camp, la très inutile croisade (un ersatz de Heroes of Might & Magic), les allers - retours fastidieux (le chapitre 4 !) et les rencontres aléatoires histoire d'en remettre une couche niveau combats. Et vu la difficulté relevée le recours au tour par tour et une laborieuse préparation de son équipe est souvent indispensable, exigeant un temps de jeu déraisonnable.


Le jeu de rôle me direz-vous ?

Il n'y en a pas. Ou très peu. Le jeu balance le lore de l'univers jusqu'à la nausée plutôt que de proposer des dialogues et situations intéressantes, les PJs sont unidimensionnels et chargés jusqu'à la caricature (et, notamment, de ceux de Planescape Torment, les qualités d'écriture en moins), tous les événements se déroulent de manière prévisible (mince alors, encore une trahison ?) et se déroulent à l'identique quels que soient nos choix. C'est d'ailleurs l'aspect le plus affligeant de mon point de vue : un manque complet d'intérêt pour la narration et une mise en scène qui nous laisse tout loisir d'observer les antagonistes assassiner ou prendre la fuite tranquillement (encore !) avant de nous rendre la main. Deus ex machina ou l'arme fatale du scénariste paresseux.

On se demande ce qu'on fout dans la position qui nous est assignée et le jeu ne cherche pas à nous en convaincre. L'intrigue avance manu militari et ne dévie pas de sa route, peu importe notre classe, notre alignement, nos choix ou notre chemin mythique (en tout cas ce n'est pas visible au cours des 4 premiers chapitres - au mieux certains personnages en remplacent d'autres mais occupent très exactement la même fonction). Même les tests de compétence sont essentiellement cosmétiques et ne changent rien à l'approche de jeu, qui se résume au combat.

Personnellement j'ai lâché l'affaire après 45 heures de jeu, dans le chapitre 4 (j'ai joué deux débuts de campagne, l'une commencée en normal et basculée en casual au chapitre 3 et l'autre commencée en story, surtout pour tester l'adaptation du jeu aux choix).


La cible de ce Pathfinder : les joueurs à tendance grosbill (ou masochiste) qui voudront tester leur maîtrise du minimaxage (car l'aide intégrée et l'interface ne facilitent ni l'apprentissage du système dérivé de D&D3 ni la manipulation et la comparaison de l'équipement). Et se complairont à aligner la séquence "préparation des sorts et potions, combat, récupération" ad nauseaum (mais vraiment !) et recommencer des combats où un 20 naturel peut décider de l'issue. Autant la préparation d'une rencontre peut-être un moment fort d'un jeu de rôle sur table, car celle-ci sera l'un des points d'orgue de la séance, autant elle devient pénible quand le jeu se résume à des centaines de rencontres.

Mais je suppose que si on a 100 heures devant soi et que jeu de rôle est synonyme de 'roll'play, d'xp, loot, optimisation, et combat alors oui, sans doute, Pathfinder est-il un bon jeu. Sinon c'est une purge.

bunnypookah
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le 17 avr. 2023

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