J’ai découvert la saga des Persona avec son troisième épisode sur PS2 et ce dernier m’a clairement convaincu de l’intérêt que je pouvais porter à la saga et j’enchaîne donc avec son tout dernier épisode en date : Persona 5. Étant arrivé avec plus de 6 mois de retards en Europe, il avait déjà fait l’objet de critiques dithyrambiques à son égard qui m’ont poussé à le pré-commander, ce que je ne fais quasiment jamais, autant dire que j’en attendais beaucoup. La critique étant longue, je vous propose d’écouter un de ses (nombreux) thèmes chantés relaxants pendant la lecture : Beneath the Mask.
GAMEPLAY / CONTENU : 9 / 10
Shin Megami Tensei Persona 5 ne révolutionne pas le concept de la saga partagé entre vie quotidienne d’un lycéen façon visual novel et l’exploration de donjons remplis d’ennemis à vaincre façon Dungeon-RPG, ce qu’il vise c’est à l’enrichir et à le peaufiner. Le concept de base étant excellent à mes yeux, bien que forcément déroutant il trouvera ses détracteurs, je n’ai absolument rien contre cette volonté de la reprendre très largement malgré le changement de génération d’autant que les améliorations se retrouvent sur les deux parties de ce concept par rapport au précédent épisode, ce n’est pas du tout un vulgaire copier-coller.
On a cinq caractéristiques sociales à augmenter très bien réparties au fil des activités et des social links de façon très cohérente. Le jeu va par exemple nous donner pour mission de travailler dans un bar pour apprendre quels personnages pourraient avoir besoin de notre aide, de façon à déclencher une quête secondaire pour plus tard. En même temps, on gagnera des points dans une caractéristique sociale selon le client avec qui on échangera qui nous apprendra une chose ou deux en rapport avec sa profession par exemple. Par conséquent, l’attribution de cette mission annexe m’a fait découvrir cette façon parmi une multitude de travailler mes caractéristiques sociales à tel moment de la journée. C’est une structure cohérente qui marche mieux que jamais.
Les liens sociaux que l’on tisse avec les personnages permettent de débloquer des compétences, du nouveau contenu dans les boutiques... de façon très cohérente également et ça motive encore plus à les travailler puisque ça aide pour les combats. Ces derniers ont profité d’un petit rééquilibrage avec par exemple le flingue comme nouvelle arme ou le baton pass pour fluidifier un enchaînement, des petits ajouts sympas pour des combats toujours aussi techniques. La manette est mise à contribution pour tout un tas de raccourcis instinctifs qui permettent de gagner du temps pour des combats jamais ennuyeux. La quantité de Personas à collecter, à entraîner et à fusionner offre plein de façons de jouer qui se renouvellent constamment pour des combats à nouveau très addictifs.
L’infiltration plus élaborée pour prendre par surprise les mobs permet de rendre plus agréables des phases de jeu qui ont toujours existé mais qui ne l’assumaient pas forcément, ce n’est pas parfait avec un temps de réaction très long et un cône de vision très étroit des ennemis mais l’effort est louable. Un autre effort louable ce sont les aides en ligne pour organiser notre journée ou répondre en classe, une petite feature online intéressante. Mais comme vous avez du le comprendre c’est surtout la quantité de mécaniques de gameplay parfaitement imbriquées les unes dans les autres sur une centaine d’heures de jeu (105 pour ma part) qui me bluffent le plus.
J’aurais juste un reproche à faire, c’est le système pour capturer les Personas. Le principe est très bien dans l’idée, les convaincre de nous rejoindre en répondant à leurs questions et si on a bien pigé leur caractère on doit savoir ce qu’ils attendent, ce qui permet de leur donner une personnalité et de mettre en place un petit mini-jeu. Dans la pratique c’est complètement raté, beaucoup de questions sont parfaitement stupides, les « bonnes » réponses m’ont trop rarement paru cohérentes, on a une première question qui ne sert généralement à rien, il est parfois préférable de répondre la pire réponse que l’intermédiaire car la seconde nous empêche de réessayer... c’est le hasard qui déterminera trop souvent si le Persona est capturé ou non, autant assumer et nous filer des Poké Balls dans ce cas. L’aveu des développeurs sur ce petit fail c’est qu’on est pas obligé de se retaper cette phase si on a déjà le Persona en question mais c’est aussi ce qui fait que le problème n’est pas si gênant que ça pour un gameplay autrement très bien foutu.
SCENARIO / NARRATION : 9 / 10
J’ai dit plus tôt que Shin Megami Tensei Persona 5 ne révolutionne pas le concept de la saga, ça vaut autant pour le gameplay que pour sa narration. On retrouve toujours cette année scolaire qui fixe le rythme de l’aventure, les personnages correspondant chacun à une arcane se développant au fil de notre habilité à se lier d’amitié avec eux, les thématiques plurielles et matures abordées à l’occasion de ces rencontres, le monde parallèle au notre que nous sommes seuls (ou presque) à impacter par nos actions et choix... Comme pour le gameplay, la formule d’origine étant efficace à mes yeux ça ne me dérange absolument pas qu’elle soit reprise pour être modifiée et peaufinée ici et là.
La narration par flashback est assez bien ficelée car on se remémore une intrigue en sachant à l’avance une partie de ce qui va se passer mais c’est très bien géré pour amener certains twists dont je ne parlerai pas plus que ça pour ne pas spoiler, mais j’ai bien aimé cette façon de faire dont je ne voyais pas l’intérêt au tout début. Le jeu va même jusqu’à exploiter les codes habituels de sa saga pour générer certains retournements de situation très intelligents que je n’avais pas du tout vu venir, même quand on croit que cette partie de l’intrigue n’est jamais que la même vue dans d’autres Personas, ce n’est pas forcément le cas.
