Innocent Sin a longtemps été un objet de fantasme pour les joueurs occidentaux, étant donné qu'il n'a jamais eu la chance de sortir du Japon, contrairement à son ainé Persona (censuré et traduit avec les pieds) et sa suite directe Eternal Punishment. La patience est une vertu et c'est en 2008 qu'un fan acharné a mis à disposition un patch de traduction en anglais. Bonheur chez les fans de la série, la possibilité de se frotter à ce mystérieux péché innocent étant enfin du domaine du possible.
Pour les adeptes de Persona 3 et 4, ne vous y trompez pas, les premiers Persona reprennent une construction plus classique que leurs descendants, à base de successions de blabla-donjon-boss et ainsi de suite. Toutefois, pour les amateurs de JRPG sombres et urbains, non-allergiques à la 3D isométrique et curieux de développements psychologiques, Innocent Sin est clairement à découvrir.
Démarrant sur le poème « Der Doppelgänger » de Henri Heine, Innocent Sin défend fièrement ses références Jung. Notre jeune groupe devra affronter ses travers, accepter ses « doubles » et grandira ensemble. La cohésion des protagonistes est un des points forts du jeu, on s'y attache, chacun apportant sa propre pierre à l'édifice. Grain de folie plus qu'agréable, les rumeurs sont au cœur du jeu, s'infiltrant même dans certaines mécaniques en vous proposant par exemple de modeler les boutiques que vous visiterez.
C'est bien dans son scénario, sa mise en scène et son audace que le jeu puise sa force. Dans une ville où désormais les rumeurs deviennent réelles, les limites s'effacent. On rigole bien quand il s'agit de prétendre qu'un personnage devient une star, on tremble beaucoup plus quand des esprits dérangés décident de répandre la dernière nouvelle à la mode : que la fin du monde est proche.
Point de vue gameplay, on regrettera l'absence des fusions, substituées par un système de cartes à obtenir en discutant avec les adversaires. Bien qu'original, ces dialogues s'avéreront parfois répétitifs. Les combats seront l'occasion de bien faire attention à l'ordre de passage de vos protégés, certains alignements de sorts permettant d'obtenir des Fusion Spells dévastateurs. En cas de problème, l'indispensable Velvet Room est là, dirigée par Igor qui se fera un plaisir d'échanger ses Personas contre vos cartes fraîchement acquises.
Ambiance torturée et parfois mélancolique, sans oublier des pointes d'humour, au programme donc, le tout pour une aventure d'une quarantaine d'heures, voire plus si vous comptez faire toutes les quêtes secondaires (elles aussi influencées par les rumeurs à colporter). Dans l'idéal, il est conseillé de faire les trois premiers Persona dans l'ordre, les clins d'œil au 1 étant légion (dont des personnages qui reviennent) et Eternal Punishment débutant par la fin d'Innocent Sin.