Le rythme est très bien géré avec des événements dramatiques qui arrivent assez vite pour lancer l’intrigue et quand celle-ci commence à donner le sentiment de se répéter c’est là qu’intervient l’élément perturbateur pour relancer tout ça. Malgré la richesse de l’univers et le temps nécessaire pour l’exploiter, le rythme en souffre beaucoup moins que dans un Persona 3 par exemple et c’est très appréciable. Une très bonne qualité d’écriture se retrouve quasiment tout du long, il m’aura fallu attendre 60 heures de jeu pour que je trouve tout un passage mal écrit, la crise de Morgana en septembre très mal justifiée et maladroitement menée à mon sens.
En parlant de lui, personnifier le narrateur qui commente ce qui se passe au jour le jour par Morgana est une excellente idée très bien exécutée. Il arrive à expliquer ou à rappeler des mécaniques de jeu avec une cohérence, une simplicité et un humour que je trouve tout simplement formidables et pertinents. Un humour ultra-présent et terriblement efficace en ressort avec plein de références variées et plus ou moins subtiles mais c’est impossible de ne pas se marrer à plusieurs reprises et ça ne se mêle jamais maladroitement à un moment plus sérieux qui souffrirait du décalage.
Bon après le jeu n’a pas été traduit en français, seulement en anglais mais le marché étant assez peu encourageant sur la question je le comprends, tous les dialogues ne sont pas doublés mais en même temps il y en a une tonne donc je le comprends, il y a quelques blagues un peu maladroites qui ne font pas mouche mais il y en a tellement qui marchent à côté de ça que je comprends... ce n’est pas parfait, ce n’est pas innovant mais ça marche super bien et si c’est votre premier Persona ça marchera sûrement d’autant mieux.
RÉALISATION / ESTHÉTISME : 8 / 10
Un jeu cross-gen 3 ans après l’arrivée de la nouvelle génération de console ? Il fallait oser mais sortir en exclusivité PS3 trois ans après sa mort aurait été encore plus stupide sans aucun doute. Malheureusement, cette caractéristique empêche le jeu d’être une baffe technique vous vous en doutez, il y a pas mal d’aliasing prononcé sur certains éléments de décors, les effets de particule sont assez basiques... mais même sur le plan graphique un jeu ne se résume pas à sa technique aussi imparfaite soit-elle, surtout quand ce sont des considérations visuelles secondaires qui sont mises en cause et non la fluidité ou la stabilité.
Les donjons parcourus en sont un parfait exemple, eux qui arborent un ensemble de choix esthétiques en lien avec une personnalité particulière et de ces choix découlent des concepts de gameplay très cohérents, la direction artistique de ces donjons en est donc variée, originale et pertinente. Vu le temps qu’on passe dedans ce n’est absolument pas négligeable et ce n’est qu’un exemple parmi bien d’autres qui prouvent une direction artistique de haute volée. Le chara-design des persos ou des Personas est assez poussé, les modèles 3D très satisfaisants, les portraits des combattants sont impeccables et super bien utilisés avec par exemple ces superbes artworks lorsqu’ils achèvent l’ennemi...
Ces choix esthétiques ne sont pas jamais fait par hasard, les personas de nos combattants seront par exemple inspirés de personnages comme Robin des Bois, Zorro, Arsène Lupin... et ça a toujours un sens à un moment ou à un autre en plus d’être de sympathiques références. La ville de Tokyo a été retranscrite avec beaucoup de soin et c’est assez bluffant de voir des comparatifs entre les lieux réels et leur version dans ce jeu qui ne se contente pas de copier mais s’inspire de ces lieux pour en transmettre l’essentiel.
La mise en scène pendant les dialogues façon manga est très bien incrusté et c’est pourtant un aspect que je peux vite trouver saoulant, là j’ai beaucoup aimé. Ce côté manga / animé se retrouve aussi dans les cinématiques d’une propreté à toute épreuve, même si je trouve leur mise en scène un peu trop simpliste par moment. L’interface est surchargée de détails et d’effets en tout genre, c’est un vrai plaisir de naviguer dans les menus ou de faire les boutiques rien que pour ça. L’OST renforce bien l’ambiance du titre avec beaucoup de thèmes chantées très réussies.
On a toujours une zone de jeu segmentée par plein de petits temps de chargement mais qui sont suffisamment courts et bien habillés pour ne pas poser problème, un peu plus lourds par contre pour afficher une map mais là je chipote. L’esthétisme de très grande qualité compense très bien la technique simplement satisfaisante du soft, c’est regrettable qu’un jeu avec autant d’ambitions n’en est pas eu sur cet aspect technique mais c’est bien le seul qui souffre de ce problème qui n’est au final vraiment pas bien dérangeant.
CONCLUSION : 9 / 10
Une belle aventure de 100 heures avec des moments chargés en émotion forte ou en humour délectable, des combats techniques, ergonomiques et addictifs, une direction artistique plus que soignée, Persona 5 se hisse avec splendeur parmi les meilleurs jeux de son genre à mes yeux malgré ses petites carences techniques pas bien méchantes et quelques reproches personnels très secondaires. À moins de vouloir à tout prix une rupture dans la saga avec cet épisode, parce que la formule ne vous plaît pas ou de ne pas du tout être à l’aise en anglais, je ne peux que vous le recommander très fortement.